A San Diego, des récifs d’huîtres contre la montée des eaux

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Des sphères récifales, faites de ciment, sable et coquilles d'huîtres broyées, destinées à renforcer le littoral, le 30 septembre 2022 à Chula Vista, près de San Diego, en Californie © AFP Robyn Beck

Chula Vista (Etats-Unis) (AFP) – Dans la baie ensoleillée de San Diego, Eileen Maher s’enfonce jusqu’à mi-bottes pour examiner d’étranges squelettes à fleur d’eau: grâce à ces récifs conçus pour attirer les huîtres, la ville californienne espère pouvoir lutter contre l’inévitable montée des océans.

« Nous explorons de nombreuses manières de combattre la montée du niveau de la mer, et ces sphères récifales constituent un des outils pour cela », explique à l’AFP la directrice de la sauvegarde de l’environnement du port de San Diego.

Le port a implanté 360 structures de ce genre au sud de la ville en décembre dernier, le long d’une presqu’île menacée par l’érosion, coincée entre les marais salants du Sud de la Californie et la péninsule de Coronado, où trône la base aéronavale qui a inspiré les films « Top Gun ».

Rangées en petits bataillons, ces demi-sphères de 135 kilos chacune ressemblent à d’énormes dés à coudre, avec leurs trous pour laisser circuler l’eau. Elles sont composées d’un mélange de ciment, de sable et de coquilles d’huîtres.

Attirées par les enveloppes de leurs congénères, les huîtres viennent ainsi s’y accrocher.

Après dix mois d’immersion au rythme des marées, les récifs sont désormais recouverts d’un limon verdâtre abritant « des milliers » de coquillages encore microscopiques, qui ne verront jamais la table d’un restaurant, détaille Mme Maher.

La douzaine de scientifiques qui travaillent sur ce projet pilote espère à terme voir se former de véritables récifs d’huîtres, capables de juguler l’impact des flots sur la langue de terre.

Car les mollusques sont bien plus qu’un rempart naturel: ils agissent comme de véritables ingénieurs de l’océan, indispensables à l’écosystème marin.

Pour capter les nutriments dont elle se nourrit, une huître « filtre jusqu’à 190 litres d’eau par jour », poursuit Mme Maher.

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Une action bénéfique pour les « zostères », des plantes aquatiques qui s’installent souvent à proximité et agissent comme un tampon supplémentaire.

« Plus il y a de zostères dans la baie, moins la côte a de chances de s’éroder », résume la responsable portuaire.

Tout comme les huîtres, ces herbiers marins aux longs filaments fournissent également une source de nourriture cruciale pour les 80 espèces de poissons et 300 variétés d’oiseaux qui gravitent dans la baie et la réserve protégée de Chula Vista.

Inondations et érosion

D’ici à 2050, la fonte des glaciers pourrait faire grimper le niveau de la mer de 20 centimètres en Californie, selon une étude de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) publiée début 2022.

De quoi augmenter drastiquement la fréquence des inondations sur la côte Ouest, qui vont aussi arriver plus souvent à cause des tempêtes et des épisodes de pluies torrentielles favorisées par le changement climatique. La montée des océans va également aggraver l’érosion qui menace déjà les côtes californiennes.

Autour de San Diego, ce futur inquiétant se manifeste déjà.

Au sud, les rues de la ville voisine d’Imperial Beach sont régulièrement envahies par les eaux lors des grandes marées. Et à une heure de route au nord, la voie ferrée qui permet au « Pacific Surfliner » de longer la côte en train vient d’être fermée à hauteur de San Clemente: la digue rocheuse qui soutient les rails s’enfonce à cause de l’érosion.

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Dans ce contexte, « nous devons nous assurer de pouvoir être résilients », estime Jason Giffen, le vice-président chargé de la planification et de l’environnement pour le port de San Diego.

A l’heure actuelle, « 70% de la côte autour de la baie de San Diego » est protégée par des digues rocheuses, nocives pour la biodiversité, détaille-t-il. Dans l’avenir, le port « cherche à remplacer ces infrastructures par quelque chose de plus responsable sur le plan de la biologie et de l’environnement ».

D’où ce projet de récifs ostréicoles à 1,3 million de dollars. Evalué sur cinq ans, ses conclusions viendront enrichir celles d’autres projets similaires menés à San Francisco et New York.

Ces barrières d’huîtres ne peuvent toutefois fonctionner que dans les zones « où l’eau est peu profonde », tempère M. Giffen.

Ailleurs, le port explore d’autres solutions. Au nord de la baie, des armatures en forme de petits réservoirs ont ainsi été arrimées aux jetées. Tout en solidifiant la digue, elles retiennent l’eau dans leurs cavités, ce qui permet le retour de nombreuses algues, poissons, et crustacés.

© AFP

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