« Monstre » des rivières, le silure dans le collimateur


Des pêcheurs français sortent un silure des eaux de la Dordogne près de Mauzac-et-Grand-Castang, le 20 avril 2021 © AFP Philippe LOPEZ

Mauzac-et-Grand-Castang (France) (AFP) – Il est gros, moche, engloutit de tout et règne sur les grandes rivières. Mais le silure est-il le monstre parfois décrit, fatal aux poissons migrateurs ? En Dordogne, des pêches ciblées de ce « poisson chat » géant visent à évaluer son impact réel sur la biodiversité, et la part du mythe.

La Dordogne, « une des dernières grandes rivières de France à jouir des huit poissons migrateurs européens », s’inquiète pour ses saumons, anguilles, aloses, lamproies, esturgeons, explique Roland Thieleke, directeur de l’Etablissement public territorial de la Dordogne (Epidor). Ces « sentinelles de la biodiversité, très sensibles, sont en première ligne du point de vue de la fragilité, et de l’accumulation des emmerdes », entre barrages, pêche, pollution, dégradation de l’habitat. Et, donc, silure.

En Basse Dordogne, le silure (Silurus glanis) passe un sale printemps. Au pied des barrages de Mauzac-et-Castang, Tuillières, Bergerac, des filets, cordeaux, nasses tentent depuis 2020 -et pour trois ans- de prélever un maximum de ce prédateur venu d’Europe de l’Est, pour voir si les poissons migrateurs s’en portent mieux.

Le corps-à-corps est bref, mais vigoureux, intense, brisant la paisible surface de la Dordogne au petit matin. Saisi à pleines mains par la gueule, le poisson pris au cordeau est hissé -« une fois que la lourde tête est passée, le reste bascule… » Et l’intimidante masse de 1,75 m pour 35 kilos gît au fond de la barque, agitée encore aux pieds des pêcheurs.

Eradication « utopique »

L’enquête, pour l’heure, se concentre sur le pied des barrages, où fonctionnent, mais imparfaitement, des « ascenseurs » ou « passes à poissons ». Les poissons les moins agiles tournent en rond, cherchent l’accès, et sont soit avalés par le silure, soit effarouchés, bref empêchés de remonter la rivière pour se reproduire.

« Il ne s’agit pas d’essayer d’éradiquer ou réguler le silure sur la Dordogne, l’expérience prouve que c’est utopique d’essayer d’enlever une espèce qui s’est introduite et acclimatée », pose Pascal Verdeyroux, chargé de mission à l’Epidor. « Mais on veut expérimenter si une gestion localisée est faisable et pertinente ».

Sur la barque, sitôt le silure remonté, un pêcheur enfonce jusqu’à l’épaule son bras dans la gueule béante aux mini-dents comme des « râpes ». De l’estomac il ressort une jeune anguille, entière. Un flagrant délit.

Ce carnivore opportuniste, qui peut atteindre 2,70 m pour plus de 100 kg, mange des poissons de toutes espèces -y compris la sienne-, mais aussi grenouilles, rats, petits ragondins, voire des canards, pigeons surpris sur la berge, en mode « échouage d’orque » qui ajoute aux fantasmes.

« Ca a très mauvaise réputation, ça a une sale tronche, c’est gros, c’est gluant (sans écailles, NDLR), c’est tout ce qu’on voudra, ça bouffe de tout. Ca peut faire un peu peur… », résume Jean-Michel Ravailhes, président de la Fédération de Dordogne pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

Mangez du silure !

« Mais ca me gêne un peu de faire du silure un bouc émissaire. Il ne faudrait pas qu’il soit l’arbre qui cache la forêt », s’agace-t-il en pointant du doigt la ponction réalisée sur les migrateurs, selon lui, par la pêche en aval en Gironde.

Quoi qu’il en soit, le silure, introduit -par l’homme- dans les années 70-80, « est là pour rester ». Ce poisson qui déchaîne les passions a d’ailleurs ses quelques fans, amateurs de pêche sportive, qui viennent parfois de loin, car avoir 70-80 kg au bout de la ligne, « c’est fort en sensations ».

Et depuis peu, « ça se mange. Des restaurants locaux se sont mis à valoriser ce poisson, avec différentes recettes. D’année en année, on a de plus en plus de demandes », observe Patrick Ceccheto pêcheur professionnel agréé.

Vincent Arnould, chef étoilé à Trémoulat, vante ce poisson « intéressant », sans arête, à la chair ferme rappelant la lotte. « Il marche bien en beignets, poché, rôti, avec des goûts relevés, un peu épicés, exotiques, et à merveille avec une sauce au vin ».

Il lui prédit un bel avenir dans les cantines. « Les gamins sont moins arrêtés que les adultes sur certaines choses ». Et si en plus c’est bon pour la biodiversité…

© AFP

3 commentaires

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    • Méryl Pinque

    Monstre de la planète, l’humain dans le collimateur.

    • michel CERF

    Le monstre c’est l’homme , je suis bien placé pour savoir que le silure mange essentiellement des crustacés , des poissonnets et peut passer de nombreux jours sans s’alimenter , à une autre époque le requin des rivières c’était le brochet , lequel est indispensable à l’équilibre des espèces , les idées reçues ont la vie dure !

    • Caroline Boiselet

    Et voilà encore une espèce en voie d’éradication puisque monsieur l’humain l’a décidé. Fichez leur la paix bon sang, ce silure aurait certainement voulu encore profiter de son existence. Triste…