En Inde, des femmes ressuscitent des plans d’eau pour vaincre la sécheresse

inde femmes secheresse eau

Des bénévoles participent à la construction d'un barrage sur le ruisseau asséché de Bachedi dans le village d'Agrotha, dans le Madhya Pradesh, en Inde, le 9 juin 2022 © AFP/Archives SANJAY KANOJIA

Chhatarpur (Inde) (AFP) – Alors que les tempêtes de mousson s’abattent sur l’Inde, des femmes participant à un programme d’irrigation dans des villages frappés par la sécheresse espèrent que leur labeur harassant viendra à bout du manque d’eau.

Deuxième pays le plus peuplé au monde, l’Inde peine à satisfaire les besoins en eau de ses 1,4 milliard d’habitants. Et le problème s’aggrave à mesure que le changement climatique rend la météo toujours plus imprévisible.

Peu de régions connaissent des conditions aussi rudes que le Bundelkhand, dans le centre de l’Inde, où le manque d’eau a poussé les agriculteurs à abandonner leurs terres pour un travail précaire dans les villes.

« Nos anciens disent que ce ruisseau coulait à flots toute l’année mais aujourd’hui il n’y a plus une seule goutte », se lamente Babita Rajput, en désignant à l’AFP une fissure dans la terre, complètement à sec, près de son village.

La « crise de l’eau » qui sévit dans la région a « asséché tous nos puits », explique-t-elle.

Il y a deux ans, Babita Rajput a rejoint Jal Saheli (« Les Amis de l’eau »), un programme d’irrigation regroupant un millier de femmes bénévoles, qui oeuvrent dans le Bundelkhand à réhabiliter et ressusciter les plans d’eau d’eau disparus.

Ensemble, elles portent des pierres et mélangent du béton pour construire les barrages, étangs et digues qui permettront de retenir les eaux de mousson de juin, une saison qui représente environ 75 % des précipitations annuelles en Inde.

Le village d’Agrotha, où vit Babita Rajput, est l’une des 300 localités où les femmes planifient de nouveaux sites de captage et de réservoirs.

Selon elle, leur labeur a permis de faire revivre une demi-douzaine de plans d’eau autour de leur village.

Une rare lueur d’espoir alors que les pénuries s’aggravent dans le pays.

Même s’ils ne sont pas encore autosuffisants, les habitants d’Agrotha échappent désormais au sort des quelque 600 millions d’Indiens confrontés au quotidien à de graves pénuries d’eau, selon les chiffres d’un groupe de réflexion gouvernemental.

Les services de distribution d’eau de la capitale New Delhi sont dépassés par la demande en été et des camions doivent se rendre régulièrement dans les bidonvilles pour approvisionner leurs habitants.

L’institut de politique publique indien NITI Aayog prévoit qu’environ 40 % de la population du pays pourrait ne pas avoir accès à l’eau potable d’ici la fin de la décennie.

« Le gouvernement a échoué »

Les précipitations irrégulières et les chaleurs extrêmes sont liées au changement climatique dans le Bundelkhand, affecté par plusieurs longues périodes de sécheresse depuis le début du siècle.

Sanjay Singh, un militant de la société civile, a formé des femmes d’Agrotha à la collecte et au stockage de l’eau de pluie, aidant ainsi le village à se réapproprier des connaissances perdues des décennies plus tôt, lorsque l’eau – alors gérée par les habitants – est devenue une ressource administrée par le gouvernement indien.

« Mais le gouvernement n’a pas réussi à garantir un accès à l’eau à chaque citoyen, en particulier dans les zones rurales », déplore-t-il auprès de l’AFP.

Avant le lancement du projet d’irrigation à Agrotha, les femmes devaient parcourir chaque jour des kilomètres à pied pour tenter, souvent en vain, de trouver un puits qui ne soit pas tari.

Dans les villages indiens, la corvée d’eau est traditionnellement dévolue aux femmes. Plusieurs d’entre elles ont subi des violences de la part de leurs maris, car elles n’avaient pas réussi à en ramener suffisamment à la maison, a expliqué M. Singh.

La sécheresse a entraîné de grands changements sociaux dans la région, poussant les hommes à partir vers les villes en laissant leur famille derrière eux.

Mais, depuis sa création en 2005, le programme Jal Saheli a aidé plus de 110 villages à devenir autonomes pour leurs besoins en eau, contribuant à inverser ce flux de population.

Du désert de poussière à l’oasis

Dans le district voisin de Lalitpur, Srikumar, une vieille dame a vu son village se transformer, passant d’un désert de poussière à une oasis.

Il y a une dizaine d’années, les puits et les pompes manuelles de son village de 500 habitants se sont retrouvés à sec, se souvient-elle. La plupart des fermes étaient devenues improductives en raison du manque d’irrigation et le bétail, déshydraté, mourait sous des températures estivales proches de 50 degrés Celsius.

« Les villageois ont beaucoup souffert à cette époque », a raconté Srikumar.

Avec l’aide de l’organisation caritative de Singh, Srikumar et une douzaine d’autres bénévoles ont creusé près du village un réservoir de la taille d’un terrain de football, pouvant contenir jusqu’à trois mètres d’eau une fois la mousson passée.

« Les choses ont changé en bien. Maintenant, nous avons assez d’eau, pas seulement pour nos maisons mais également pour notre bétail », se réjouit-elle. « Nos vies auraient été misérables sans ce point d’eau. Il aurait été très difficile de survivre ».

© AFP

A voir aussi

Un demi-siècle d’Auroville, une utopie écologiste

Ecrire un commentaire