Brésil: le combat de la photographe Claudia Andujar pour la survie des Yanomami

Claudia Andujar

Claudia Andujar montre à l'AFP un livre de ses photos de portraits d'indigènes brésiliens, le 29 octobre 2019 à Sao Paulo © AFP/Archives Nelson ALMEIDA

La photographe Claudia Andujar a passé près de 50 ans à défendre les droits des indigènes de la tribu brésilienne Yanomani, devenue sa « famille » et qui fait face à de nouvelles menaces sous la présidence de Jair Bolsonaro.

A 88 ans, cette Suissesse naturalisée brésilienne, qui a commencé à documenter la vie quotidienne des Yanomami au coeur de la forêt amazonienne en 1971, voit son oeuvre exposée à la Fondation Cartier à Paris, à partir de ce jeudi.

« Les Yanomami sont comme des membres de ma famille et je me dois de défendre ma famille », a-t-elle dit à l’AFP à Sao Paulo, où elle réside.

À chaque fois qu’elle s’est rendue dans le territoire yanomami – dont la superficie au Brésil est plus grande que celle du Portugal – le séjour a duré plusieurs semaines, dans des conditions compliquées.

Fortes chaleur, malaria… Autant de difficultés qui ne l’ont pas empêchée de suivre au plus près le quotidien de l’ethnie, entre rites chamaniques et chasse dans les zones reculées de la forêt. « J’ai tenté d’adopter leur mode de vie, de leur faire comprendre que je voulais leur amitié », explique la photographe.

« Ils n’avaient jamais été photographiés et ne comprenaient pas ce que je faisais. Je ne voulais pas être envahissante », insiste-t-elle.

Pour mieux rendre compte de la dimension spirituelle des Yanomami, Claudia Andujar a même eu recours à des effets spéciaux, utilisant des pellicules infrarouges ou badigeonnant son objectif de vaseline.

« Elle a essayé de représenter des choses invisibles aux yeux des Occidentaux », explique à l’AFP Thyago Nogueira, de l’Institut Moreira Salles au Brésil, commissaire de l’exposition à la Fondation Cartier.

Avec environ 300 photos en noir et blanc datant pour la plupart des années 70 et 80, « Le combat des Yanomami » est la plus importante exposition temporaire de Claudia Andujar, qui espère rencontrer le président français Emmanuel Macron pour le sensibiliser à la cause des Yanomami.

« Ce n’est pas une journaliste qui raconte une histoire, ou une anthropologue qui analyse une société. Elle était en immersion totale et s’est sentie libre de faire des expériences », poursuit Thyago Nogueira.

Menaces grandissantes

Bien plus qu’une photographe, Claudia Andujar est devenue une militante, engagée dans la défense de la tribu qui compte au Brésil près de 27.000 membres dont le mode de vie est constamment menacé.

Dans les années 70, des autoroutes ont commencé à être construites sous la dictature militaire, sous prétexte de développer la région. Pour les Yanomami, ces grandes trouées dans la forêt n’ont apporté que maladies et destruction, avec notamment les intrusions d’orpailleurs.

« En utilisant son appareil photo comme une arme, Claudia a évité un génocide », estime Thyago Nogueira.

Avec le célèbre chaman Davi Kopenawa Yanomami, elle s’est battue pour que le territoire de ce peuple soit légalement délimité par le gouvernement, ce qu’ils ont obtenu en 1992.

Même si ces terres ont été ainsi sanctuarisées, les préoccupations ont repris de plus belle avec l’arrivée au pouvoir il y a un an du président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Lors de sa première année de mandat, la déforestation en Amazonie a presque doublé (+85%) par rapport à l’année précédente.

Mais c’est surtout son projet d’autoriser l’exploration minière et l’élevage extensif sur les territoires autochtones qui inquiète les Yanomami.

« Droit de vivre »

Avant de défendre cette tribu amazonienne, Claudia Andujar a vécu un terrible drame familial.

Son père, un Juif hongrois, a été tué dans un camp de concentration nazi en Pologne, ainsi que d’autres membres de sa famille. Elle a fui l’Europe durant la Seconde Guerre mondiale, vivant à New York avant de rejoindre sa mère suisse au Brésil en 1955.

De quoi renforcer sa détermination dans son combat pour protéger les Yanomami: « C’est une chose que je n’ai pas pu faire pendant la Seconde Guerre mondiale », déplore-t-elle.

Même si aujourd’hui elle marche difficilement et passe la plupart de son temps seule dans son appartement à Sao Paulo, Claudia Andujar reste mobilisée. « Ces gens ont le droit de vivre », dit-elle.

Sa dernière visite chez les Yanomami remonte à deux ans et elle ne sait pas quand elle pourra y retourner. « Je me fais vieille », admet la photographe.

© AFP

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