Au cœur de la Camargue, un laboratoire de meilleures pratiques entre la nature et l’homme

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Des flamants roses au domaine des Grandes cabanes du Vaccarès sud, le 6 septembre 2021 aux Saintes-Marie-de-la-Mer © AFP Christophe SIMON

Saintes-Maries-de-la-Mer (France) (AFP) – Des flamants roses dans un marais, des roselières, quelques abris de chasse. Ce paysage classique de Camargue cache un laboratoire unique d’un milieu naturel pour la gestion de l’eau, la chasse ou la lutte contre les espèces envahissantes.

Le domaine des Grandes cabanes du Vaccarès Sud s’étend sur 473 hectares de zones humides au coeur de la Camargue, près des Saintes-Maries-de-la-Mer. Ancienne propriété de chasse privée rachetée par le Conservatoire du Littoral, il est géré par l’Office français de la biodiversité (OFB) depuis 2013.

« Nous considérons ce territoire comme un laboratoire » au cœur de « l’un des plus beaux territoires de Camargue », s’enorgueillit Eric Hansen, directeur Provence Alpes Côte d’Azur et Corse de l’établissement public français chargé de la protection et de la restauration de la biodiversité.

Le site abrite 138 espèces d’oiseaux, dont certaines très menacées comme la tourterelle des bois, mais aussi des chauve-souris, des cistudes d’Europe, une tortue d’eau douce menacée et protégée, ainsi que de nombreuses plantes.

L’espace naturel protégé est fermé au grand public, mais « veut conserver les activités humaines traditionnelles », poursuit-il.

L’OFB y travaille sur plusieurs thèmes: la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, la gestion de l’eau, la protection des oiseaux ou encore la promotion de pratiques de chasse plus durables.

Autant de thèmes au cœur du Congrès mondial de l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN), un rassemblement clé pour la défense de la biodiversité qui se tient à Marseille jusqu’à samedi.

« Nous essayons de voir ce qui fonctionne ou pas », explique Eric Hansen, pour mieux le partager ensuite avec les propriétaires des domaines avoisinants.

Munitions d’acier

Ça et là, des buissons apparaissent aux abords des marais. « C’est ma bête noire! », s’exclame Claire Tétrel, conservatrice du site, en désignant l’arbuste, un baccharis.

« A l’arrivée de l’OFB, les trois-quarts des espaces de roselières étaient envahis », raconte-t-elle. Résultat, les roselières disparaissent, menaçant des espèces d’oiseaux déjà mal en point et protégées comme le héron pourpré ou le butor étoilé.

Trop tard pour éradiquer complètement cette plante exotique envahissante. Mais en combinant arrachage, girobroyage et noyade des souches, une grande partie a pu être supprimée. Le résultat est flagrant dans le plus grand marais du domaine, où les baccharis qui colonisaient les îlots ont été arrachés, permettant aux oiseaux de s’y installer et d’y nidifier.

Grâce au plan de relance, l’espace naturel a bénéficié de 150.000 euros sur trois ans pour lutter contre ces arbustes et la jussie, une plante aquatique originaire d’Amérique du Sud.

Ces succès « font boule de neige » dans les propriétés avoisinantes, assure Benoît Girard, agent de gestion du domaine. Certaines sont des chasses privées d’oiseaux sauvages, avec un ticket d’entrée élevé de plusieurs milliers d’euros, dont les propriétaires sont soucieux de préserver le meilleur environnement possible pour cette faune.

L’OFB travaille aussi avec des chasseurs sur ce territoire. « Nous faisons venir de jeunes chasseurs en groupes de six pendant cinq ou six jours pour leur apprendre à tirer avec des munitions d’acier », plutôt qu’avec des munitions au plomb, indique Eric Hansen. La grenaille de plomb est interdite dans les zones humides car elle empoisonne les canards.

Les eaux du Petit Rhône alimentent les marais des Grandes cabanes du Vaccarès Sud qui forment aujourd’hui un cul-de-sac piégeant des poissons et en particulier des anguilles européennes, espèce migratrice entre rivières et océan, classée « en danger critique d’extinction » au niveau mondial et en France.

Pour permettre à ces animaux de retourner se reproduire dans l’océan, l’OFB aimerait « retrouver une continuité hydrologique entre le Petit Rhône et l’étang de Vaccarès » en y rejetant des eaux de la réserve, explique Claire Tétrel. Ces eaux constitueraient aussi un apport d’eau propre, quand ce vaste étang au cœur de la Camargue subit des pollutions liées à certains agriculteurs.

« Même si l’homme intervient, on peut tout à fait garder des espaces dans le meilleur état possible », conclut Eric Hansen.

©AFP

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