RDC : pêcher dans la mangrove du fleuve Congo


RDC: pêcher dans la mangrove du fleuve Congo

Muanda (RD Congo) (AFP) – Des dizaines de têtes sortent de l’eau, à bout de souffle, inspirent bruyamment et replongent. Chaque jour, des pêcheurs, hommes et femmes, fouillent la vase à mains nues, en apnée sous plusieurs mètres d’une eau marronnasse à l’embouchure du fleuve Congo, pour dénicher des « huîtres d’eau douce », les bibwati.

Ces huîtres, qu’ils récoltent depuis de lointaines années au fond du fleuve, sont la principale ressource des Assolongo, membres de la seule tribu autorisée à vivre dans la réserve naturelle du Parc marin des mangroves située à 600 km au sud-ouest de Kinshasa.

Après avoir traversé d’est en ouest toute l’Afrique centrale sur près de 5.000 km, le fleuve Congo se jette dans l’océan Atlantique en ces lieux où la République démocratique du Congo a conservé moins de 40 kilomètres de côte, coincés entre deux territoires angolais.

A l’embouchure du fleuve, il faut naviguer dans un labyrinthe naturel de près de 20.000 hectares de forêts inondées pour atteindre le village de Nteva. « Ici, nous n’avons pas d’électricité, quasiment pas de réseau téléphonique, pas d’école non plus », énumère Mbulu Nzabi, le chef du village.

Lui et ses administrés sont tous pêcheurs de bibwati. Contrairement au problème mondial d’érosion du littoral, eux gagnent chaque jour quelques millimètres de terre sur la mangrove en se débarrassant des coquilles, une fois vidées de leur chair.

« Nos grands-parents avaient construit leurs cases plusieurs dizaines de mètres en retrait de là où nous sommes aujourd’hui. Nous vivons sur un gros tas de coquilles de bibwati qui ne fait que grandir ».

Un écosystème fragile

Depuis 1992, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) se débrouille avec un budget annuel de moins de 100.000 dollars pour préserver la mangrove, un écosystème fragile, nécessaire à la reproduction de la faune océanique.

« Avant qu’il y ait le parc, on pouvait faire tout ce qu’on voulait », se plaint timidement le chef Mbulu Nzabi. « On pouvait pêcher les lamantins pour revendre la viande. On coupait les palétuviers pour faire du charbon de bois. Aujourd’hui tout est réglementé ».

Depuis les plages de coquilles de Nteva, on voit d’immenses porte-conteneurs croiser des pirogues creusées dans des troncs d’arbres. Les navires de transport remontent le fleuve Congo pour aller déverser dans les ports de Matadi et Boma des produits manufacturés venant de Chine et des aliments surgelés qui inonderont les marchés de la capitale.

L’activité de ces deux ports, situés en amont de la réserve naturelle, seuls accès directs au commerce maritime international de la RDC, représente une menace pour la biodiversité fragile de la mangrove.

A Nteva, la nuit est tombée. A la lueur de la pleine lune, une vingtaine de femmes et de jeunes filles se réunit devant une petite chapelle bringuebalante faite de branches de raphia. C’est la chorale de l’église catholique.

Pas de télévision ici ni de rumba saturée. Seuls les cantiques en langue kissolongo et le bruit des pas de danse sur les coquilles d’huîtres résonnent dans le calme de la nuit de la mangrove.

© AFP

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