Au Japon, le roi des cerisiers fait de l’ombre à la diversité

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Hideaki Tanaka, expert en cerisiers, dans sa pépinière de Yuki, le 16 avril 2022 au Japon © AFP Philip FONG

Yuki (Japon) (AFP) – Chaque printemps, le Japon s’extasie devant les éclatantes fleurs roses et blanches de ses célèbres cerisiers, ultra-dominés par la variété « Somei Yoshino ».

Mais cet arbre pose aussi des problèmes, incitant certains à plaider pour davantage de diversité.

La période provoque chaque année une effervescence nationale au Japon, où les médias rivalisent de prévisions sur le calendrier précis de la pleine floraison des cerisiers (« sakura ») et où les badauds s’adonnent à la coutume festive du « hanami » – l’admiration de leurs fleurs.

Les Somei Yoshino représentent plus de 90% des cerisiers ornementaux plantés au Japon.

Leur floraison, qui dure environ une semaine, tend à se déclencher simultanément sur les arbres d’une région donnée car ce sont des clones d’un seul spécimen.

Prisée pour sa pousse rapide, cette variété a conquis tout le Japon lors de l’urbanisation effrénée du pays entre les années 1950 et 1980.

Mais elle est aussi plus exposée que d’autres à des maladies et tend à prendre beaucoup de place en grandissant.

« Le secret c’est de planter la bonne variété au bon endroit », estime Hideaki Tanaka, un expert des cerisiers ornementaux qui aimerait davantage de diversité en la matière au Japon.

« Il y a toutes sortes de sakura, pas seulement le Somei Yoshino. Je veux aider à recréer les temps anciens, quand il y avait une grande variété à admirer » avec des périodes de floraison différentes, ajoute-t-il.

Sa ferme horticole à Yuki, dans le département d’Ibaraki (nord-est de Tokyo), présente environ un millier de cerisiers de 400 variétés différentes afin d’inciter les municipalités de tout le pays à envisager des alternatives au Somei Yoshino.

Son exploitation a aussi distribué plus de trois millions de jeunes plants de sakura, dont des Somei Yoshino, mais elle fait désormais la promotion d’une autre variété, le « Jindai Akebono », un cerisier plus résistant aux infections et moins volumineux quand il grandit, le rendant ainsi plus facile à tailler.

Un lien affectif fort

Pendant des décennies, d’innombrables Somei Yoshino n’ont pas été correctement taillés, les laissant vulnérables à une infection appelée la « maladie du balai de sorcière », qui forme des grappes de rameaux disgracieux et nuit à la floraison.

Les Somei Yoshino deviennent aussi très grands et très larges, ce qui peut représenter un danger en cas de typhon ou autre catastrophe naturelle au Japon, et leurs racines volumineuses peuvent fissurer les trottoirs.

Malgré tous ces inconvénients, remplacer cette variété reine n’est pas facile pour les municipalités, car les habitants sont souvent très attachés aux cerisiers de leur quartier.

A Kunitachi par exemple, dans la banlieue ouest de Tokyo, la ville a mis trois décennies pour enlever environ 80 Somei Yoshino sur 210 censés être remplacés.

Avec leurs branches étendues, ces arbres forment un tunnel floral que les habitants du quartier veulent préserver. « Des gens avaient emménagé ici pour les admirer », explique Ryusuke Endo, un responsable des services de voirie de Kunitachi.

A Yokohama (sud-ouest de Tokyo), le projet d’abattre 300 cerisiers Somei Yoshino bordant une avenue fréquentée a aussi récemment provoqué un tollé et fait du bruit dans les médias locaux.

« Le Somei Yoshino sera toujours la principale attraction », reconnaît lui-même l’horticulteur Hideaki Tanaka. « Mais j’aimerais aider les communautés à créer d’autres espaces où les gens peuvent admirer toutes sortes de variétés de cerisiers ».

A Kunitachi, où la municipalité a commencé à planter des Jindai Akebono, la variété dont M. Tanaka fait la promotion, « les gens commencent à se rendre compte que ces arbres-là sont beaux également », veut croire M. Endo.

© AFP

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