A Oman, une eau dessalée (pas tout à fait) miraculeuse

usine de dessalement

Photo d'une usine de dessalement dans la cite portuaire de Sur, à Oman, le 27 novembre 2019 © AFP Sultan al-Hasani

« On a de l’eau, c’est le plus important », dit Abdallah Al-Harthy, un père de famille omanais: dans ce pays de la péninsule arabique, le dessalement a grandement allégé le quotidien de la population, même si cette technique a des limites, notamment environnementales.

A Sur, au sud de Mascate, l’eau du robinet vient de la grande usine de dessalement posée en bord de plage. Idem dans tout le reste du pays, sur impulsion du sultan Qabous -dont le portrait orne toutes les rues pour cause de fête nationale.

« Avant, c’était difficile, on avait des puits, l’eau était livrée par camions. Depuis les années 90, on a des canalisations et pas de coupure », décrit M. Al-Harthy, 58 ans, rencontré fin novembre par l’AFP.

Avec le réchauffement climatique, les étés s’allongent et les journées à 50°C se multiplient, relève cet ancien élève du Cadre noir de Saumur, prestigieuse école d’équitation française, aujourd’hui guide touristique: « sans eau, on ne pourrait rien faire ».

Dans la région de Sur, collée à la mer d’Oman, les lits des « wadis » (les rivières) débouchent de la montagne implacablement secs. Plus haut, de rares orages remplissent des retenues. Les nappes ont vu leur niveau baisser, et, dans ces régions pétrolifères jadis couvertes d’océans, elles sont souvent salées.

L’usine de dessalement a amené depuis dix ans un répit aux 600.000 habitants de la province. Opérée par le groupe français Veolia avec un groupe omanais, elle fournit 130.000 m3 par jour.

Sur ce site très protégé, notamment des cyber-attaques, un immense hall climatisé abrite, alignées, des colonnes de tubes contenant 12.000 « membranes », sorte de tissus chargés de polir l’eau.

« La technologie a progressé et le coût a été divisé par dix en 40 ans », souligne le PDG de Veolia, Antoine Frérot, en visite sur place. A la construction, il faut cependant compter environ 1.000 dollars par m3 d’eau.

Saumure et rejets

Ce marché, à 80% au Moyen-Orient, « repart, après cinq ans de creux lié à la baisse du prix du pétrole », souligne le patron du leader mondial des services à l’environnement. Un marché de plus en plus concurrentiel, incluant le grand rival Suez mais aussi des sociétés espagnoles, singapouriennes ou coréennes.

A Oman, Veolia a présenté sa dernière technologie, le « barrel », une grande citerne destinée à abriter les membranes dans une résine alvéolée: fini le grand hall et la climatisation.

Pour autant, le dessalement, toutes technologies confondues, a encore bien des impacts, d’abord sur l’environnement.

Selon une étude de l’Université des Nations-Unies au Canada, mondialement, ces usines produisent plus de rejets toxiques et de saumure que d’eau douce.

Le cas de Sur est particulier puisque l’on puise l’eau non en mer mais sous la plage, à 80 mètres dans les anfractuosités de la roche karstique, qui opère ainsi une pré-filtration.

« Cela permet quasiment de se passer de produits chimiques », explique le directeur opérationnel, Mahendran Senapathy.

Mais, pour l’extension du site, on n’a pu faire de même, faute de terrain.

Et puis que faire de la saumure, qui part aujourd’hui en décharge, ou en mer?

Le sel est trop peu cher pour être récupéré, estime M. Frérot, qui s’interroge en revanche sur la valorisation de l’iode et des algues.

Très énergivores, ces sites, alimentés au gaz voire au pétrole, sont aussi émetteurs de gaz à effet de serre. A Sur, l’usine s’apprête à accueillir une ferme solaire.

« Ces pays ont peu d’eau d’origine naturelle, en revanche ils ont de l’énergie. Le dessalement a donc été la voie privilégiée », explique Antoine Frérot, pour qui ce n’est cependant pas la solution miracle.

« Problème émotionnel »

Selon lui, « le recyclage des eaux usées est LA solution qui, sur le papier, résoud les problèmes de rareté. »

« Le re-use c’est moins cher », environ un tiers de moins que le dessalement, dit-il. « C’est une ressource qu’on peut utiliser plusieurs fois, qui évite les transports sur de grande distance et oblige à traiter les pollutions ».

Mais « la limite c’est l’acceptabilité culturelle. L’eau est un problème très émotionnel », ajoute-t-il, persuadé cependant que « ça va venir ».

Dans l’immédiat, les autorités omanaises envoient des messages sur la nécessité d’économiser, « ne pas laisser couler », « ne pas laver sa voiture tous les jours »…

Autre progrès possible: l’acheminement.

Cette eau dessalée, « on s’en sert pour la toilette, la cuisine, mais on ne la boit pas! », dit Abdallah Al-Harthy, en désignant « ce qui pose problème: les réservoirs sur les toits. »

Tradition toujours de mise, ces grands réservoirs de plastique blanc accueillent et stockent l’eau avant qu’elle descende au robinet. Résultat, potable en sortie d’usine, elle ne l’est souvent plus chez l’habitant.

© AFP

Ecrire un commentaire