Avec sa brigade de l’environnement, Marseille traque les décharges sauvages

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Un policier municipal de la brigade de l'environnement prend en photo un tas de déchets déversés illégalement à Marseille, le 3 mai 2022 © AFP/Archives Nicolas TUCAT

Marseille (AFP) – « Ici, parfois, la rue est totalement obstruée »: dans un quartier de Marseille proche du port, un tas de déchets réapparaît régulièrement. Pour lutter contre ces dépôts sauvages qui « balafrent la ville », la mairie a créé une brigade de l’environnement, une première en France.

Cet angle de trottoir « est très pratique, il n’y pas trop de voisinage, ça prend dix secondes » de décharger illégalement ordures et gravats avec un camion-benne, explique Ahmed Jaoui, qui dirige cette unité de neuf policiers municipaux créée en décembre 2021.

Même si ce « fléau » n’est pas propre à la deuxième ville de France, « c’était devenu intenable », raconte Yannick Ohanessian, adjoint à la sécurité et à la police municipale.

« On a vu ces dernières années émerger à chaque coin de rue, à chaque bout de trottoir disponible, à chaque petit recoin dans la ville, l’accumulation d’encombrants, de gravats, de pneus, de tous matériaux de construction », explique l’élu à l’AFP.

Un problème d’ampleur dans une ville s’étalant sur 240 km2, plus du double de la superficie de Paris.

Les policiers municipaux concentrent leur action sur les professionnels, pour la plupart des artisans ou entrepreneurs du bâtiment peu scrupuleux qui, au lieu de se déplacer en déchetterie, se délestent de leurs gravats de chantier sur la voie publique. Parfois même jusque dans le Parc national des Calanques.

Filières

Certains « se sont organisés en filières en utilisant de la sous-traitance avec des personnes extrêmement précaires qui, pour gagner un petit billet au noir, sont prêtes à prendre tous les risques », souligne M. Ohanessian.

Des gens qui « balafrent la ville », juge M. Jaoui. « J’arrive pas à jeter un papier par terre, je ne sais pas comment on peut jeter des gravats! », se désole-t-il.

Sur les 16 arrondissements de cette cité de 860.000 habitants, six sont particulièrement « dans l’œil du viseur de la police » municipale.

La rue Gustave Eiffel par exemple, non loin du stade Vélodrome, est un site prisé pour les dépôts sauvages. Avec sa forme en U, elle échappe en partie à la surveillance de la caméra postée à son entrée.

« C’est une deux voies et on circulait sur une seule voie à un moment donné » à cause des déchets qui y étaient déversés, rappelle Cédric Vaganay, l’un des policiers de la brigade, en désignant la chaussée. « Vous imaginez, on revient de très très loin. »

Les ordures ont depuis été remplacées sur le trottoir par de gros blocs de béton qui se veulent dissuasifs et qui, couplés aux patrouilles fréquentes de la brigade, ont payé.

« On les surveille ces sites, on passe notre temps à y retourner, à avertir, à signaler », insiste M. Jaoui.

« Pas d’impunité »

Le nettoyage de ces dépôts par la Métropole Aix-Marseille-Provence a un coût: « 1,7 million d’euros pour Marseille et les 18 communes environnantes, la deuxième ville de France comptant pour les trois quarts de cette somme », selon Jean-Yves Sayag, conseiller métropolitain chargé de la lutte contre les dépôts sauvages.

Si les flagrants délits restent très rares, la brigade s’appuie sur quelque 1.600 caméras de vidéosurveillance dont les données sont analysées 24 heures sur 24 depuis un centre de supervision urbain (CSU). Lequel est couplé au PC radio de la police municipale pour faciliter les interventions.

« On tient à jour des statistiques sur tous les endroits, le nombre de déchets par secteur, les horaires sur lesquels ils vont préférer jeter », note Serge Gonzales, qui décrypte les images.

« Déjà en temps normal, l’impact de l’homme sur l’environnement est considérable, alors si en plus on rajoute les dépôts sauvages, c’est une catastrophe écologique », se désole-t-il.

« Nous n’avons pas vraiment la compétence de l’enquêteur » mais nous « essayons de mâcher au maximum le travail pour la police nationale » et la justice: en recoupant notamment les images de vidéosurveillance avec les déchets pour identifier l’immatriculation des fourgons des pollueurs.

M. Ohanessian prévoit à terme de doubler les effectifs de la brigade de l’environnement et de mettre en place, dès cet été, des caméras nomades.

Le parquet de Marseille a lui créé, depuis mars 2019, un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) dédié à la lutte contre les dépôts sauvages qui travaille main dans la main avec la brigade.

« Les agents de la police municipale ont la possibilité assez rapidement d’établir un procès verbal » et la ville de Marseille peut « procéder à une mise en demeure du pollueur », explique M. Ohanessian.

« Aujourd’hui, il n’y a pas d’impunité niveau déchets », confirme à l’AFP François-Xavier Temple, coordinateur du GLTD.

De mars 2019 à décembre 2021, 240 procédures lui ont été transmises, « contre quelques-unes » avant la création du GLTD, retrace-t-il. La moitié des affaires environ ont donné lieu à des amendes rapides, qui peuvent aller jusqu’à 1.500 euros.

« Cela prend du temps pour que ça devienne visible pour nos concitoyens, reconnaît M. Ohanessian, mais ça porte ses fruits ».

© AFP

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