Michel Vampouille, président de Terre de Liens : « la revalorisation des métiers de base qui nous permettent de vivre est indispensable dans tous les secteurs de la société y compris dans l’agriculture »

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Plantation de choux-fleurs dans les Côtes-d'Armor © Yann Arthus-Bertrand

La pandémie de covid-19 et le confinement remettent l’approvisionnement alimentaire au centre des préoccupations. En France, l’agriculture de proximité connaît un succès manifeste. La fédération Terre de Liens y entrevoit l’espoir d’un autre avenir agricole et alimentaire. Michel Vampouille, le président de cette fédération dont l’objectif est de préserver le foncier agricole et d’aider à la reprise de fermes explique pourquoi ce moment représente une opportunité de transformer l’agriculture.

Qu’est-ce que la crise actuelle nous dit sur l’agriculture française ?

Nous constatons un afflux de 30 à 40 % de clients supplémentaires chez les producteurs qui font de la vente directe. Ces gens étaient peut-être déjà dans l’idée de consommer local en allant voir le maraicher du coin. Ils ont franchi le pas avec la crise, ce qui offre de nouvelles perspectives pour les producteurs locaux. La demande de circuits courts et de qualité augmente depuis 4 ans, elle va encore s’accélérer. Il faut réorienter en conséquence les politiques agricoles pour ne pas décevoir l’attente des nouveaux consommateurs.

Cette crise révèle les inégalités sociales ainsi que l’importance des métiers manuels. Or, ces derniers ont tellement été déconsidérés et sous-rémunérés qu’il existe aujourd’hui des difficultés à les rendre attractif. L’agriculture est confrontée au même problème puisque de nombreux agriculteurs peinent à vivre de leur métier. Pour ne pas tomber dans l’écueil du machinisme et de l’agro-industrie, il convient de remettre des hommes et des femmes au travail en leur permettant de vivre dignement. Bien que leur situation demeure fragile, nous constatons de fait que ceux qui font du bio et de la vente directe s’en sortent mieux financièrement que la majorité des agriculteurs. La revalorisation des métiers de base qui nous permettent de vivre est indispensable dans tous les secteurs de la société y compris dans l’agriculture.

Comment relocaliser la production agricole et la distribution ?

La préservation des espaces agricoles autour des agglomérations est nécessaire pour pouvoir alimenter localement une population de plus en plus urbaine. Il faut mettre fin à l’urbanisation extrêmement forte des espaces agricoles. En 2019, ce sont 50 000 hectares de terres agricoles qui ont été urbanisés. Or, ce sont souvent les meilleures terres agricoles puisque, historiquement, les villes se sont bâties là où se trouvaient des sols fertiles. La région parisienne en est un exemple frappant.

La préservation des espaces agricoles autour des agglomérations est nécessaire pour pouvoir alimenter localement une population de plus en plus urbaine.

Pour plus de proximité et des revenus normaux, Il faut revoir les politiques agricoles basées sur la spécialisation des territoires qui favorisent aujourd’hui les exploitations sur de grandes surfaces et en monoculture. Ce modèle là se montre incompatible avec la notion de proximité qui repose sur une production diversifiée à l’année.

Que diriez-vous à celles et ceux qui, suite à cette crise, désirent opérer un retour à la terre ?

Je leur conseille de prendre contact avec les réseaux déjà existants dans leur région : les AMAP (Associaiton pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), Terre de Liens, la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) pour ne citer qu’eux. Toutes ces structures apportent des soutiens dans la formation, dans l’aide à l’installation et dans la mise en relation entre les producteurs et les consommateurs. Suffisamment de paysans se sont engagés dans ces démarches depuis une trentaine d’années pour être en mesure d’accompagner les porteurs de projets agricoles. Et, fort de ces expériences, ne pas les laisser seuls sur le projet de production, les objectifs de commercialisation et la manière de trouver des terrains et des débouchés. Il existe par exemple le réseau Impact au niveau national et d’autres au niveau régional.
Avec toutes les personnes que nous installons avec Terre de Liens, nous voyons que les gens qui se lancent ne sont pas issus du milieu agricole et possèdent déjà, pour beaucoup, une autre expérience professionnelle antérieure, par exemple en communication ou en informatique. Ils viennent avec ces compétences tout en créant des réseaux d’entraides dans ces domaines. Nous essayons de favoriser l’installation de groupements afin d’éviter l’isolement et favoriser les échanges.

Cette évolution de la sociologie et des origines des gens qui s’installent en agriculture constitue une diversification et une oxygénation du monde agricole.

Qui sont ces nouveaux venus ?

Le métier de paysan n’est plus foncièrement héréditaire. Les enfants d’agriculteurs n’ont pas envie de reprendre les fermes familiales tandis que les enfants de non-paysans désirent s’installer. Beaucoup d’installations sont effectuées par des femmes, ce qui est une petite révolution dans l’histoire du monde agricole car la femme était bien souvent la main d’œuvre gratuite du chef d’exploitation.
Cette évolution de la sociologie et des origines des gens qui s’installent en agriculture constitue une diversification et une oxygénation du monde agricole.

Avez-vous un dernier mot ?

Cette crise doit déboucher sur un moment de réflexion qui peut amener à prendre des décisions jugées impossibles il y a encore quelques années. L’agriculture française peut évoluer de manière radicale avec pour objectif d’assurer la sécurité alimentaire nationale qui ne dépende pas trop des importations.

La seule solution pour empêcher une nouvelle forme de pression économique sur les terres agricoles serait donc de rendre la ville désirable.

Mais, nous sommes aussi face à des risques réels concernant la protection des terres agricoles. Car, beaucoup de gens ont considéré qu’il était plus sympathique de se confiner dans une maison avec jardin que dans un appartement. Et donc, un des défis à relever est de rendre la ville vivable, souhaitable pour éviter qu’à l’issue de la crise beaucoup de monde cherche à vivre à la campagne. La seule solution pour empêcher une nouvelle forme de pression économique sur les terres agricoles serait donc de rendre la ville désirable.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour aller plus loin, lire aussi :
– le site de la fédération Terre de Liens
– notre précédente interview vidéo  avec Freddy le Saux, président de Terre de Liens : « la terre est un bien commun sur lequel les citoyens ont un droit de regard »
– notre reportage sur Terre de Liens pour la préservation du patrimoine rural

3 commentaires

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    • denise

    Ce sont bien les activités humaines qui dérèglent le climat mais ça n’a strictement rien à voir avec le taux de CO2 dans l’atmosphère mais uniquement le taux de vapeur d’eau ! il devrait être à 100% l’été et sur les continents il descend en dessous de 20% et c’est ça qui provoque des canicules !
    Les zones tempérées de la planète sont caractérisées par la présence d’eau ou de végétation, et c’est justement quand les continents se « dévégétalisent » l’été que la désertification s’installe ! Avant de perdre ses arbres le Sahara était une forêt !
    Dans un écosystème forestier (notre référence en matière de climat) 70% des précipitations sont consacrées à l’entretien du cycle de l’eau (évapotranspiration) par rétention dans les sols, ce qui laisse 30% de retour en mer. Quand les retour en mer d’un bassin versant dépasse les 30% c’est que la végétation n’aura pas assez d’eau, ce qui va entrainer un manque d’évaporation (donc un stockage de chaleur dans les sols = canicule) un manque de pluie, un assèchement des sols et une destruction de la biodiversité, un sol sec c’est un sol mort !
    Toute la régulation thermique des basses couches de l’atmosphère se fait par l’évaporation (chaleur latente) ! Il faut végétaliser massivement (villes et campagnes) au rythme des forets de feuillus . Contrairement aux idées reçues, la pluie ne vient pas uniquement de la mer : 70% des précipitations continentales proviennent de l’évapotranspiration (végétation) et seulement 30% de l’évaporation en mer … Autrement dit , il ne pleut pas sur des sols secs !

    En climatologie on part du principe que c’est la végétation qui apporte les pluies, donc l’ irrigation n’est pas un problème mais LA solution , à condition d’avoir fait des réserves l’hiver ! Le bilan hydrique de la végétation est toujours positif dans un rapport 2/3 1/3 : 2 litres d’eau évaporée = 3 litres de pluies ! Si tout le monde avait le bon sens de faire comme les agriculteurs, des réserves d’eau l’hiver (particuliers, villes, industriels, etc …) pour végétaliser en épargnant les nappes phréatiques l’été on ne parlerait jamais de sécheresse ! Oui la végétation utilise 70% des pluies mais c’est quand elle ne le fait pas que le climat se dérègle !

    En France les forets brulent parce que depuis 30 ans on plante des conifères qui consomment deux fois moins d’eau … donc apportent deux fois moins de pluies ! D’ailleurs on ne plante de conifère en Afrique !

    Les vrais spécialistes du climat nous disent bien que quand la température monte il y a plus d’évaporation et donc plus de pluie, donc il n’y aura pas moins d’eau mais une dégradation de la répartition annuelle des précipitations avec des accidents climatiques : inondations l’hiver et sécheresses l’été !

    Les villes commencent à comprendre qu’il faut végétaliser pour « climatiser » mais tous les étés on laisse, dans nos campagnes, des millions d’hectares sans végétation; un champ bien vert l’été aura le même impact sur le climat qu’une foret ! Il y a 20°c d’écart entre un champ vert et un champ sec l’été , sur 4 millions d’hectares de Surface Agricole Utile l’impact sur le climat est énorme ! Si on reboisait dès aujourd’hui l’ensemble de la région il faudrait attendre 30 ans avant de commencer à voir les effets sur le climat … C’est bien de replanter des haies dans les champs mais c’est une goutte d’eau dans l’océan !

    • Gougeon

    Merci…merci…Voilà qui nous donne de l’espoir dans la direction d’une voie d’agriculture raisonnable de proximité produisant directement des produits de qualité. Une veritable prise de conscience est là…la terre …s’en trouvera mieux.Cessons aussi en ville de bétonner.. cimenter….haillons…coupons …aimons nos jardins de ville si petits soient ils!…..Tout cela est beau pourvu que les pesticides…glyphosates et autres salariés… ne soient plus employés….
    Espoir…..pour les hommes et pour la terres…tenons bon..le changement est là….Un pleur cependant….pourquoi faut il qu’ un virus nous fasse prendre conscience de tout cela?..

    • Bousquet

    Bonjour, Il pourrait y avoir un pari à faire pour concilier les deux mondes évoqués ici. Avec ? Présents à l’esprit de ce que furent les contraintes attachées à ces enfants de paysans qui, au sortir de « la grande guerre », voyaient un avenir dans ces villes, pouvoyeuses d’emploi pour leur re-construction. Et, ce n’est pas de gaîté de coeur que ces jeunes gens se rendaient sur cet immense chantier. Abandonnant parents et grand’parents à leurs terres devenues trop grandes avec leur départ forcé.
    Des logements à trouver pour sauver ce qui pouvait l’être dans ces mégalopoles qui leur faisaient peur. Leur installation aidant, ils prirent leurs repaires et se constituaient une vie nouvelle dont, au premier abord, ils ne voulaient pas. S’entasser dans quelques mètres-carré alors que l’on vient de propriétés souvent immenses, n’avait pas de quoi les enchanter.
    Surtout ? Pour travailler en usines ou autres chantiers pour un bénéfice dont ils ne percevaient que des miettes.
    Pendant que leur patrimoine à la campagne se désagrégeait.
    Et ? C’est bien plus tard que leurs aînés vieillissants et – disparaîssants – qu’ils se virent contraints de retourner vers ces lieux de leur origine. Avec, là encore, des chantiers pour remanier leurs anciennes demeures. Souvent des fermes où, animaux disparus et matériels à l’abandon, jetait un sentiment d’amertume. Pour les plus chanceux, ou qu’un emploi permettait, ils se mirent à trouver des petites entreprises locales – au autres artisans- pour raviver ces belles fermes vieillissantes. Voire, en passe de s’écrouler.
    Alors ? Ce propos consiste à soutenir cette action de réfection – POUR QUE, à terme CETTE AGRICULTURE REPRENNE SON DROIT ORIGINEL.
    C’est le pas que tente de franchir ces circuits courts qui vont soutenir Celles et ceux qui tentent de survivre sur leurs terres jamais abandonnées.
    Ils mérîtent notre respect. Et ont surtout besoin des aides des différentes communautés. Sans parler de la nôtre, bien entendu.
    Jean-Marc Bousquet.