Au Pakistan, la canicule puis la mousson ébranlent le monde rural

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une femme avec son troupeau de buffles près d’un champ de riz endommagé par les violentes pluies de mousson, le 26 août 2022 à Jacobabad, dans la province du Sind, au Pakistan © AFP/Archives Asif HASSAN

Jacobabad (Pakistan) (AFP) – Pendant des générations, les ancêtres de Rahim Buksh ont travaillé dans les champs de blé et de riz avoisinant Jacobabad, la ville la plus chaude du Pakistan, en s’accommodant de la chaleur estivale et des pluies de moussons.

Mais cette année a été exceptionnelle pour Jacobabad et ses environs, dans la province du Sind (sud), frappés par une canicule record en mai et des inondations sans précédent en août qui ont détruit les récoltes.

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Des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs foyers après ces inondations, pour s’abriter dans des camps établis à la va-vite ou dans leurs familles. Beaucoup ne voient plus d’avenir dans leurs villages, malgré leur attachement à la terre qui les nourrissait depuis toujours.

« Nous irions dans les villes pour y faire un travail manuel si quelqu’un nous aidait à partir d’ici », confirme à l’AFP Rahim, dont la maison en briques de terre séchée a été inondée, comme la plupart des terres agricoles alentour.

Avant même les inondations, causées par des pluies de mousson torrentielles, Jacobabad et la dizaine de villages environnants étaient privés de presque toute infrastructure moderne.

La population – environ un million d’habitants – est composée essentiellement de saisonniers agricoles, payés à la journée et employés par quelques gros propriétaires terriens.

Ils se heurtent depuis longtemps à la pauvreté, l’endettement et la distribution inégale des terres. Mais le réchauffement climatique accroît encore leur précarité.

Cette année, la température à Jacobabad est montée à 51 degrés en mai. Puis la ville a été touchée par ces inondations historiques, qui entre juin et septembre ont mis un tiers du pays sous les eaux.

« Nous ne pouvons rien faire. Nous devons faire avec tout ça », se désole Zamira, 25 ans, qui a fui son foyer, avec son mari et ses enfants, pour se réfugier dans un camp de déplacés. « Il va se passer des mois avant qu’on puisse travailler à nouveau. Nous sommes abandonnés. »

Le secteur agricole est le premier employeur au Pakistan. Il concerne plus de 40% de la population active, en majorité des femmes.

Après ces « deux catastrophes », nombre d’habitants ont envisagé migrer vers des centres urbains, constate Jan Odhano, employé d’une ONG locale.

« Ils pensent qu’ils peuvent plus facilement trouver du travail dans les grandes villes. Les hommes peuvent travailler en usine et les femmes aussi peuvent trouver du boulot », dit-il.

Désormais sans logis ni gagne-pain dans leur village, beaucoup d’entre eux devraient renoncer à y retourner, accentuant encore la pression sur des villes surpeuplées et confrontées à long terme à « une crise majeure de gouvernance », selon Nausheen H. Anwar, une professeure en Urbanisme à Karachi.

« Nous ne sommes pas préparés à ce qui va arriver », dit-elle en parlant de l’exode rural. « Ces flux vont devenir inévitables ».

Muhammad Hanif, 20 ans, est à bout après avoir perdu ses récoltes et son cheptel. « C’est invivable ici. Il n’y a plus de travail. Nous allons devoir aller à Karachi. »

Le niveau de vie dans la mégalopole de 25 millions d’habitants, dans le sud du Pakistan, n’est guère meilleur pour les nouveaux arrivés.

La capitale économique du pays est percluse de maux: routes mal entretenues, système d’évacuation des eaux usées défectueux, distribution d’eau contrôlée par des gangs, coupures d’électricité et logements précaires ou insalubres.

Les migrants vivent souvent dans des bidonvilles, où ils n’ont d’autre solution que de devenir vendeurs de rue ou travailleurs journaliers.

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« Nous devons vraiment nous focaliser plus sur les villes et leur système de gouvernance », estime Mme Anwar. « Le rural c’est important, mais l’urbain aussi, et les deux sont profondément interconnectés. »

Entre six et neuf millions de Pakistanais risquent de basculer dans la pauvreté à la suite des inondations, notamment en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires qu’elles ont entraînée, selon la Banque mondiale. Les dégâts ont été évalués à au moins 28 milliards de dollars par les autorités.

Le gouvernement et des activistes ont appelé les nations les plus industrialisées, qui ont bâti leur richesse sur les énergies fossiles, à soutenir la lutte contre le réchauffement climatique.

Le Pakistan, cinquième pays le plus peuplé au monde, ne représente que 0,8% des émissions de gaz à effet de serre, mais figure parmi les pays les plus menacés par les phénomènes météorologiques extrêmes.

Cette année, la canicule a entraîné une diminution de 3 millions de tonnes de la récolte de blé, tué du bétail, provoqué des feux de forêts et fait baisser la productivité. La mousson a détruit près de 4 millions d’hectares de cultures et vergers.

Le Pakistan a besoin d’aide humanitaire d’urgence, mais aussi d’un soutien technique, d’investissements dans les énergies renouvelables et de systèmes d’alertes pour prévenir les prochains désastres induits par le changement climatique.

Pendant la canicule à Jacobabad, Noor Muhammad, 10 ans, a enduré des températures étouffantes à l’école, où il a vu certains de ses camarades s’évanouir dans des classées privées d’électricité ou d’eau froide.

Quelques mois plus tard, sa famille et lui sont venus d’abriter dans le même bâtiment, transformé en centre d’accueil pour les victimes des intempéries.

« Nous sommes impuissants », dit-il. « Je veux seulement finir mes examens, pour pouvoir devenir policier. »

© AFP

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