Avec l’urgence climatique, le défi de planter des arbres en Angleterre

Des employés de la pépinière Moor Trees inspectent les racines de jeunes pousses, le 22 novembre 2021 près de Totnes, dans le sud-ouest de l'Angleterre © AFP ADRIAN DENNIS

Totnes (Royaume-Uni) (AFP) – Concentrés, têtes baissées, trois employés de Moor Trees, une pépinière du sud-ouest de l’Angleterre, écossent des gousses de graines rouges et les jettent une à une dans un grand seau. D’abord mises en pot, celles qui auront germé seront transplantées dans le sol au bout de deux ans.

Avec l’urgence climatique, planter des arbres est à la mode et parfois vu comme une solution miraculeuse par les États ou les entreprises pour capter du CO2 ou embellir leur bilan carbone.

A raison ou à tort, car cela reste un processus long, compliqué et qui ne doit pas occulter la nécessaire coupe des émissions polluantes.

« Il y a quelques années nous faisions grandir 6.000 arbres par an, maintenant c’est 15.000 et nous voulons passer à 25.000 », raconte Adam Owen, directeur de Moor Trees.

« Depuis trois ans, je n’ai pas eu à solliciter une seule personne pour savoir si nous pourrions planter des arbres pour eux. Ce sont les gens qui viennent nous chercher », ajoute-t-il, en passant dans des rangées bien alignées de plants de hêtres, protégés des rongeurs par des filets.

Les financements affluent de toutes parts: fonds gouvernementaux, donations d’entreprises ou de particuliers.

Chez Eden Project, autre ONG de reforestation, le budget est passé de « cinq millions de dollars en 2019 à 26 millions » cette année avec une expansion de leur activité dans huit pays, explique son directeur, Stephen Fitch. Ils espèrent lever 120 millions en 2023.

Le Royaume-Uni a beaucoup de retard à rattraper : seulement 13% du territoire britannique est couvert de bois et forêts contre 31 à 50% en moyenne en Europe.

Le gouvernement vise 30 millions d’arbres plantés par an à partir de 2025.

Mais cet objectif ambitieux risque d’être compliqué par la difficulté de trouver des terrains :  beaucoup sont déjà construits, cultivés ou comportent des habitats à protéger, comme la tourbe ou les marais, autres puits de carbone naturels.

Les graines elles-mêmes manquent : il faut souvent en importer, notamment des Pays-Bas où l’horticulture est une industrie de premier plan – mais elles font alors courir le risque d’importer microbes ou bactéries.

Moor Trees milite ainsi pour la reforestation à partir de graines d’arbres locaux, adaptés au terroir britannique.

« Les arbres ont un rôle important à jouer pour retirer du carbone de l’atmosphère, il n’y a pas d’autre moyen » rapide de « séquestrer du carbone », souligne Luke Barley, consultant pour le National Trust, organisation publique de défense du patrimoine et des parcs naturels britanniques.

 

« Dernière lubie »

 

Mais il s’inquiète des risques de « greenwashing » : des pays ou des entreprises pourraient être tentés de planter des arbres pour soigner leur image tout en repoussant leurs efforts pour véritablement trancher dans leurs émissions de CO2.

« Il n’est pas acceptable pour une organisation de continuer à fonctionner comme si de rien n’était, en se contentant de compenser ses émissions à travers les plantations d’arbres », insiste-t-il.

En particulier, pendant que l’attention se porte sur les nouveaux arbres qui ne séquestreront des quantités significatives de carbone que dans 20 ans, la déforestation des forêts tropicales continue, dénonce-t-il, dans un entretien à l’AFP.

Adam Owen s’agace aussi de ce que les arbres soient devenus « la dernière lubie » sur laquelle les décideurs politiques se précipitent après avoir mis l’accent ces dernières décennies sur la production alimentaire agricole, puis les biocarburants.

Or, souligne-t-il, planter des arbres demande du temps, beaucoup d’argent, et donc une visibilité à long terme.

Les pépinières de petite échelle ne seront pas à même de relever seules le défi.

Certaines fermes se lancent dans cette activité, nouvelle source de revenus notamment pour les éleveurs à l’heure où la consommation de viande chute au Royaume-Uni.

Adam Owen fait cependant valoir que la vocation d’organisations à but non lucratif comme la sienne est également de créer du lien social.

Et Briony James, directrice des actions publiques chez Moor Trees, dit avoir vu « une augmentation notable des bénévoles ces dernières années », qui jouent « un rôle crucial, car planter des arbres prend beaucoup de temps ».

Une fois qu’il savent comment planter, ils peuvent le faire chez eux « et contribuer à la reforestation » de leur région, assure-t-elle.

© AFP

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