A Marseille, la difficile traque du trafic d’espèces sauvages

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Une policière de l'Office français de la biodiversité (OFB) devant des animaux empaillés saisis par les douanes, à Marseille le 8 septembre 2021 © AFP Nicolas TUCAT

Marseille (AFP) – Au port de Marseille, douaniers et policiers de l’environnement fouillent des véhicules tout juste débarqués de Tunisie, à la recherche de tortues d’Hermann ou encore d’oiseaux chanteurs, des animaux sauvages très prisés comme tant d’autres.

Des douaniers et des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) inspectent en détail des voitures et des utilitaires quittant le ferry arrivé de Tunis. L’opération est menée sous l’égide du parquet de Marseille.

Cartons et sacs en plastique sont ouverts, des champignons saisis et jetés à la benne pour éviter la propagation de bactéries. Des dentifrices aussi, qui ne respectent pas les normes européennes.

Pas de trace en revanche de tortue terrestre, de chardonneret élégant ou d’autre animal sauvage. Les deux espèces sont protégées par la convention sur le commerce international de faune sauvage, la CITES. Par conséquent, il est interdit de détenir des individus prélevés dans la nature.

Cela n’empêche pas des familles de faire passer des tortues dans leurs bagages pour les enfants, ou des trafiquants d’importer des oiseaux pour les revendre, racontent des douaniers. Selon la Ligue de protection des oiseaux (LPO), ces passereaux chanteurs se revendent sous le manteau entre 150 et 1.000 euros.

Au port autonome de Marseille, « nous avons 15-20 saisies par an, presque uniquement des animaux vivants », indique Denis Terribile, chef de service de la brigade des douanes du port, pendant les contrôles. « Ca peut aller de trois à sept-huit animaux par saisie » et « ça alimente des marchés noirs », détaille-t-il.

A la fin de la journée et après la fouille de 200 voitures, les douanes et l’OFB auront saisi deux tortues grecques, protégées.

Une des cinq priorités

« Il y a 26 ans, quand j’ai commencé, on ne nous sensibilisait pas autant » au trafic de faune sauvage, se souvient Denis Terribile. Depuis, des formations ont été mises en place.

« Nos principaux objectifs sont les stupéfiants, le tabac, les armes, mais la convention CITES fait partie de nos cinq priorités », poursuit-il.

Selon un rapport des ONG WWF et TRAFFIC, la France est « l’un des trois premiers pays importateurs d’espèces sauvages en Europe », « avec plus de 28 millions de spécimens importés entre 2008 et 2017 », à la fois des animaux vivants, morts ou des parties ou produits d’animaux (plume, écaille, bile, peau…) et des plantes.

Une partie de ce commerce est illégal, les produits les plus fréquemment saisis étant « l’ivoire d’éléphant, des reptiles vivants, des mammifères (vivants, corps, parties et produits), des corps d’oiseaux ainsi que des parties et produits, des corps de reptiles et leurs parties et produits. »

« Le commerce illicite suit des tendances », explique à l’AFP Loïs Lelanchon de l’ONG Ifaw. Des produits transitent ainsi d’Afrique vers l’Asie en passant par la France, comme des écailles de pangolins, mais aussi des animaux vivants comme des perroquets gris du Gabon ou des singes magots du Maroc.

« Petites condamnations »

Si l’avion est privilégié pour transporter des animaux vivants (car le trajet est plus rapide), certains peuvent venir d’Afrique du Nord par ferry, poursuit-il.

« Le trafic d’animaux sauvages se divise en deux axes: la criminalité organisée et le commerce opportuniste qui peut inclure des touristes ne connaissant pas le cadre réglementaire », détaille Loïs Lelanchon.

« Ce type de criminalité commence à être considérée de façon plus sérieuse », mais pour les trafiquants, il reste « très lucratif et peu risqué » comparé aux peines encourues pour d’autres trafics, constate-t-il.

Les peines ont été durcies en France: « Porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques » est passible, de 150.000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

« On est encore souvent sur des petites condamnations », tempère Eric Roux, inspecteur de l’environnement à l’OFB. « Ca ne touche pas à l’humain, à des armes ou de la drogue », mais pour autant, « ces trafics entretiennent des filières mafieuses », souligne-t-il.

La justice est sensibilisée à la question, assure le vice-procureur Michel Sastre. La société « ne tolère plus le trafic d’animaux » et « la justice doit être en phase avec son évolution ».

©AFP

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