Brune Poirson, visage tranchant du projet de loi antigaspi

Brune Poirson

Brune Poirson en mai 2019 à Paris © POOL/AFP/Archives Ludovic MARIN

« Passionnée » et « combative » pour les uns, « clivante » voire « cassante » pour les autres, la secrétaire d’Etat Brune Poirson défend en première ligne le projet de loi antigaspillage et sa vision pragmatique de l’écologie.

Entrée au gouvernement dès juin 2017, cette Franco-Américaine de 37 ans a conservé son poste, malgré les départs de ses ministres de tutelle, de la démission fracassante de Nicolas Hulot au scandale emportant François de Rugy.

Désormais sous les ordres d’Elisabeth Borne, elle affronte les débats parlementaires parfois houleux sur le projet de loi de lutte contre le gaspillage. Le ton est monté en septembre au Sénat dominé par le droite, qui est hostile à une mesure clé, la consigne des bouteilles en plastique.

« Je suis jeune, je suis un peu idiote, j’ai moins d’expérience que vous, je ne suis pas politique », a fini par lancer ironiquement Brune Poirson, provoquant l’ire du centriste Hervé Maurey.

Elle fait face à « une forme de bizutage », mais « il ne faudrait pas que la psychologie parlementariste un peu basique l’emporte sur le fond », la défend l’ancien ministre Hubert Védrine, qui a accompagné ses premiers pas en politique.

Le socialiste préfère louer la « personnalité atypique » de la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, et « son expérience du terrain, dans un pays émergent », loin des « parcours de politiciens qui commencent par les manifestations lycéennes puis étudiantes ».

Car après une mission au Royaume-Uni au sein d’une fondation pour l’innovation (Nesta), cette amatrice de yoga – et de kung-fu plus jeune – a passé plusieurs années en Inde (2009-2014), d’abord au cabinet de Sam Pitroda, un conseiller du Premier ministre.

Elle y a ensuite travaillé pour l’Agence Française de Développement puis pour Veolia afin de développer « les réseaux d’accès à l’eau potable » face à des « mères de famille qui font des heures et des heures de marche et qui attendent autant pour avoir accès à l’eau ».

Ce passage chez un des géants de la gestion de l’eau qui a obtenu un « Prix Pinocchio » de l’ONG des Amis de la Terre, guère convaincue par les bonnes oeuvres indiennes de la « multinationale », lui vaut des critiques dans le milieu écolo.

« On m’a fait un procès en sorcellerie », rejette cette jeune mère d’une fille de 4 ans, jugeant « qu’on n’a plus le temps pour des combats idéologiques passéistes ».

« Monter dans les tours »

De retour en France, celle qui vota plus jeune pour François Bayrou s’engage auprès d’Emmanuel Macron, car « c’était quelqu’un – et je revendique cette naïveté-là – qui luttait contre la malveillance, la petitesse, le cynisme ».

Pour les législatives de 2017, la diplômée de la London School of Economics et de la Kennedy School de Harvard choisit le département où elle a grandi, le Vaucluse, et la 3e circonscription, l’ex de Marion Maréchal-Le Pen. Sitôt élue, elle est bombardée secrétaire d’Etat.

Au Palais Bourbon, les débats antigaspi en cours sont moins tendus qu’au Sénat. Mais Brune Poirson s’attire à nouveau les foudres des écologistes, avec le vote visant la disparition des emballages plastique à usage unique en 2040. « Trop tard » pour l’ONG WWF ou pour l’acteur à succès Pierre Niney, et de l' »incantation » selon la droite.

« J’aurais pu mieux me faire comprendre », reconnaît-elle. « Cela illustre la difficulté à mener la transition car ce serait mentir de dire que sortir du plastique jetable prend moins de vingt ans ».

Même chez les « marcheurs », la confrontation est parfois difficile avec les écolos « historiques » et leur vision plus radicale.

Et son style offensif agace certains. « Elle est trop dans l’attaque, pas convaincante », lâche une députée. « Être plutôt jeune et plutôt jolie, ça peut déchaîner les passions, mais ça n’explique pas tout. On ne peut pas dire qu’on change la planète à chaque fois qu’on défend la moindre belle idée ».

« Elle peut avoir un côté un peu irritant, une capacité à monter dans les tours, à en faire un peu trop », mais « elle bosse, elle est brillante », nuance une autre.

Et Brune Poirson de déplorer: « Chez un homme, on dit que c’est de l’autorité, de la poigne, une envie d’avancer; chez une femme, ça devient cassant ».

© AFP

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