Des moustiques super-résistants aux insecticides identifiés en Asie

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Photo d'un moustique Aedes aegypti prise dans le laboratoire du département d'entomologie médicale de l'Institut national japonais des maladies infectieuses le 14 juillet 2018 à Tokyo © Courtesy of Shinji Kasai/AFP SHINJI KASAI

Tokyo (AFP) – Des moustiques transmettant la dengue et d’autres maladies virales parfois sévères ont développé une haute résistance aux insecticides dans certaines régions d’Asie, et de nouvelles méthodes pour enrayer leur propagation sont urgemment requises, selon une étude japonaise récemment publiée.

L’épandage d’insecticides dans des zones infestées de moustiques est une pratique courante dans des régions tropicales et subtropicales. La résistance était déjà un souci mais l’ampleur du problème n’était pas précisément connue jusqu’à présent.

Le scientifique japonais Shinji Kasai et son équipe ont étudié des moustiques de plusieurs pays d’Asie et du Ghana, et ont constaté des mutations génétiques qui en rendent certains immunisés contre des insecticides largement utilisés comme la perméthrine.

« Au Cambodge, plus de 90% des moustiques Aedes aegypti – vecteur principal des virus de la dengue, Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune – ont une combinaison de mutations aboutissant à un niveau de résistance extrêmement élevé », selon M. Kasai, interrogé par l’AFP.

Ce directeur du département d’entomologie médicale à l’Institut national japonais des maladies infectieuses a découvert que certains types de moustiques censés être éliminés à 100% par des insecticides ne l’étaient plus qu’à 7%. Et même une dose toxique dix fois supérieure n’en tuait que 30%.

Les niveaux de résistance varient selon les régions. Ils « diffèrent totalement » entre le Cambodge et le Vietnam par exemple selon M. Kasai.

Ses travaux ont aussi révélé qu’au Ghana, dans certaines parties de l’Indonésie et de Taïwan, les insecticides existants fonctionnaient toujours pour le moment.

Une résistance aux insecticides a par ailleurs été également constatée chez le « moustique tigre » Aedes albopictus, mais à des degrés plus faibles.

Nouvelles parades à trouver

Cette étude publiée fin décembre par la revue Science Advances montre que « des stratégies couramment employées pourraient ne plus être efficaces » pour contrôler des populations de moustiques nuisibles », selon le professeur Cameron Webb, un expert de l’Université de Sydney interrogé par l’AFP.

De nouveaux produits chimiques sont nécessaires, mais les autorités et les scientifiques doivent aussi réfléchir à de nouvelles méthodes de protection, comme des vaccins, selon M. Webb.

Seuls quelques vaccins contre la dengue sont actuellement disponibles – celui du groupe pharmaceutique japonais Takeda a été approuvé l’an dernier par l’Indonésie puis l’Union européenne, tandis que l’usage de celui du français Sanofi est très limité car il peut aggraver la maladie chez des personnes n’ayant jamais contracté ce virus auparavant.

Les cas de dengue ont augmenté de manière spectaculaire dans le monde depuis 20 ans, avec entre 100 et 400 millions d’infections par an, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 80% des cas sont bénins ou asymptomatiques mais des complications potentiellement mortelles existent.

M. Kasai, qui craint que les moustiques super-résistants qu’il a identifiés ne se répandent ailleurs dans le monde « dans un futur proche », recommande aussi de varier davantage les insecticides, mais le problème est que leurs modes d’action sont souvent similaires.

Des alternatives consistent à renforcer les efforts visant à éliminer des zones de reproduction des moustiques ou à stériliser des moustiques mâles via la bactérie Wolbachia, une méthode innovante qui a déjà donné localement des résultats encourageants.

Où précisément et quand les mutations de résistance aux insecticides chez des moustiques sont apparues reste un mystère.

M. Kasai élargit désormais ses recherches à d’autres régions d’Asie et examine aussi des échantillons plus récents du Cambodge et du Vietnam pour voir si quelque chose a changé par rapport à son étude précédente qui portait sur la période 2016-2019.

© AFP

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