En Irak, un vétérinaire vogue au secours des buffles des marais

buffle de maris irak

Un vétérinaire examine des buffles malades dans une ferme dans le sud de l'Irak, le 26 mars 2022 © AFP Asaad NIAZI

Chibayich (Irak) (AFP) – La barque à moteur ressemble aux embarcations pour touristes qui sillonnent les marais du sud de l’Irak. Mais ce bateau transporte un vétérinaire qui vogue au secours des buffles, animaux emblématiques de la région et gagne-pain des éleveurs.

« Cette +ambulance+ vétérinaire est la première et la seule initiative du genre dans les marais d’Irak », explique le vétérinaire Karrar Ibrahim Hindi avant de s’embarquer pour gagner une des innombrables maisons en roseaux et y soigner un buffle mal en point.

Après sa consultation, le praticien repart pour une autre ferme comme il était venu, en bateau à moteur. La particularité de cette « ambulance » flottante est qu’elle transporte le vétérinaire vers les buffles, et non l’inverse.

Entre les fleuves Tigre et Euphrate, les marais du sud de l’Irak, un des plus grands deltas intérieurs du monde, ont été classés au patrimoine de l’humanité en 2016 pour leur biodiversité et leur richesse historique remontant à l’Antiquité. C’est là que se trouvait, selon certains, le jardin d’Eden où vécurent Adam et Eve.

Aujourd’hui, les habitants vivent du tourisme, de la pêche et de l’élevage des buffles qui paissent sur le rivage. Les marais comptent environ 30.000 têtes et les éleveurs en possèdent entre 5 et 100 chacun.

Leur lait est réputé dans tout l’Irak pour la force qu’il est censé prodiguer à ceux qui le boivent. On en fait aussi des fromages et du « gemar », une crème grumeleuse dont les Irakiens raffolent avec du pain au petit déjeuner.

Mais les buffles sont des animaux fragiles. Dès que l’un d’eux tombe malade, « l’éleveur ne peut pas le transporter en ville et le diagnostic risque d’être erroné », explique Mukhtar Mohammed Saïd, directeur de l’ONG irakienne « Climat vert » qui finance le projet avec Vétérinaires sans frontières, une organisation française qui dispense aussi des formations aux vétérinaires irakiens.

D’où l’idée de faire venir le vétérinaire par bateau.

Sécheresse et salinité

Blouse blanche immaculée, trousse médicale sous le bras et stéthoscope autour du cou, le Dr Hindi débarque chez l’éleveur Sabah Thamer. Le vétérinaire s’approche, caresse le buffle d’une main gantée, prend son pouls et sa température.

« Certains éleveurs n’ont pas d’argent et ils n’ont qu’un ou deux buffles. Ils ne savent pas comment les faire soigner. Alors, les buffles tombent malades, leur état empire pendant deux ou trois jours et ils meurent », explique M. Thamer, ravi d’avoir enfin un vétérinaire à sa disposition gratuitement. Les seuls dinars qu’il doit débourser vont à l’achat de médicaments pour ses bêtes.

Ce service « permet de réduire les distances entre les éleveurs qui vivent au milieu des marais et les vétérinaires qui ont leur cabinet dans le centre de Chibayich », la ville la plus proche, énonce le Dr Hindi.

Mais outre les pathologies habituelles qui frappent les buffles, les éleveurs redoutent désormais les conséquences de la pollution et du changement climatique sur leurs bovins.

L’Irak est frappé par des épisodes de sécheresse de plus en plus longs et de plus en plus fréquents. C’est même le cinquième pays du monde le plus vulnérable au changement climatique, selon l’ONU.

Dans les marais, le niveau de l’eau ne cesse de baisser, un phénomène accentué par les barrages construits en amont du Tigre et de l’Euphrate.

Conséquence: la salinité de l’eau croît et « les animaux en pâtissent car l’eau trop salée favorise les maladies. Si cela continue, même les buffles les plus robustes mourront », s’inquiète le biologiste Omar al-Cheikhli, directeur technique de l’ONG « Climat vert ».

© AFP

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