Rescapés de l’extinction, les bisons nouveaux rois des Carpates roumaines

Des bisons d'Europe se promènent dans la zone de réintroduction de Magura Zimbrilor, à 20 km du village d'Armenis, en Roumanie, le 12 juin 2015 © AFP/Archives Daniel MIHAILESCU

Armenis (Roumanie) (AFP) – Traces de sabots dans la boue, arbres à l’écorce rongée: les bisons sont là mais ne daignent pas montrer leur museau. Ces géants poilus qui avaient disparu des Carpates repeuplent les forêts de Roumanie, loin du regard.

Sous un doux soleil d’automne, Matei Miculescu, jeune garde forestier, se fraie un chemin à travers la lisière d’un bois séculaire à la recherche d’indices trahissant la présence de ces ruminants, plus grands mammifères d’Europe et éléments clés de l’écosystème.

Décimé par la chasse, la déforestation et l’expansion de l’agriculture, le bison a frôlé l’extinction au début du XXe siècle : une soixantaine d’individus à peine subsistaient, tous en captivité.

Mais aujourd’hui plus de 6.000 spécimens vivent en liberté sur le Vieux Continent, en particulier à la frontière de la Pologne et du Bélarus, grâce à des projets de réintroduction qui ont démarré dans les années 1950.

En Roumanie, les premiers sont arrivés à Armenis en 2014, plus de 200 ans après leur disparition de cette zone verdoyante du sud-ouest du pays.

Prénommés Kiwi, Bilbo ou Mildred, ils pèsent jusqu’à une tonne pour les mâles et sont nés en captivité, en Pologne, en Allemagne ou en Suède.

Au gré de 16 transferts et de la reproduction de l’espèce, « quelque 105 bisons vivent aujourd’hui en liberté dans les monts Tarcu et se sont bien acclimatés », se félicite Marina Druga, responsable du projet mené conjointement par le WWF et Rewilding Europe.

« Depuis deux ans, il n’y a pas eu de mortalité dans leurs rangs », dit-elle, précisant que le but est de parvenir à un troupeau « de 250 animaux d’ici cinq ans ».

Bisonneaux sans nom

Le programme est bien rodé: ces gros gabarits sont d’abord rééduqués à la vie dans la nature pendant plusieurs semaines, avant d’être relâchés et livrés à eux-mêmes.

Ils arpentent désormais environ 8.000 hectares dans une zone protégée s’étalant sur 59.000 hectares.

Chaque jour qui passe, friands de végétation abondante, ils s’enfoncent plus loin dans la forêt, à la recherche de nouvelles terres où s’installer, raconte M. Miculescu, l’un des quatre gardes chargés de les surveiller.

Les bisons s’épanouissent dans ce milieu sauvage, par contraste avec la captivité qui « crée le risque de consanguinité et affaiblit » leurs chances de survie.

Plusieurs de ces adultes sont déjà les parents d’un ou deux petits : 38 bisonneaux au total ont vu le jour depuis 2014.

« Sans ça, notre projet n’aurait pas d’avenir », confie le jeune homme, qui reconnaît chaque individu d’après la forme des cornes ou la couleur de la toison.

Pour ces derniers, pas question qu’on leur donne des noms : ils sont nés en liberté et tout lien avec l’homme doit être coupé, explique Mme Druga.

Dans ces Carpates méridionales, « vaste région avec une faible densité humaine et pas d’agriculture intensive », les conditions sont idéales, détaille Wanda Olech-Piasecka, de l’Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN).

« Architectes paysagistes »

Mais pour que cette population soit viable à long terme, les activistes de WWF veulent réintroduire des individus dans d’autres zones des Carpates et établir un réseau.

Car ces cousins plus élancés des « buffalos » américains doivent disposer d’un habitat suffisamment vaste pour éviter les conflits aussi bien avec les villageois qu’au sein même des troupeaux, souligne l’experte.

Au-delà de la protection des bisons, ce projet de « réensauvagement » (« Rewilding », en anglais) a un impact bénéfique sur la biodiversité. Quelque 600 espèces en profitent, allant des microorganismes aux grands carnivores.

« Les bisons, qui consomment 60 kilos d’herbe par jour chacun, modifient le paysage, changent l’architecture des forêts en stoppant le développement des arbres invasifs, disséminent les graines de centaines de plantes ou créent des sentiers à travers les bois, facilitant l’accès à la nourriture pour des animaux de petite taille », explique Marina Druga.

S’ils sont faibles ou malades, ils peuvent aussi devenir la proie des loups ou des ours, qui ne doivent plus chercher leur nourriture près des habitations, un fléau qui s’est aggravé ces dernières années en Roumanie.

Parfois, les avantages de leur présence sont surprenants.

« Les oiseaux recueillent les poils perdus par les bisons pour isoler leurs nids », décrit le garde forestier, tandis que « les grenouilles utilisent les empreintes laissées par leurs sabots pour sauter d’une flaque à l’autre ».

© AFP

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4 commentaires

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    • Philippe Cerf

    L espoir viendra peut être de l Europe de l est. Ils savent cohabiter avec le loup, l ours et le bison actuellement. nous devrions en prendre note nous Français car nous ne savons pas cohabiter avec le sauvage le chemin est long et plein d embûches en France

    • Vincent Lejoly

    Tout va donc pour le mieux dans le monde des bisounours verts.
    Dans les carottes aussi on compte exterminer la race humaine pour le ’’’bienfait ’’’’ de la nature.
    Les ”scientifiques ’’’’ nous prennent vraiment pour des cons.

    • Arlan

    Je suis curieux de voir ce que cela va donner dans cinq à dix ans avec un taux de reproduction pareil et leur impact sur la forêt…

    • Pebre Nere

    Les grenouilles sautent de flaques en flaques pour se déplacer. Wahou ! C’est de la science !!!