En Croatie, les amateurs de truffes veulent protéger « l’or blanc »

Des truffes blanches fraîches, le 27 octobre 2021 à Plovanija, en Croatie © AFP Damir SENCAR

Motovun (Croatie) (AFP) – A l’automne, dans le nord-ouest de la Croatie, les chiens truffiers se faufilent, frétillants, dans la forêt sous les encouragements de leurs maîtres, en quête de truffes blanches. Mais les chasseurs craignent la raréfaction de cet « or blanc » sous l’effet du changement climatique.

L’Istrie, pittoresque péninsule du petit pays des Balkans, est réputée pour l’excellence de ces truffes chères aux gastronomes, qui peuvent chercher dans les 2.500 euros le kilogramme.

Mais le fragile microclimat des régions forestières propices à leur production est en péril.

« C’est plus difficile de trouver une truffe que de la vendre », explique à l’AFP Darko Muzica, président de l’Association des chasseurs de truffes d’Istrie, qui milite pour une protection européenne du précieux ingrédient.

Selon lui, son habitat est menacé par la hausse des températures, la diminution des pluies, la mauvaise gestion de l’eau qui affecte le niveau des nappes phréatiques et une administration forestière inadéquate qui ne tient pas compte des arbres truffiers pendant les coupes.

« Dans le monde entier, la productivité des habitats naturels des truffes recule, souvent en relation avec le changement climatique mais aussi avec les manières d’utiliser les sols », relevait dès 2014 une étude de scientifiques sur les truffes d’Istrie.

L’histoire d’amour entre les Croates et le « Tuber magnatum Pico » ne date pas d’hier, même si de l’autre côté de l’Adriatique, l’Italie est le numéro un incontesté de la truffe blanche.

« Cherche! »

Les chasseurs accompagnés de chiens spécialement formés passent au peigne fin la forêt dense autour de la petite ville de Motovun à la recherche des truffes.

« Cherche, cherche! », crie à ses chiennes Masha et Audrey Zeljko Zgrablic, mycologue qui récolte la truffe à des fins scientifiques.

Les chiennes grattent la terre. Zeljko Zgrablic enlève avec soin une première couche de terre pour découvrir une truffe blanche d’une vingtaine de grammes, soit 130 euros.

De telles scènes sont fréquentes en Croatie durant la saison de la truffe blanche, entre septembre et fin décembre. Parmi les chasseurs, des touristes et des habitants qui veulent arrondir leurs fins de mois.

Chacun peut récolter jusqu’à 100 grammes de truffes pour sa consommation personnelle. Au-delà, il faut se procurer une licence payante auprès des autorités.

L’Istrie est l’une des rares régions en dehors de l’Alba, en Italie, où l’on trouve des truffes blanches sauvages de grande qualité, grâce à un climat humide et des sols alcalins qui transmettent des arômes intenses. En France, des chercheurs ont réussi à la cultiver.

« Avalanche »

« Elles sont lourdes, elles ont une belle forme (…) ce qui en fait un produit de haut vol », clame Zeljko Zgrablic.

Mais depuis vingt ans, le secteur a explosé et rapporte chaque année des millions d’euros. L’Istrie se présente désormais comme « le pays de la truffe » et en produit plusieurs tonnes chaque année.

La ruée vers l’or blanc a commencé en 1999, après la découverte d’une truffe de 1,31 kilos, entrée au Guinness des records, où elle est restée quelques années.

« Cet événement a déclenché une avalanche de truffes », explique dans un livre Giancarlo Zigante, restaurateur qui produit des centaines de produits à base de truffes — huile d’olive, chocolat et chips– exportés dans des dizaines de pays.

L’Association locale veulent que les truffes bénéficient du label européen « d’Indication géographique protégée ». Une certification qui permettrait selon elle de défendre les forêts contre les « abattages irrationnels », de protéger la truffe blanche d’Istrie contre les contrefaçons tout en lui conférant davantage de notoriété.

Mais pour certains amateurs, la truffe est moins une affaire d’argent ou de prestige que de rapprochement avec la nature.

Les plaisirs simples d’une balade en forêt en compagnie de ses chiens suffisent.

« C’est un style de vie, ça vous prend », assure Darko Muzica. « Le chien est content chaque fois que je suis content. Et je suis content chaque fois que le chien trouve une truffe ».

© AFP

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