L’EPR, fleuron du nucléaire français aux déboires multiples

L'EPR d'Olkiluoto 3 en octobre 2016 à Eurajoki, en Finlande © Lehtikuva/AFP/Archives Martti Kainulainen

Paris (AFP) – L’autorité finlandaise de sûreté a autorisé le démarrage du réacteur nucléaire EPR d’Olkiluoto 3, un modèle de réacteur français dont la construction a subi dans plusieurs pays des déboires entraînant retards et surcoûts.

Réacteur de troisième génération conçu pour offrir une puissance et une sûreté accrues, l’EPR a été commandé par la Chine, la Finlande, la Grande-Bretagne, la France.

Toutefois, la centrale de Taishan, près de Hong Kong, est le seul site actuellement en service et son réacteur numéro 1 est à l’arrêt depuis juillet après un incident, qualifié de « courant » par Pékin.

L’EPR est un projet phare pour l’électricien français EDF, qui prévoit d’en livrer au gigantesque projet indien de Jataipur, mais doit aussi répondre à la relance d’un programme nucléaire annoncé en France par le président Macron pour renouveler un parc vieillissant.

Puissance très élevée

Lancée en 1992, cette technologie a été codéveloppée par le français Areva et l’allemand Siemens au sein de leur filiale commune, dont Siemens s’est depuis retiré.

EDF a finalement pris le contrôle de l’activité lors de la réorganisation de la filière nucléaire française orchestrée par l’État.

Conçu pour fonctionner pendant 60 ans, l' »European Pressurized Water Reactor » se fonde sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la plus utilisée dans le monde.

Il offre une puissance très élevée (1.650 mégawatts) et bénéficie d’une multiplication des systèmes de sauvegarde pour refroidir le cœur du réacteur en cas de défaillance, d’une coque de protection en béton et acier et d’un récupérateur de corium censé réduire les conséquences en cas d’accident grave.

Retards en France et Finlande

Le premier chantier a été lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, pour le compte de l’électricien TVO, avec Areva et Siemens comme maîtres d’œuvre. Il devait s’achever en 2009, mais contretemps et dérapages budgétaires se sont accumulés.

[ITER : comment le numérique aide à éviter et contrôler les instabilités de la fusion nucléaire]

In fine, le réacteur a été chargé en combustible fin mars 2021. Avec près de douze ans de retard sur le calendrier initial, l’exploitant de la centrale d’Olkiluoto table désormais sur une première production d’électricité fin janvier 2022 et une production régulière en juin.

[Nouveaux réacteurs nucléaires : EDF se dit prêt, beaucoup de questions à élucider]

Le deuxième EPR, en chantier depuis 2007 à Flamanville (Manche) en France, a également accumulé les déconvenues, à cause notamment d’anomalies découvertes sur la composition de l’acier du couvercle et du fond de la cuve.

L’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a exigé que le couvercle de la cuve soit remplacé avant la fin 2024.

EDF s’est aussi heurté à des problèmes de soudures et le groupe vise maintenant un chargement du combustible fin 2022. Un planning que le président de l’ASN a qualifié de « très serré », d’autant qu’un autre problème a été rendu public en mars sur trois piquages (raccordements de tuyauterie) du circuit primaire principal.

En service en Chine ; surcoûts en Angleterre

Concernant les deux EPR commandés par la Chine, Taishan 1 a été le premier au monde à entrer en service, en décembre 2018, bien que le chantier ait commencé en 2009, après celui de Flamanville. Le deuxième réacteur de Taishan est aussi entré en service.

[Se passer du nucléaire en France ? C’est possible selon un réseau d’experts]

L’EPR a été retenu pour un projet de deux réacteurs à Hinkley Point en Angleterre, qui a dernièrement été affecté par la pandémie de Covid-19.

Le début de production d’électricité par le premier réacteur britannique est à présent prévu en juin 2026 au lieu de fin 2025 comme annoncé initialement, avec des coûts rehaussés.

Le gouvernement britannique a engagé des discussions pour construire une nouvelle centrale, Sizewell C, projet mené par EDF, mais plombé par les retards du fait de difficultés de financements et complications politiques.

EDF a pour autant bon espoir de vendre de nouveau l’EPR à l’étranger, tablant sur la volonté des pays d’améliorer leur bilan climatique et notamment de moins dépendre du charbon.

[Nucléaire : un cadre de Tricastin dénonce des incidents « dissimulés » et porte plainte]

Le groupe table sur la vente de six EPR pour la future centrale de Jaitapur, et a présenté en avril une offre engageante.

Il discute aussi avec des pays européens comme la Pologne ou la République Tchèque.

Le groupe travaille aussi sur une nouvelle version de l’EPR, pour réduire ses coûts et délais de construction.

En France même, pays le plus nucléarisé au monde (par habitant), le président Emmanuel Macron a annoncé la construction de nouveaux réacteurs, quelque 20 ans après les derniers mis en service. Il a toutefois reporté à plus tard les précisions sur ces futurs EPR.

©AFP

3 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Balendard

    Si l’EPR finlandais démarre véritablement en 2022 on pourra dire que l’histoire sans fin » de ce chantier prend tout de même fin. Cela à grand frais et après douze ans de retard avec un facteur aggravant, celui de générer l’électricité en passant par les hautes températures ce qui pourrait à juste titre être considéré comme une absurdité à l’aube du réchauffement climatique

    • Francis

    Les EPR de Flamanville et de Olkiluoto ne sont pas des fleurons mais des prototypes handicapés dès le départ par le saut technologique qu’ils représentaient au moment même où le départ en retraite des ingénieurs des années 70 a fait perdre à EDF son expérience.

    • ROUX Bruno

    6 mois d’arrêt sur 2 ans et demi : et à part cela l’éolien est une énergie intermittente : le nucléaire c’est intermittent aussi