Poisson-lion : vedette des aquariums mais terreur des mers à combattre

Un poisson lion au Grand Aquarium de Saint-Malo en Ille-et-Vilaine, le 21 février 2020 © AFP/Archives Loic VENANCE

(Venezuela) (AFP) – « Le poisson-lion est beau, mais il faut le tuer », affirme Maria-Virginia Escalona, infirmière vénézuélienne et pêcheuse sous-marine amatrice, à propos de ce poisson vedette des aquariums qui prolifère de manière vertigineuse mettant en péril l’écosytème des Caraïbes et de l’Atlantique occidental.

Aussi appelé rascasse-volante ou poisson-scorpion, ce poisson zébré souvent de couleurs vives avec des épines et nageoires spectaculaires mais vénéneuses, est originaire des océans Indien et Pacifique. Il est désormais répandu de la Floride jusqu’aux côtes nord du Brésil.

Insatiable, mangeant oeufs, petits poissons, crustacés et mollusques, il est responsable au moins en partie de la baisse des quantités d’autres poissons dans la zone en même temps que la pollution, le réchauffement climatique ou la surpêche.

« C’est un poisson invasif. Il n’a pas de prédateur » dans la région, explique la chercheuse vénézuelienne Laura Gutierrez, basée aux Canaries après avoir passé des années à étudier le poisson-lion dans son pays.

Il a été repéré pour la première fois dans les Caraïbes en 1985. « La théorie, c’est que des gens qui en avaient dans leur aquarium les ont relâchés, sans doute parce qu’ils tuaient les autres poissons ou que les nourrir est compliqué », explique Mme Gutierrez.

Il « mange tous les poissons commercialisés, les crustacés mais aussi les poissons qui nettoient les coraux et récifs en mangeant les algues », précise-t-elle.

Et ce qui se passe dans l’aquarium se passe à grande échelle dans les Caraïbes, et pourrait bientôt arriver en Méditerranée que le poisson-lion a commencé à coloniser.

Il n’existe pas de statistiques, souligne la biologiste, mais là où le poisson-lion passe, les autres trépassent… « On ne peut pas l’éradiquer mais on peut minimiser son impact » en le pêchant, estime-t-elle.

 

« Oublie le caviar »

 

Les autorités vénézuéliennes tentent ainsi d’enrayer son inexorable progression avec notamment des concours de pêche ou des opérations de promotion de sa chair.

« Il n’y a que nous, les pêcheurs, pour le contrôler », assure William Alvarez, 35 ans, pêcheur sous-marin chevronné à Chichiviriche de la Costa, petit village, entre mer et montage, à un soixantaine de kilomètres à l’ouest de Caracas.

Dreadlocks, sourire permanent, William part tous les jours en mer avec masque, tuba et harpon.

« La première fois que je l’ai vu en 2008 ou 2009 (…) je l’ai capturé pour le mettre dans un aquarium », se souvient-il, en remontant sur son bateau après plusieurs apnées d’une quarantaine de secondes, un poisson-lion au bout de sa flèche

« Sa reproduction est hors du commun. 30-40.000 oeufs tous les 3-4 jours », dit-il.

Il en capture désormais tous les jours et le prépare en ceviche — poisson cru mariné — sur la plage pour le vendre à une petite clientèle d’aficionados. Son nom : Cevichichi !

Une activité peu rentable : pour 1 kg de ceviche de poisson-lion vendu 20 dollars, il faut 3 kg de poisson-lion et donc des dizaines d’apnée, sans compter le temps à découper le poisson.

« C’est beaucoup d’efforts. Je ne peux pas en vivre mais un poisson-lion de moins, ce sont des milliers de petits poissons qu’il ne va pas manger. C’est une satisfaction d’aider l’écosystème », dit le  pêcheur.

Encore inconnu il y a une dizaine d’années sur les côtes vénézuéliennes, le poisson-lion a fait peur à certaines communautés qui le qualifient de « poisson-diable ». Son apparition subite, son étrange beauté, mais surtout ses épines vénéneuses qui peuvent provoquer des fortes douleurs voire des paralysies, ont renforcé le mystère.

Logiquement, il ne figure pas dans les habitudes alimentaires locales.

Pour Laura Gutierrez, « il faut expliquer qu’il est comestible, qu’il est bon. Impliquer les communautés, montrer comment on le manipule, comment on coupe les épines. Utiliser ses épines pour la bijouterie, sa peau. Il faut l’intégrer dans notre gastronomie ».

« Si on créé de la demande, on fera en sorte qu’il y ait plus d’extraction, cela aiderait à limiter la population » de poissons-lions, dit-elle.

A Chichiviriche, Genesis Palma, 20 ans, caissière, accepte « d’y gôuter pour la première fois ». « C’est divin », s’exclame-t-elle.

« Le poisson-lion c’est ce qu’il y a de mieux », sourit Juan Carlos Gutierrez, un client de William. « Mieux que la langouste ! Oublie le caviar ! »

© AFP

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