Dépasser 1,5°C de réchauffement pourrait déclencher des points de non-retour climatiques

points de non retour climatique

Fonte d'un glacier dans la mer à Baffin Bay, au Groenland, le 17 juillet 2022 © AFP/Archives Kerem Yücel

Washington (AFP) – Un réchauffement de la planète au-delà de 1,5°C, objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, pourrait déclencher plusieurs « points de basculement » climatiques qui engendreraient de catastrophiques réactions en chaîne, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science.

Et les températures actuelles, déjà en hausse, menacent d’amorcer cinq de ces points de rupture, dont ceux concernant les calottes glaciaires d’Antarctique et du Groenland, avertissent les auteurs de l’étude, qui estiment cependant qu’il n’est pas trop tard pour agir.

« Pour moi, ça changera la face du monde – littéralement, si vous regardez depuis l’espace », avec la montée du niveau des océans ou la destruction des forêts, a expliqué à l’AFP Tim Lenton, l’un des principaux auteurs de l’étude.

Il avait signé la première publication majeure à ce sujet en 2008.

Un « point de basculement » est « un seuil critique au-delà duquel un système se réorganise, souvent brutalement et/ou de manière irréversible », selon la définition du Groupe d’experts climat de l’ONU (Giec). Ce sont des phénomènes qui déclenchent de manière indépendante et inéluctable d’autres conséquences en cascade.

Si des premières analyses estimaient leur seuil de déclenchement dans une fourchette de 3 à 5°C de réchauffement, les progrès dans les observations et les modélisations du climat, ainsi que dans la reconstitution des climats passés, ont drastiquement abaissé cette évaluation.

L’étude parue dans Science est une synthèse de plus de 200 publications scientifiques, menée afin de mieux prévoir les seuils de déclenchement de ces points de rupture.

Les auteurs identifient neuf « points de basculements » majeurs au niveau planétaire et sept au niveau régional, 16 au total.

Parmi ceux-ci, cinq pourraient se déclencher avec les températures actuelles, qui ont gagné près de 1,2°C en moyenne depuis l’ère préindustrielle: celui concernant les calottes glaciaires en Antarctique et au Groenland, un dégel brutal du permafrost, l’arrêt d’un phénomène de transfert de chaleur dans la mer du Labrador et l’extinction de barrières de corail.

Avec un réchauffement à 1,5°C, quatre autres points passent de la catégorie « possible » à « probable », et cinq autres deviennent alors « possibles », selon l’étude.

« Point de bascule sociologique »

Pour les calottes glaciaires de l’Antarctique occidentale et du Groenland, le franchissement du point de rupture estimé par les scientifiques participerait, sur des centaines d’années, à une hausse du niveau des mers de 10 mètres, détaille Tim Lenton, de l’université britannique d’Exeter.

Si la destruction de barrières de corail a déjà débuté, la montée des températures pourrait rendre ces destructions définitives, et ainsi toucher les 500 millions d’humains qui en dépendent.

En mer du Labrador, un phénomène d’échange de chaleur (ou convection) qui amène de l’air chaud en Europe pourrait être bouleversé, avec à la clé des hivers plus froids, comme le continent les avait connus durant le petit âge glaciaire.

Un dégel accéléré du permafrost libérerait d’immenses quantités de gaz à effet de serre et modifierait en profondeur les paysages en Russie, au Canada et en Scandinavie.

Avec un réchauffement à 1,5°C, un courant marin majeur de l’Atlantique (l’AMOC) serait perturbé et à 2°C, ce serait le cas des moussons en Afrique de l’Ouest et au Sahel et de la forêt amazonienne, qui pourrait alors se transformer en savane.

Ces effets dévastateurs dépendant de la durée du réchauffement, explique l’auteur principal de l’étude, David Armstrong McKay: si les 1,5°C s’installent pendant 50 ou 60 ans, la planète devra faire face aux pires conséquences.

Mais ces « points de basculements » vont très peu aggraver le réchauffement en lui-même, ajoute-t-il, estimant que l’humanité peut encore limiter les dégâts pour la suite. « Ca vaut toujours la peine de réduire nos émissions aussi rapidement que possible », plaide le scientifique.

Tim Lenton, un des experts mondiaux du sujet, veut croire lui que ce concept de rupture pourra se traduire de façon plus positive dans la lutte contre la crise climatique, comme un « point de bascule sociologique » qui encourage à action.

« C’est comme ça que je parviens à me lever le matin », explique-t-il. « Peut-on changer, transformer nos modes de vie? Penser de manière systémique, avec cette idée de point de rupture, nous donne une lueur d’espoir ».

© AFP

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Un commentaire

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    • DENISE laurent

    Il a bon dos le dérèglement climatique … Une pluie, même forte, n’est pas un raz de marée mais elle ne devient AUTOMATIQUEMENT si on ne retient pas l’eau : Retenir en AMONT pour ne pas inonder en AVAL, c’est la base de l’hydrologie depuis des millénaires mais pas de l’administration française qui, depuis plus de 20 ans, facilite l’écoulement de l’eau en détruisant TOUS les systèmes de retenues …
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    Dans les rapports du GIEC il est clairement écrit qu’il n’y aura pas moins d’eau mais une dégradation dans la répartition annuelle des pluies (inondations et sécheresses) ! Inondation c’est quand l’eau repart trop vite vers la mer, sécheresse c’est quand elle est repartie trop vite…
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    Les pompiers n’en ont pas encore fini avec les feux qu »ils vont enchainer avec les inondations …
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    Actuellement les rivières françaises rejettent entre 50 et 70% des précipitations (La Sèvre Niortaise est à 75%) alors qu’il ne faudrait jamais dépasser les 30% … ce qui provoque des inondations ET un assèchement mathématique des bassins hydrologiques. Avec 10% du volume des inondations on ne parlerait plus de sécheresse.

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    Une ville rejette en moyenne dans la rivière, par son assainissement collectif, 4 à 6 fois plus d’eau que sa propre consommation (eaux usées et eaux de ruissellement) . La SEULE et UNIQUE façon de manquer d’eau douce c’est de renvoyer trop de pluie dans la mer !
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    Un pays sans eau, c’est un désert pour le climat et la biodiversité. Une agriculture sans eau, c’est la famine pour l’Humanité !
    https://www.ouest-france.fr/medias/ouest-france/courrier-des-lecteurs/secheresse-et-dereglement-climatique-8a9e8ea1-4fa0-420f-8633-8ffd27dbc189
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    L’eau est un bien commun qu’il faut se partager quand il pleut en faisant TOUS des réserves (particuliers, villes, industriels et agriculteurs) . Donc contrairement aux idées reçues ce sont les excès d’eau qu’il faut gérer intelligemment pour ne pas inonder l’hiver et ne pas en manquer l’été !
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    Si on avait DEUX fois plus de précipitations on aurait DEUX fois plus d’inondations mais toujours pas assez d’eau l’été.Tous les ans les indemnités sécheresses et inondations coutent des milliards aux contribuables sans parler des vies