Pakistan : des villageois bravent la faim et les serpents pour protéger leurs terres inondées


Des volontaires de la foundation Al-Khidmat utilisent des bateaux pour atteindre les villages rendus inaccessibles par la route dans les plaines inondées du Sind le 31 août 2022 © AFP Asif HASSAN

Karim Bakhsh (Pakistan) (AFP) – Le village de Karim Bakhsh, dans le sud du Pakistan, est presque entièrement sous les eaux après les catastrophiques pluies de mousson: peu de bâtiments tiennent encore debout, les silos de blé sont vides et les serpents venimeux sont partout.

Pourtant, contrairement aux dizaines de milliers de personnes qui ont fui leurs maisons inondées partout dans le pays pour se mettre à l’abri ailleurs, plusieurs familles refusent obstinément de quitter Karim Bakhsh.

Ne disposant d’aucun acte de propriété, elles craignent que des opportunistes ne profitent de leur départ pour s’installer sur les terres qu’elles occupent depuis des générations.

« Nous avions des papiers de propriété du gouvernement colonial britannique », certifie Intizar Ahmed, un agriculteur de 55 ans.

« Mais nous les avons perdus il y a plusieurs années dans des inondations semblables à celles-ci. (De plus) nous n’avons aucun endroit où aller », explique-t-il à l’AFP, se tenant debout sur un endroit légèrement surélevé à côté de sa propriété quasiment totalement inondée.

D’autres redoutent que leur bétail ne meure ou disparaisse en chemin s’ils partaient. Et cette ressource est bien trop précieuse pour que ces villageois extrêmement pauvres prennent le risque de la laisser derrière eux.

« Nous avons des buffles, des vaches et des chèvres (…) Si nous laissons le bétail derrière, il sera volé », assure un habitant, Shah Mohammad, 35 ans.

Lui et ses voisins ont bien du mal à trouver de la nourriture pour eux-mêmes mais aussi pour leurs bêtes.

Pour l’instant, celles-ci reçoivent encore suffisamment, selon lui. Mais bientôt le blé commencera à manquer.

L’aide fournie par bateau par des organisations humanitaires est l’unique lien avec le reste du pays, pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas partir.

– Cobras et vipères –

Le village est noyé sous des eaux boueuses, qui par endroits s’étendent sur plus d’un kilomètre.

Des habitants attendent dans l’un des rares endroits encore secs un bateau de la fondation Alkhidmat, une ONG pakistanaise, qui avance lentement dans les rues du village recouvertes d’eau montant jusqu’à la taille.

C’est la première fois en plusieurs jours qu’ils reçoivent de l’aide.

Le bateau s’arrête plusieurs fois pour que les volontaires de la fondation distribuent tentes, nourriture et autres biens de première nécessité.

Chaque détour témoigne de la destruction causée par les pluies torrentielles de la mousson, qui ont provoqué les pires inondations de l’histoire du Pakistan.

La plupart des maisons et bâtiments sont en ruines. Les villageois cherchent désespérément tout équipement qui leur permettrait de construire un abri temporaire, pour les protéger de la pluie et, quand il apparaît, du soleil brûlant.

« Nos maisons se sont effondrées (…) Nous coupons des arbres et utilisons ce bois pour tenter de soutenir ce qui reste de nos murs », raconte Gul Badshah, 70 ans.

Maqbool Ahmed, un autre habitant, se prépare pour une menace qui rôde: les serpents venimeux. Il connecte une petite lampe à une batterie de voiture et la place sur un tas de terre.

« Nous l’allumons la nuit pour nous protéger des serpents », dit-il. « Parfois, les cobras et les vipères viennent en catimini là où nous sommes. »

© AFP.

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