A Fukushima, une transition énergétique pour exorciser la catastrophe nucléaire

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Des installations de production d'énergie solaire à Katsurao, dans la préfecture de Fukushima, au Japon, le 4 février 2022 © AFP/Archives Philip FONG

Namie (Japon) (AFP) – Des fermes solaires, des projets d’hydrogène « vert » et des circuits courts énergétiques: 11 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, ce département japonais meurtri mise massivement sur les énergies renouvelables pour se reconstruire un avenir.

A Namie, à quelques kilomètres au nord de la centrale nucléaire dévastée, une mer scintillante de panneaux photovoltaïques s’étend face à l’océan Pacifique d’où le tsunami ravageur du 11 mars 2011 avait déferlé.

Le site est d’autant plus symbolique qu’il était autrefois destiné à accueillir la troisième centrale nucléaire de Fukushima, un projet abandonné après 2011.

Le parc solaire de 18 hectares – l’équivalent de 25 terrains de football – sert à produire sur place de l’hydrogène, une énergie propre si elle est générée à partir d’électricité verte, et sur laquelle le Japon compte beaucoup à terme.

Inauguré en 2020, ce « Fukushima Hydrogen Energy Research Field » (FH2R) pourra aussi absorber l’excédent d’électricité du réseau lors des pics de l’offre liés aux fluctuations des énergies renouvelables.

De cette façon il servira à « équilibrer » le réseau électrique et à éviter tout gaspillage, explique à l’AFP Eiji Ohira, un responsable de l’Organisation pour le développement des énergies nouvelles (NEDO), l’organisme public japonais de recherche exploitant ce site expérimental.

Depuis 2012, le département de Fukushima vise à produire suffisamment d’électricité d’origine renouvelable sur son territoire pour couvrir l’équivalent de 100% de sa consommation d’ici 2040.

« La volonté forte d’empêcher un tel accident (nucléaire, NDLR) de se reproduire a été le point de départ le plus important » de cette politique, rappelle à l’AFP Noriaki Saito, responsable de la planification et coordination énergétiques du département.

C’est aussi une manière « de se réapproprier notre terre » et de « se reconstruire », souligne-t-il.

 

Aides « à double tranchant »

 

Grâce à un soutien financier massif du gouvernement japonais, l’objectif est pour l’instant en bonne voie: un taux de 43,4% d’énergies renouvelables a été atteint sur l’année fiscale 2020/21, contre 23,7% en 2011/12, selon le département.

Des fermes solaires ont poussé comme des champignons sur son littoral, sur des terrains en friche à cause du tsunami ou des évacuations liées aux radiations.

Fukushima, qui comptait déjà des installations hydroélectriques, est aussi devenu une terre d’accueil de centrales à biomasse, et d’éoliennes dans ses montagnes.

Mais le chemin restant à parcourir est encore long, surtout dans les têtes, prévient M. Saito.

Un avis partagé par Motoaki Sagara, le patron d’Apollo Group, un petit fournisseur local d’énergie qui a considérablement étoffé son offre dans les énergies renouvelables ces dernières années.

« Nous générons de l’électricité avec des parcs photovoltaïques et nous la vendons à des particuliers. Le prix est juste un peu plus élevé (que l’électricité venant d’énergies conventionnelles, NDLR). Mais souvent nos clients nous disent qu’ils préfèrent l’électricité la moins chère », dit M. Sagara à l’AFP.

Les subventions « nous aident et nous motivent » pour développer les énergies vertes. Mais elles sont « à double tranchant », juge-t-il, car si cette manne s’arrêtait des entreprises comme la sienne se retrouveraient en difficulté.

 

Circuits courts

 

Pour sensibiliser davantage sa population, Fukushima encourage la création de circuits courts énergétiques, où de l’électricité est produite et consommée sur place.

C’est le cas à Katsurao, un petit village niché dans une vallée boisée à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire dévastée.

La commune avait été évacuée entre 2011 et 2016 à cause des radiations et compte seulement 450 habitants aujourd’hui, moins d’un tiers de sa population d’avant.

Sur une ancienne rizière ayant servi à stocker des dépôts radioactifs lors des travaux de décontamination se tient désormais un parc solaire, dont l’électricité est directement consommée dans le village.

« C’est la première communauté autonome du pays dotée d’un micro-réseau » électrique, s’enorgueillit Seiichi Suzuki, le vice-président de Katsuden, la mini-compagnie d’électricité locale. A leur retour, « les habitants avaient exprimé leur forte envie de vivre avec des sources d’énergie naturelles », et les aides publiques ont suivi.

« Quand on utilise de l’électricité produite dans la communauté, c’est plus facile de voir comment elle est générée. Cela me rassure (…) et c’est bon pour l’environnement » commente Hideaki Ishii, épicier-restaurateur à Katsurao.

Cependant le parc solaire ne couvre que 40% des besoins en électricité du village en moyenne par an, précise M. Suzuki.

Une centrale à biomasse est en projet. Mais certains habitants sont contre, craignant qu’elle ne dégage des émissions radioactives si elle employait par mégarde des matières organiques contaminées, confie M. Suzuki. A Fukushima, même quand il s’agit d’énergies renouvelables, les démons de l’accident nucléaire ne sont jamais loin.

© AFP

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