Oiseaux et petites bêtes bienvenus au campus de Grenoble, en attendant les moutons

Des chèvres pâturent sur le campus de l'université de Grenoble à Saint-Martin-d'Hères, en Isère, le 9 novembre 2021 © AFP JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Grenoble (AFP) – Des moutons pour tondre un campus ? Décidée à « jouer la carte de la biodiversité », l’Université de Grenoble située au pied des Alpes, transforme son campus en refuge pour oiseaux et envisage de se transformer en pâturage urbain dès l’été prochain.

Bâti ex-nihilo dans les années 60 sur une zone de cultures maraîchères, ce vaste campus à l’américaine est doté de grands espaces verts lovés dans des boucles de la rivière Isère, où il accueille actuellement quelque 42.000 usagers à l’année.

« L’université a un champ d’action considérable avec ce territoire dont elle a la totale maîtrise et où elle peut s’affranchir de toute considération d’embellissement. On peut vraiment pousser l’exercice de laboratoire de la diversité extrêmement loin, on a très peu de contraintes », explique à l’AFP le directeur de l’aménagement de l’Université Grenoble-Alpes (UNGA), Jean-François Vaillant.

L’UNGA a sollicité la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) pour l’aider à conduire un inventaire systématique de sa faune et de sa flore. L’objectif est de disposer « de chiffres et observations faites par des spécialistes », puis de former des étudiants aux techniques d’inventaire et d’intégrer ce thème au cursus de certaines filières comme la biologie.

De fil en aiguille, le campus est devenu cet été un « refuge LPO », pour une convention de cinq ans. Créée voilà un siècle, cette labellisation, initialement dédiée aux particuliers puis étendue aux collectivités et entreprises, désigne un espace -parc, jardin ou simple balcon- où la faune de proximité, « la plus menacée », est protégée. Le propriétaire doit seulement s’engager à certains aménagements comme l’implantation d’abris pour les petits animaux et de certaines plantes et arbustes.

Cette année, la LPO recense 50.000 hectares ainsi protégés répartis en près de 40.000 refuges. Avec ses 180 hectares, le campus est désormais le plus vaste refuge labellisé du département.

L’université n’est pas la seule à se préoccuper de la nature à sa porte. La pandémie de Covid-19 a donné un coup de fouet au programme de refuges LPO, relate Clarisse Novel, porte-parole de l’association à Grenoble.

Frustrés de sorties au grand air, de nombreux citoyens et collectivités « ont pris conscience de toute la biodiversité » que recèlent leurs jardins et « ont à cœur de chercher des solutions pour aider les oiseaux et petits mammifères », souligne-t-elle.

 

Furets et blaireaux

 

Le campus abrite déjà des renards, blaireaux, furets et lapins mais aussi des espèces « peu communes » comme la huppe fasciée, le loriot d’Europe et le triton palmé, selon la LPO.

Il va désormais progressivement perdre ses pelouses tondues de manière classique au profit de prairies de différents types ou de zones arbustives. Des lieux de nidification, balles de foin ou haies mortes en déchets végétaux seront constitués.

« Au début, la création de prairies était un peu spontanément considérée comme un défaut d’entretien », ce qui a suscité de l’incompréhension, relate M. Vaillant.

Mais les étudiants sont « extrêmement réceptifs à ce type de démarche et inversement ils sont peu réceptifs aux petites fleurs, plates-bandes. (…) Au contraire, on sent même une attente » de leur part, souligne-t-il.

Le campus n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai en matière de tonte écologique. Il avait acquis dans les années 2010 une douzaine de chèvres pour débroussailler les berges de la rivière. Mais l’expérience s’est soldée par un échec : « Il y avait des prédateurs +bipèdes+ pas forcément bienveillants« , explique M. Vaillant. Les chèvres paissent à présent en enclos au centre du campus, et sont devenues la coqueluche des étudiants.

L’éco-pâturage devrait néanmoins reprendre l’année prochaine, par l’entremise cette fois d’un prestataire de services, Terideal, propriétaire d’un cheptel de 1.200 moutons et chèvres. « Nous ferons venir un troupeau de moutons et regarderons ce qui se passe, comment il travaille, quels sont éventuellement les problèmes que ça génère. On va y aller progressivement », explique M. Vaillant.

Caroline, 34 ans, dit avoir croisé des écureuils et même un renardeau en promenant son chien sur le campus et trouve « génial de vouloir utiliser des bêtes plutôt que des débroussailleuses ». « Grenoble est si caniculaire l’été: rendre tout plus vert, je dis oui », conclut-elle.

© AFP

A lire également sur GoodPlanet mag’ :

L’ornithologue Grégoire Loïs : « il y a peu d’endroit où cela se passe bien pour les oiseaux communs des villes et des campagnes »

Le déclin des oiseaux des villes et des champs se confirme

Ecrire un commentaire