Les Etats-Unis annoncent une percée historique dans la fusion nucléaire

avancée fusion nucléaire

A l'intérieur du National Ignition Facility (NIF) américain, dépendant du Lawrence Livermore National Laboratory en Californie, et où sont réalisées des expérience de fusion nucléaire, le 7 juillet 2008 © Lawrence Livermore National Laboratory/AFP Philip Saltonstall

Washington (AFP) – Les Etats-Unis ont annoncé mardi une percée scientifique historique dans le domaine de la fusion nucléaire, qui pourrait d’ici quelques décennies révolutionner la production d’énergie sur Terre.

Depuis des dizaines d’années, des chercheurs du monde entier cherchent à développer la fusion nucléaire, qui selon ses défenseurs pourrait permettre à l’humanité de rompre sa dépendance aux énergies fossiles, responsables du réchauffement climatique.

Une expérience, réalisée la semaine dernière, a pour la première fois réussi à produire davantage d’énergie que celle utilisée par des lasers pour provoquer la réaction, a annoncé dans un communiqué le Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL), situé en Californie et qui dépend du ministère américain de l’Energie.

Cette réussite se retrouvera « dans les livres d’Histoire », a déclaré lors d’une conférence de presse la ministre de l’Energie, Jennifer Granholm.

L’annonce, qui avait depuis quelques jours déjà fuité dans la presse, a provoqué l’enthousiasme de la communauté scientifique à travers le monde.

Actuellement, les centrales nucléaires utilisent la fission, qui fonctionne en scindant le noyau d’un atome lourd, libérant ainsi de l’énergie.

La fusion nucléaire, au contraire, est la fusion de deux noyaux légers, qui en forment un plus lourd.

Cette réaction est celle qui alimente les étoiles, dont notre Soleil. Grâce aux conditions de chaleur et de pression extrêmes qui y règnent, les atomes d’hydrogène fusionnent pour former de l’hélium, produisant au passage une immense quantité d’énergie.

150 millions de degrés

Sur Terre, ce processus peut être obtenu à l’aide de lasers ultra-puissants.

Le National Ignition Facility (NIF), qui dépend du laboratoire californien, est le plus grand système de lasers du monde, faisant la taille d’un stade de sport.

Vers 01H00 du matin, le 5 décembre, pas moins de 192 lasers ont été pointés vers une cible aussi petite qu’un dé à coudre, dans laquelle était placée une minuscule capsule faite en diamant, et contenant des isotopes de l’hydrogène (deutérium et tritium).

Les lasers ont généré une température d’environ 150 millions de degrés, soit dix fois la température du Soleil, provoquant la fusion des atomes d’hydrogène. La réaction ne prend qu’une infime fraction de seconde.

Les scientifiques ont ainsi produit environ 3,15 mégajoules d’énergie, en délivrant à l’origine 2,05 mégajoules via les lasers, selon le communiqué.

Toutefois, 300 mégajoules d’énergie tirée du réseau électrique ont été requis pour activer les lasers — rendant l’opération globalement encore déficitaire. Mais selon les scientifiques, il sera in fine possible de dépasser ce problème.

« Nos calculs suggèrent qu’il est possible, avec un système de lasers à grande échelle, d’atteindre un rendement de plusieurs centaines de mégajoules », a expliqué Kim Budil, la directrice du Laboratoire national Lawrence Livermore. « Mais nous en sommes encore loin. »

Décennies pour aboutir

Rendre cette solution viable à l’échelle industrielle et commerciale prendra ainsi encore « des décennies » (mais moins de cinq), a-t-elle déclaré.

De nombreuses améliorations technologiques sont encore requises: non seulement accroître le gain net d’énergie produit, mais aussi permettre de répéter l’expérience de multiples fois par minutes.

Or, pour limiter le réchauffement climatique, il est absolument nécessaire de réduire dès aujourd’hui au maximum les émissions de gaz à effet de serre, martèlent tous les experts du climat.

Malgré tout, un tel résultat fournit enfin la preuve d’un principe physique imaginé il y a des décennies.

La fusion présente de nombreux avantages par rapport à la fission: elle ne comporte aucun risque d’accident nucléaire et produit moins de déchets radioactifs. Surtout, par rapport aux centrales à charbon ou à gaz, elle ne génère aucun gaz à effet de serre.

D’autres projets de fusion nucléaire sont en développement, notamment le projet international ITER, actuellement en construction en France.

[À voir aussi Projet ITER : dompter la fusion nucléaire]

Au lieu de lasers, la technique dite de confinement magnétique sera utilisée: les atomes d’hydrogène seront chauffés dans un immense réacteur, où ils seront confinés à l’aide du champ magnétique d’aimants.

Les experts ont souligné que poursuivre la recherche pour ces deux techniques — lasers et confinement magnétique — était nécessaire.

« Ce que nous voulons, c’est maximiser les chemins potentiels vers le succès, donc nous voulons poursuivre ces différentes approches pour voir ce qui marche », a déclaré mardi Tammy Ma, physicienne au NIF. « La fusion est tellement importante pour l’humanité. »

© AFP

A lire aussi

Peut-on être écologiste et pro-nucléaire ?

Nucléaire en France : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ?

Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du Nucléaire, 10 ans après Fukushima : « un accident nucléaire est possible même dans un pays à la pointe de la technologie »

4 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Patrick Gensau

    Soudures ➕❓💫 150 millions de Degrees .. 💫❓☠

    • Balendard

    Il est prévu de confiner magnétiquement la chaleur mais à l’heure du réchauffement climatique on peut tout de même se demander si l’homme n’est pas un peu fada de vouloir passer par des températures égales voire supérieures à celles régnant sur le soleil pour assurer sa production ëlectrique. Il serait temps de réaliser comme on l’a vu au chapitre 2 page 31 de la Solar Water Economy qu’il y a COP et COP et plutôt que de s’orienter continuellement vers le « toujours plus » avec l’assurance de vieillir dans un monde plus chaud prendre en compte qu’il va falloir pendant quelques générations satisfaire nos besoins thermiques en consommant moins en ce qui concerne l’habitat. Nous allons devoir prendre en compte les pays où l’on ne pourra bientôt plus vivre par le fait qu’ils sont à la fois très chauds et très humides et que dans ces conditions l’évaporation qui refroidi l’organisme en dissipant la chaleur n’a pas lieu

    • Rochain Serge

    En fait, rien de décisif, toujours le buzz. En effet, on sait très bien depuis longtemps que la fusion permet de générer plus d’énergie qu’elle en consomme pour s’entretenir, tout comme la fission mais dans une proportion supérieure. Cette expérience ne fait donc que confirmer ce que l’on savait déjà, ce n’est donc pas une révolution de la connaissance mais juste une confirmation expérimentale qui ne fait pas avancer d’un poil vers le but qui consiste à produire DURABLEMENT cette transformation de corps chimiques légers en en corps chimiquesplus lourds. L’exploit attendu est déjà d’avoir même une vague idée de ce que devrat être l’isolant thermique qui maintiendra l’énorme température de la fusion dans une enceinte au volume limité de façon permanente de sorte que l’exploit suivant soit de concrétiser cette idée qui rendra enfin possible la production d’énergie en continue. Quand on sait que l’isolant utilisé par les étoiles est constitué d’une couche de plasma de plusieur dizaines à plusieurs milliers de fois de diamètre de la Terre selon le type d’étoile on se demande ce que l’on pourra mettre de très supérieur à l’insuffisant champ magnétique que l’on est capable de produire. Et le plus probable me semble être que la fusion nucléaire contrôlée restera un rêve de l’espèce humaine.