Six mois après, l’incendie de Lubrizol encore « dans toutes les têtes »

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Le 26 septembre 2019, l'incendie hors norme de l'usine Lubrizol à Rouen dégage un énorme nuage de fumée noire © AFP/Archives Jean-Jacques GANON

Six mois après, l’incendie hors norme qui a détruit une partie du site de Lubrizol à Rouen est encore dans « toutes les têtes », mais aucune réponse n’est encore venue expliquer l’origine du sinistre et ses conséquences à long terme.

Le 26 septembre dernier, 9.505 tonnes de produits chimiques avaient brûlé: 5.253 tonnes de produits – essentiellement des lubrifiants – sur le site de Seveso Lubrizol et 4.252 tonnes sur le site de l’entreprise voisine Normandie Logistique, dont 1.600 appartenaient à Lubrizol.

L’incendie, qui n’a pas fait de victime, avait provoqué un gigantesque nuage de fumée noire de 22 km de long avec des retombées de suie jusque dans les Hauts-de-France.

Pendant plusieurs semaines, incommodés par l’odeur, des habitants ont présenté des symptômes tels que maux de tête et nausées, suscitant des inquiétudes sur les risques sanitaires à long terme.

Autre conséquence, les produits frais (lait, légumes) ont cessé d’être commercialisés dans plus de deux cents communes durant trois semaines.

Six mois après, on ignore toujours d’où est parti le feu. Les deux entreprises se renvoient la responsabilité.

Une certitude, « l’incendie de Lubrizol est encore dans toutes les têtes », souligne Charlotte Goujon, maire PS de Petit-Quevilly qui jouxte l’usine.

Mi-décembre, Lubrizol a pu redémarrer partiellement l’une de ses unités après le feu vert de la préfecture, malgré le recours de l’association Rouen Respire.

Fin février, la société Lubrizol a été mise en examen par le parquet de Paris, chargé de l’enquête, pour « déversement de substances nuisibles » et pour des manquements dans l’exploitation de son usine ayant porté une « atteinte grave » à l’environnement. L’entreprise a été placée sous contrôle judiciaire.

Un cautionnement de 375.000 euros et une « sûreté » de 4 millions d’euros visant à réparer les « dommages humains et environnementaux » éventuellement imputables à l’incendie ont été demandés à Lubrizol.

« On ne sait toujours rien »

Normandie Logistique a elle été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté.

« On n’a toujours pas accès au dossier » et « six mois après on ne sait toujours rien. C’est magnifique! C’est quand même fou. On attend encore les retours de l’impact sanitaire », dénonce auprès de l’AFP Olivier Blond, président de l’association représentée par l’ex-ministre de l’Environnement et avocate Corinne Lepage.

« Il y a eu une préenquête auprès des habitants à Petit-Quevilly, Préau, Bois-Guillaume et Buchy » qui ont été interrogés par téléphone « pour voir quels étaient les effets qu’ils ressentaient et qu’ils redoutaient pour leur santé », indique Charlotte Goujon.

« Tous les matins en ce moment, on sent encore l’odeur, c’est un problème en cette période de confinement où on voudrait aérer nos maisons », souligne l’édile dont la ville a porté plainte contre X.

Pour les agriculteurs et producteurs de lait, des dispositifs d’aide d’urgence ont commencé à compenser les pertes.

Lubrizol a assuré à l’AFP répondre aux demandes, en lien avec le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE): en février, « il y avait 1.600 dossiers dont 1.100 au titre de l’agriculture ».

Selon Aline Catoire, productrice de lait et vice-présidente de la chambre d’agriculture de Seine-Maritime, « l’indemnisation des éleveurs laitiers a été assez transparente ». « On a été réglés au prix payé de ce que nous aurions vendu », explique-t-elle, ajoutant avoir perçu 12.000 euros pour 29.000 litres perdus.

Des négociations doivent commencer pour les pertes indirectes: « perte d’image des produits normands, pour les vendeurs directs, la fréquentation des marchés », a précisé Mme Catoire.

Deux missions parlementaires ont vu le jour. Celle de l’Assemblée nationale a avancé plusieurs propositions pour éviter les accidents industriels: augmenter les sanctions contre les pollueurs, organiser des exercices d’évacuation de la population, augmenter les effectifs des inspecteurs d’usines.

La commission d’enquête du Sénat a dû interrompre ses travaux pour cause de coronavirus et les reprendra après la crise sanitaire.

Aux municipales, EELV escomptait transformer le choc Lubrizol en victoire. Mais malgré un bon score au 1er tour (23,15%), les écologistes n’ont pas réussi à supplanter le PS qui paraît assuré de garder la mairie.

© AFP

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