Un Plan national d’action pour le lynx, « parent pauvre » des grands prédateurs

Une femelle lynx est aux aguets, dans le parc animalier de Sainte-Croix, à Rhodes (Moselle), le 29 juillet 2021. © AFP/Archives JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN

Besançon (AFP) – Le lynx boréal, espèce menacée d’extinction en France, fait figure de « parent pauvre » des grands prédateurs en matière de préservation, selon ses défenseurs, mais un premier Plan national d’action de cinq ans va voir le jour en 2022.

Souple et gracieux, le lynx se faufile entre les arbres des profondes forêts du Jura, telle une ombre silencieuse. Lancé à pleine vitesse après un chamois, le plus grand félin sauvage d’Europe fait à peine bruisser les feuilles, dans le film « Lynx », de Laurent Geslin, qui sortira le 19 janvier.

Mais avant d’être à l’honneur dans les salles obscures, l’animal forestier au pelage doré, tacheté de noir, et aux oreilles surmontés d’un pinceau de poils a pâti de son extrême discrétion et d’une absence de médiatisation.

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Il a « un niveau de prédation sur les troupeaux domestiques anecdotique » par rapport au loup et à l’ours, qui attaquent respectivement 3.000 et 650 bêtes en moyenne par an, contre une centaine pour le lynx boréal, explique Nicolas Jean, directeur adjoint de l’Office Français de la biodiversité (OFB).

Ce chasseur solitaire est donc « moins visible », à tel point que « sa quasi-disparition dans les Vosges est passée pratiquement inaperçue », souligne Olivier Guder, coordinateur lynx au sein de l’association Férus.

Collisions et braconnage

Le ministère de la Transition écologique a donc annoncé l’élaboration du premier Plan national d’action (PNA) en faveur du lynx, prévu de 2022 à 2026, avec l’objectif de « déterminer les actions à mettre en œuvre en France afin de rétablir l’espèce dans un bon état de conservation ».

Revenu par la Suisse dans les années 1970, le lynx boréal s’est installé dans le massif du Jura, qui accueille les deux tiers des 150 individus présents en France, ainsi que dans les Alpes et, de manière sporadique, dans le massif des Vosges où il réapparaît depuis de récentes réintroductions dans le Palatinat, en Allemagne.

Le PNA vise notamment à « réduire la mortalité liée aux collisions » et à « lutter contre les destructions illégales de lynx » qui sont les principales menaces directes pesant sur cette espèce classée « en danger », sur la « liste rouge » française des espèces menacées d’extinction de l’Union mondiale pour la nature.

En 2021, « 10% de la population est passée sous une voiture », soit 12 spécimens, déplore le Centre Athénas, spécialisé dans la sauvegarde du lynx. « L’espèce humaine empiète de plus en plus sur la nature, il y a de plus en plus de véhicules, avec un flux important des travailleurs frontaliers », analyse son directeur, Gilles Moyne, qui milite pour la « création de zones refuges ».

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Ce fervent défenseur du lynx reproche par ailleurs de « ne pas mettre les moyens nécessaires pour lutter contre le braconnage » et d’être « complaisant » avec « les porteurs de fusils dans la nature ».

D’après les services de l’Etat, une vingtaine de cas avérés de « destructions illégales » ont été dénombrés depuis le retour du félin en France, « ce qui représente 10% des individus retrouvés morts », un chiffre jugé toutefois « sous-estimé ».

En 2020 la justice a ouvert des enquêtes pour « destruction d’espèce protégé » après le décès de quatre lynx tués par arme à feu.

Un intérêt pour la biodiversité

Le plan lynx prévoit des « actions sociologiques pour redorer l’image du lynx auprès des chasseurs, dont certains le considèrent comme un concurrent, de montrer son intérêt pour la biodiversité et de rétablir la vérité sur son impact sur les populations des chevreuils », indique M. Jean, de l’OFB.

Pour le président de la Fédération des chasseurs du Jura, Christian Lagalice, « le lynx fait partie de notre environnement, c’est un animal protégé et nous respectons son statut ».

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Il attend du PNA une « amélioration des connaissances » de l’espèce et « qu’on ramène le lynx à ce qu’il est, sans le sacraliser: un très bel animal qui fait partie de notre environnement, comme des centaines d’autres ».

Pour assurer la diversité génétique et la survie de l’espèce, Férus et le Centre Athénas réclament des réintroductions de lynx, mais chasseurs et éleveurs y sont opposés, préférant que l’animal « s’étende naturellement ».

© AFP

Un commentaire

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    • Rose-May

    Le lynx ne pourra pas s’étendre naturellement si de vastes corridors écologiques ne sont pas créés. C’est un animal forestier qui a toutes les difficultés pour passer d’un massif à un autre. Il a un territoire très étendu et par le fait il a conquis l’ensemble du territoire forestier du Jura et par conséquent le brassage génétique ne peut se faire. Sans ces corridors, il ne saura pas conquérir les Alpes ou le massif central depuis le Jura. Trop de routes, autoroutes, zones urbanisées, champs à perte de vue. Et s’il était réintroduit, il lui sera difficile de passer d’un massif montagneux à un autre tant ils sont cernés par nos aménagements urbains et autoroutiers.