Betteraves et néonicotinoïdes : ouverture d’une consultation sur la prolongation de la dérogation

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Champ de betteraves à Pont-Audemer, France. © JOEL SAGET / AFP

Le débat sur les néonicotinoïdes est relancé en raison d’une consultation sur la prolongation de la dérogation accordée aux betteraviers au-delà de 2022. La filière de la betterave sucrière avait obtenu fin 2020 une dérogation de 3 ans pour recourir aux pesticides néonicotinoïdes et faire face à la jaunisse virale ainsi qu’à une diminution de leur production. La jaunisse virale est transmise aux plantes par les pucerons verts, ce qui explique le recours aux pesticides. Aujourd’hui, la prolongation de cette dérogation fait l’objet d’une consultation publique en ligne ouverte jusqu’au 24 janvier 2023 inclus. Pourtant, avec la dérogation actuelle, des fonds avaient été débloqués afin de permettre le développement d’alternatives à l’emploi des néonicotinoïdes dans la filière. Les néonicotinoïdes sont interdits en Europe et en France depuis le 1er septembre 2018. Leur toxicité est reconnue, les produits phytosanitaires de cette famille sont surnommés « les tueurs d’abeilles ».

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Une dérogation non-justifiée pour les ONG

« Aujourd’hui les informations scientifiques dont nous disposons ne justifient en rien la demande d’une nouvelle dérogation pour l’usage de néonicotinoïdes pour les semences de betteraves sucrières. », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures dans un communiqué. « Nous demandons donc aux Ministères concernés de renoncer à accorder cette dérogation injustifiée pour des substances extrêmement dangereuses pour l’environnement et la santé. » ajoute-t-il.

Des alternatives déjà existantes aux néonicotinoïdes

La dérogation de 2020 avait un caractère provisoire, le temps de trouver des alternatives. Pourtant, dès 2018, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait identifié des alternatives au recours aux pesticides dans le traitement des cultures de betteraves. En 2021, l’agence a renouvelé son travail et identifié 22 alternatives possibles dont 4 disponibles immédiatement et 18 autres déployables en 3 ans. « Dans le cadre de la première expertise, nous avions une vision d’ensemble, avec 130 usages analysés », explique Emmanuel Gachet sur le site Internet de l’Anses, coordinateur scientifique de l’expertise et responsable de l’unité Expertise sur les risques biologiques du laboratoire de la Santé des végétaux de l’Anses. « Ici, nous nous sommes concentrés sur les deux espèces de pucerons principalement responsables de la transmission des virus de la jaunisse, le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) et le puceron noir de la fève (Aphis fabae) pour identifier des solutions rapidement disponibles pour la betterave sucrière. » Parmi les solutions envisageables, le recours à des produits naturels, comme des huiles, du biocontrôle – c’est-à-dire le recours à des insectes prédateurs des pucerons -, ou encore de ne pas pratiquer la monoculture de betterave sur la parcelle. L’agence explique que de telles pratiques requièrent de fait un effort supplémentaire de la part des exploitants puisqu’elle écrit que « la plupart des solutions alternatives considérées substituables aux néonicotinoïdes montrent des efficacités correctes mais insuffisantes, en utilisation seule, pour réduire les niveaux de dégâts à un seuil économique acceptable. »

Julien Leprovost

Article édité lundi 9 janvier 2023 a 8h30 pour supprimer un e assertion erronée concernant le glyphosate mentionné comme pesticide alors que c’est un herbicide.

Pour aller plus loin

La page du site du Ministère de l’Agriculture consacrée à la consultation publique : projet d’arrêté autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes

Participer à la consultation du public sur le projet d’arrêté instaurant une dérogation pour l’utilisation en 2023 de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes

Le site de l’Anses Des solutions alternatives aux néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse dans les cultures de betteraves

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8 commentaires

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    • Matthias Heilweck

    Ma participation à la consultation publique:
    Je suis contre l’utilisation des néonicotinoïdes à cause de leurs effets destructeurs sur l’environnement. Les solutions alternatives existent (avec un peu plus de travail et moins de chômage).
    De plus, il y a une surproduction mondiale de sucre et l’exportation du produit des betteraves françaises nous coûte des subventions.
    Pour finir, l’excès actuel de consommation de sucre a des conséquences sanitaires désastreuses qui nous coûte des soins. Permettre de nous empoisonner pour produire quelque chose dont nous n’avons pas besoin et qui plombe nos finances publiques est une hérésie, n’en déplaise aux quelques-uns qui en profiteraient (Ils ne sont de loin pas 40 000!)

    • Francis

    L’auteur de cet article illustre parfaitement l’effondrement des niveaux de l’Education Nationale et du journalisme: un dépôt de betteraves en tas n’est pas un champ de betteraves. Le glyphosate n’est pas un nicotinoïde ni un insecticide tueur d’abeilles, c’est un désherbant. La monoculture de betteraves n’existe pas et n’a jamais existé: elles ne reviennent sur le même sol que tous les trois ans minimum. La dose à l’hectare du gaucho et des molécules comparables en traitement de semences se compte en dizaines de grammes, pas plus. Evidemment, il est souhaitable que ces molécules organo-chlorées ou organo-fluorées ou les deux en même temps soient remplacées par des molécules phosphorées ou soufrées biodégradables mais il faut en trouver.

    • Mouhedin serge

    Bonjour
    Petit souci rédactionnel, le glyphosate est un herbicide et non un insecticide de la famille des néonicotioides.
    La toxicité de ceux-ci sur les abeilles est prouvée.
    Ce qui n’est pas le cas du glyphosate.cordialement

    • Matthias Heilweck

    OUI, la photo est mal cadrée (le champ doit être en-dessous du tas) et OUI, le glyphosate n’est pas un néonicotinoïde (c’est un désherbant tout aussi nocif), mais NON, la nocivité d’un produit de traitement ne se mesure pas en poids à l’hectare et NON, il ne s’agit pas de remplacer une molécule par une autre, mais de changer de méthode de culture.

    • Francis

    @Matthias. Non, le glyphosate est biodégradable. Quant à changer de méthode de culture, montrez nous comment il faut faire.

    • sviga Rose-Marie

    Pendant des années on a lutté contre les neonicotinoÏdes tueurs d’abeilles indispensables à la pollinisation et donc à la vie.
    des études ont démontré leur nocivité sur la santé.Grand soulagement quand l’Europe interdit leur utilisation Comment peut on envisager une dérogation?
    je suis médecin, c’est comme si ,alors qu’on vient de découvrir la toxicité grave d’un médicament je demandais une dérogation pour avoir le droit de le prescrire

    • Julien

    Il y a effectivement une erreur factuelle dans l’article à propos du glyphosate qui n’est pas un insecticide mais un herbicide, elle a été rectifié. Merci à celles ceux qui l’ont pointée.

    La rédaction

    • Matthias Heilweck

    @Francis. Voilà plus de 10 ans que Monsanto a été définitivement condamné pour publicité mensongère à propos de son affirmation de biodégradabilité du Roundup. Vous pouvez vérifier par vous-même que cette mention a disparu des étiquettes.
    Quant aux autres méthodes de culture, vous les connaissez certainement: culture biologique, biodynamie, permaculture, agroforesterie ne sont pas des gros mots mais LE moyen de faire revivre la terre pour retrouver sa biodiversité et de sortir les agriculteurs de leur dépendance aux énergies fossiles (carburant et engrais) et aux traitements chimiques de synthèse pour retrouver une activité saine qui leur permette de vivre correctement.
    Je vous concède que ce n’est pas facile de faire ce pas, mais je vous laisse y réfléchir si vous êtes concerné.