Ukraine-Russie : les industriels craignent que les pénuries freinent la transition écologique

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La Kola Mining and Metallurgical Company, une unité de la société russe Nornickel, dans la ville de Monchegorsk, région Mourmansk, en Russie, le 25 février 2021 © AFP/Archives Kirill KUDRYAVTSEV

Paris (AFP) – Avec la flambée des prix de l’énergie et des matières premières depuis l’invasion russe de l’Ukraine, certains industriels français craignent que la transition écologique ne soit retardée, et s’inquiètent pour la relance industrielle.

« Le cours du nickel explose alors que les constructeurs se sont lancés dans la transition vers l’électrique » et ont besoin de ce métal stratégique pour les batteries des voitures, a souligné mercredi Éric Trappier, PDG du groupe Dassault Aviation et président de l’UIMM, lors du grand oral qu’a fait passer cette organisation patronale de la métallurgie aux candidats à la présidentielle.

« Avant que le tuyau ne se vide complètement, il va se passer quelques semaines, mais on risque des ruptures de stock entre juin et septembre », estime Bruno Russo, PDG de la PME strasbourgeoise Esaris qui fabrique des composants pour l’aéronautique, présent à la manifestation.

Nickel, mais aussi titane très utilisé dans l’aéronautique pour sa robustesse et sa légèreté, acier ou aluminium, la plupart des métaux industriels flambent sur le marché de Londres depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a tout juste deux semaines, en raison notamment des sanctions appliquées par l’Occident à la Russie, pourvoyeur de ces métaux.

« J’avoue avoir découvert il y a deux semaines que le nickel qu’on utilise dans les batteries était surtout russe », admet le patron d’un groupe constructeur de bus, un brin embarrassé, en requérant l’anonymat.

Faute de métaux stratégiques pour fabriquer les batteries des véhicules électriques, « la guerre va retarder la transition énergétique », juge-t-il.

 

« Période transitoire compliquée »

 

« On est pourtant sur un secteur porteur avec les batteries électriques, mais le nickel, le lithium ou les terres rares sont un vrai sujet. Et toute cette crise risque de favoriser la Chine, en avance sur la voiture électrique depuis 20 ans, qui continue, elle, de converser avec la Russie », avance-t-il.

« Si on est trop dépendant d’autres puissances pour vivre, on peut se demander à quoi bon voter », lâche pour sa part Hervé Bauduin, président de l’UIMM Lorraine, qui défend à fond « le nucléaire » comme source de souveraineté énergétique pour la France.

De fait, la seule hausse des prix de l’énergie pèse pour 60% dans l’excédent brut d’exploitation des entreprises du secteur de la chimie et pour 72% dans celui des groupes sidérurgiques, très utilisateurs de gaz, ou d’énergie en général, a calculé Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, devant un parterre de plusieurs centaines de patrons membres de l’UIMM venus de toute la France.

À la Mutualité à Paris, ils ont écouté mercredi toute la journée les propositions de quatre candidats à la présidentielle en matière d’industrie : Éric Zemmour, Anne Hidalgo, Marine Le Pen et Valérie Pécresse. Les huit autres n’étaient pas venus.

« Je retiens l’unanimité des quatre présents pour insister sur l’importance de l’industrie pour les prochaines années et d’arrêter la désindustrialisation à l’œuvre », se rassure Bruno Berthet, PDG de la société Rafaut Group à l’issue des présentations.

Mais le tableau est chargé pour une industrie convalescente après plusieurs décennies de désindustrialisation suivies de deux ans de crise du Covid-19.

Face au « choc énergétique (…) il va falloir qu’on trouve les méthodes pour aller de l’avant », avance M. Trappier, qui fait partie de la « cellule de crise » mise en place par l’Élysée et Matignon pour « cartographier » les besoins énergétiques des entreprises françaises et leur « dépendance vis-à-vis de la Russie », afin de déclencher des aides « ciblées » et un plan de « résilience ».

Les hausses vertigineuses des prix de l’énergie et des métaux vont « générer en plus un choc inflationniste fort dans un contexte où l’inflation était arrivée déjà après la Covid et la relance », ajoute le responsable : « Il va falloir rebâtir des filières pour éviter de repasser par la dépendance russe, simplement il va y avoir une période transitoire compliquée. »

© AFP

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