En Méditerranée, les cétacés gagnants du confinement, de nouveau en danger

dauphins

Des dauphins "bleus et blancs" au large de La Ciotat dans les Bouches-du-Rhône le 23 juin 2020 © AFP Christophe SIMON

La Ciotat (AFP) – Des bancs de dauphins ondulant tout près des côtes, des regroupements de cachalots dans des zones inhabituelles : en Méditerranée, le confinement décrété contre le coronavirus a profité aux cétacés. Mais, la saison touristique pourrait tout gâcher.

« Dès que les plaisanciers sont revenus, on a vu circuler des vidéos qui nous ont hérissé le poil », déplore Marion Leclerc, de l’association scientifique pour la conservation des cétacés Souffleurs d’écume.

L’une d’elles montre une « rencontre » avec un rorqual dans le golfe de Saint-Tropez. Le bateau s’approche à quelques mètres et trois adolescents se jettent sur le cétacé munis de simples masques et tubas. Dangereux pour le rorqual… comme pour l’homme : « On parle d’un animal qui pèse 70 tonnes ! », souligne Mme Leclerc.

Souffleurs d’écume s’inquiète de voir revenir certains opérateurs qui « traquent » les animaux par drone puis proposent aux touristes de nager avec eux.

« Beaucoup oublient que la Méditerranée est aussi une maison, où les animaux se nourrissent, se reproduisent, se reposent », déplore l’association qui forme des opérateurs touristiques à une pratique responsable d’observation des animaux marins, avec à la clé un label certifié internationalement par l’Accobams (Accord sur la conservation des cétacés).

Toute petite mer -1 % de la surface mondiale des océans-, la Méditerranée abrite plus de 10.000 espèces. Vingt-et-une sortes de cétacés -sur les 87 recensées dans le monde- ont été observées dans ses eaux et celles de la mer Noire, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La plupart sont classées « en danger ».

Outre les rencontres avec des touristes trop entreprenants, ces animaux risquent des collisions avec les navires, dans une mer concentrant 25 % du trafic mondial. « C’est la première cause de mortalité non-naturelle chez les grands cétacés », selon Marion Leclerc.

« Réduire sa vitesse »

Dans la baie de La Ciotat, un matin d’été, une cinquantaine de dauphins bleus et blancs plongent autour du bateau pneumatique du Groupement d’Intérêt Scientifique pour les Mammifères Marins de Méditerranée (GIS3M).

A la barre, Laurène Trudelle explique : « il faut réduire sa vitesse, se placer en parallèle à leur trajectoire pour éviter de leur couper la route, après ils viennent jouer s’ils veulent ! ». « Si vous ne les pourchassez pas, s’émerveille Mme Leclerc, c’est là qu’ils donnent le plus beau spectacle ».

Pendant les mois de confinement, l’arrêt presque total du trafic maritime a permis à certains cétacés de conquérir des espaces habituellement trop fréquentés par l’humain. Même les plus vieux d’entre eux, âgés d’une centaine d’années, n’avaient jamais connu telle tranquillité.

Avec son équipe de chercheurs, Hervé Glotin, bioacousticien à l’Université de Toulon, a analysé les données collectées par des drones marins de la société Sea Proven. « Dans les profondeurs marines, nos oreilles remplacent nos yeux », explique-t-il. Pour observer le comportement des cétacés, des capteurs de sons ont ainsi permis de suivre à la trace, sans les affecter, les cétacés.

Ces animaux se repèrent et se déplacent grâce à leur sonar. Ils détectent les obstacles sur leur route en émettant des ondes sonores puis en analysant celles renvoyées par les objets.

Baisse de 30 décibels

Pendant le confinement, alors que toutes les sorties scientifiques en mer étaient à l’arrêt en Méditerranée, Sea Proven a obtenu les autorisations préfectorales et un financement de la fondation Prince Albert II de Monaco pour continuer ses observations dans le « sanctuaire » marin Pelagos.

Et elle a enregistré une baisse frappante de 30 décibels dans les zones côtières, en l’absence totale de plaisanciers.

Dans ce « silence », les cétacés, et notamment les rorquals habituellement assez solitaires, ont pu interagir « à des longueurs deux à six fois plus importantes que d’habitude », décrit le Pr Glotin, ce qui leur a permis de contacter des congénères très éloignés.

Des dauphins ont profité de l’absence des hommes pour aller jouer dans les calanques de Cassis. « La période a montré qu’on est vraiment responsables du bruit dans les baies et que cette pollution est totalement réversible », souligne le scientifique.

D’autres pollutions ont aussi considérablement diminué en Méditerranée : Quiet-Sea a relevé une baisse de moitié du taux d’hydrocarbures dans l’eau, « ce qui est très bon pour la petite biodiversité, et donc indirectement pour toute la chaîne alimentaire ».

La sauvegarde des cétacés ne fait l’objet d’aucun texte international contraignant pour les armateurs. Seule la France impose depuis 2017 aux navires français de plus de 24 mètres circulant dans Pélagos de s’équiper d’un dispositif de localisation de ces animaux, déplore l’ONG de protection des grands cétacés Tethys, basée à Milan.

« Quand on pense qu’il suffirait de réduire de 10 % la vitesse des bateaux dans les zones fortement peuplées par les cétacés pour diviser significativement la puissance acoustique et le risque de collisions ! », lance M. Glotin.

© AFP

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2 commentaires

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    • Michel CERF

    Tous ces animaux vivent et restent chez eux , que les humains fassent de même .

    • Méryl Pinque

    Coller des amendes aux abrutis qui dérangent les animaux, sanctuariser les zones côtières, interdire les bateaux à moteur, etc.
    Voilà ce qu’un authentique ministère de l’Ecologie devrait faire.