Mais que s’est-il passé sur le marché du pétrole ?

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Enfouissement de résidus pétroliers issus de l’exploitation des sables bitumineux, Fort McMurray, Alberta, Canada (57°01’ N – 111°38’ O). © Yann Arthus-Bertrand

Nous venons d’assister à un effondrement des prix du pétrole sans précédent, ce qui a entraîné les prix en territoire négatif le 20 avril.

Le prix au comptant du West Texas Intermediate (WTI), le type de pétrole utilisé comme standard dans la fixation du prix du brut, a ainsi atteint moins 40,32 dollars américains le baril. Le prix à terme de mai (c’est-à-dire du pétrole livrable sous forme physique) est quant à lui passé à moins 37,63 dollars américains le baril, soit le niveau le plus bas de l’histoire.

Il n’y a pas eu de meilleur indicateur de l’étendue des dégâts économiques provoqués par le coronavirus. Avec la fermeture des frontières et le fait qu’une grande partie de la population mondiale reste aujourd’hui confinée, les transports se sont pratiquement arrêtés.
Comment un prix peut-il devenir négatif ?

Le plongeon des cours tient au fait que l’industrie pétrolière n’a pas été en mesure de ralentir la production assez rapidement pour contrer la baisse de la demande. Quant au stockage du pétrole américain, l’autre mécanisme qui stabilise normalement les prix, il semble avoir atteint ses limites en termes de capacité.

Le WTI est en effet généralement stocké dans les cuves de Cushing, en Oklahoma, qui sont en passe d’être pleines. Le site de Cushing serait pourtant capable de contenir quelque 62 millions de barils de pétrole, soit assez pour remplir tous les réservoirs de la moitié des voitures aux États-Unis !

C’est pourquoi les prix sont devenus négatifs. Les négociants qui ont des contrats pour prendre livraison du pétrole en mai craignent de ne plus pouvoir le stocker. Ils sont donc prêts à payer pour ne pas avoir à l’acquérir physiquement, car ils n’ont nulle part où le mettre.

Cependant, les contrats pétroliers ne sont pas tous devenus négatifs. Ceux qui concernent le WTI pour juin et les mois suivants sont restés en territoire positif, ce qui reflète le sentiment que le déséquilibre entre l’offre et la demande sera bientôt corrigé.

Le brent, le prix de référence international, est ainsi resté positif, tombant à 25,57 dollars US, soir une baisse d’environ 9 %. Contrairement au WTI, les livraisons de brent peuvent être en effet mises sur des navires et transportées vers des installations de stockage partout dans le monde.

Pas seulement aux États-Unis

Actuellement, il n’y a toutefois aucune garantie que les problèmes de stockage aux États-Unis ne s’étendront pas à d’autres marchés, et ce malgré la décision de l’OPEP-Plus (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, plus la Russie et d’autres anciens États soviétiques) de réagir à la chute libre en réduisant la production de 9,7 millions de barils par jour. Une décision qui d’ailleurs met ainsi fin au récent duel sur les niveaux de production entre l’OPEP et la Russie.

L’avenir s’annonce donc relativement sombre sur les marchés pétroliers. Avec la hausse du chômage, les économies en récession et l’effondrement des marchés financiers, les perspectives de reprise substantielle semblent lointaines.

Les États-Unis, qui sont aujourd’hui eux-mêmes exportateurs de pétrole de schiste, souffriront de la même manière que les exportateurs traditionnels du Moyen-Orient. Historiquement, les marchés pétroliers ont été considérés comme de bons indicateurs pour prédire les récessions. Or, dans le contexte actuel, c’est bien l’inverse qui semble se produire.

À ce stade, l’industrie pourrait ainsi commencer à considérer que le meilleur endroit pour stocker le pétrole est un endroit naturel : en le laissant dans le sol.
Mais que s’est-il passé sur le marché du pétrole ?
par Christina Nikitopoulos, Senior Lecturer, Finance Discipline Group, University of Technology Sydney
et Warren Hogan, Industry Professor, University of Technology Sydney
The Conversation

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