Inondations au Pakistan: les agriculteurs « revenus 50 ans en arrière »

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Un cultivateur marche près d'un champ de coton inondé à Sammu Khan Bhanbro, dans la province de Sindh (Pakistan), le 30 août 2022 © AFP Asif HASSAN

Sammu Khan Bhanbro (Pakistan) (AFP) – Les agriculteurs pakistanais continuent d’évaluer leurs pertes après les inondations dévastatrices qui ont submergé un tiers du pays, mais à long terme, l’impact est déjà perceptible.

« Nous sommes revenus 50 ans en arrière », déplore Ashraf Ali Bhanbro, cultivateur de la province du Sindh dont les quelque 1.000 hectares de coton et de canne à sucre, sur le point d’être récoltés, sont maintenant détruits.

Plus de 33 millions de personnes ont été touchées par les inondations causées par des pluies de mousson record, dont le Sindh, dans le sud du Pakistan, constitue l’une des régions les plus durement éprouvées.

La province est traversée par le puissant fleuve Indus, dont les rives accueillent une agriculture florissante depuis des millénaires, avec des systèmes d’irrigation établis 4.000 ans avant notre ère.

La région fait face à un double problème. Le Sindh a subi localement des pluies record, mais l’eau n’a nulle part où s’écouler, le niveau de l’Indus étant déjà à son maximum, grossi par ses affluents du nord, et sorti de son lit en plusieurs endroits.

« A un moment donné, il a plu 72 heures sans discontinuer », relate M. Bhanbro, ajoutant avoir perdu au moins 270 millions de roupies pakistanaises (1,2 million d’euros) rien qu’en intrants.

« C’était le coût engagé pour les engrais et les pesticides… Nous n’incluons pas les bénéfices, qui auraient pu être beaucoup plus élevés car c’était une récolte exceptionnelle. »

A moins que leurs terres puissent être drainées, les agriculteurs comme M. Bhanbro ne pourront pas semer de blé d’hiver, une culture vitale pour la sécurité alimentaire du pays.

« Nous disposons d’un mois. Si l’eau n’est pas évacuée durant cette période, il n’y aura pas de blé », déclare-t-il depuis sa ferme du village de Sammu Khan, à environ 40 kilomètres au nord-est de la ville de Sukkur.

Pendant des années, le Pakistan a été autosuffisant pour sa production de blé, mais il a compté plus récemment sur les importations pour s’assurer que ses silos soient pleins, dans le cadre de ses réserves stratégiques.

Mais Islamabad peut difficilement se permettre d’importer, même s’il s’agit de céréales à prix réduit auprès de la Russie, comme cela est envisagé.

Le pays doit des milliards à ses créanciers étrangers, et c’est seulement la semaine dernière qu’il est parvenu à convaincre le Fonds monétaire international de relancer un prêt de sauvetage qui ne permet même pas de rembourser sa dette extérieure, et encore moins de faire face aux dégâts engendrés par les inondations, estimés à 10 milliards de dollars.

La dévastation est saisissante, depuis l’autoroute surélevée qui relie Sukkur à Sammu Khan.

A plusieurs endroits, il y a de l’eau à perte de vue. Là où des cultures de coton apparaissent dans les champs inondés, les feuilles sont devenues brunâtres et les capsules quasiment introuvables.

« Ne parlons plus du coton », lance Latif Dinno, un cultivateur de Saleh Pat, à 30 kilomètres au nord-est de Sukkur.

Les grands propriétaires terriens vont probablement surmonter les inondations, mais des dizaines de milliers d’agriculteurs vont être confrontés à d’immenses difficultés.

Beaucoup d’entre eux sont payés uniquement pour ce qu’ils récoltent et complètent leurs revenus en cultivant de la nourriture sur de minuscules parcelles de terre au sein de villages disséminés à travers la province.

Ceux-ci sont également submergés, et des dizaines de milliers de personnes ont fui leurs maisons inondées pour trouver refuge sur les hauteurs.

« Il n’y a plus rien à récolter », constate Saeed Baloch, qui travaille la terre chaque saison avec sa famille élargie avant de mettre leurs revenus en commun.

Les agriculteurs ne sont pas les seuls à être touchés par les inondations: chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement subit cette crise.

« Nous sommes perdus », admet Waseem Ahmed, un négociant en coton de Saleh Pat qui, comme beaucoup d’acteurs de l’industrie, a versé des avances pour fixer les prix d’achat et se protéger de l’inflation et des fluctuations du marché.

« Sur les 200 maunds (environ 8.000 kg) escomptés, seuls 35 ont été récoltés », rapporte-t-il, ajoutant avoir mis en suspens ses projets d’expansion.

Dans un petit magasin d’un marché de coton habituellement animé, deux garçons examinaient sans enthousiasme un tas de coton humide pour voir si quelque chose pouvait être sauvé.

« Le marché est à l’arrêt et même les usines d’égrenage sont fermées », décrit M. Ahmed en montrant une rangée de magasins clos.

Face à un sentiment d’impuissance écrasant, le cultivateur de coton Latif Dinno espère une intervention divine : « Nous nous tournons vers Allah. Il est l’ultime sauveur. »

© AFP

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