La maladie des raies noires menace la banane

Fruit le plus populaire au monde, la banane est cultivée en France et ailleurs dans le monde. Toutefois, les bananeraies font face à de nombreuses menaces.  Jean-Michel Risede, Directeur de l’UPR Systèmes de cultures bananes, plantains et ananas au CIRAD, revient avec nous sur ce qui menace la banane, les moyens d’y faire face et le rôle des pesticides dans cette culture sensible.

On dit qu’il existe peu de variétés de bananes, est-ce vrai ?

C’est faux, puisqu’il existe plus d’un millier de variétés de bananes connues. Toutefois, peu d’entre elles sont consommées et commercialisées. Parmi celles-ci, les bananes Cavendish sont les plus répandues. Ainsi, la Cavendish Grande Naine constitue la variété de banane dessert la plus commercialisée au monde en raison de ses qualités gustatives et productives, mais aussi de ses qualités fonctionnelles, à savoir son aptitude à bien voyager en cartons durant la douzaine de jours que peut durer une traversée de l’océan par bateau, entre la bananeraie et les étales des magasins.

Ce manque de variété dans la culture ne présente-t-il pas un danger ?

Le fait de cultiver, majoritairement, dans le temps et dans l’espace  une variété unique crée un risque accru de vulnérabilité aux bioagresseurs (pathogènes et ravageurs). Ce risque est bien connu en agriculture, et en particulier pour les bananiers qui croissent généralement dans des milieux chauds et humides. C’est ainsi qu’au début des années 1960, il a fallu opérer un changement en remplaçant la variété phare de l’époque, la Gros Michel, par la Cavendish car la première était très sensible à une maladie d’origine tellurique, la maladie de Panama. A l’inverse la Cavendish était résistante à cette maladie. Mais l’histoire se répète. la Cavendish est sensible à une grave maladie foliaire connue sous le nom de la maladie des raies noires (aussi appelée ou Cercosporiose noire).

Qu’est-ce que cette maladie des raies noires ?

Il  s’agit en fait d’une maladie causée par un champignon pathogène disséminé par le vent et la pluie. Il s’attaque aux feuilles des bananiers et entraîne de grandes pertes de rendements, sa présence se traduisant par une maturation précoce et une baisse de la qualité des bananes récoltées, ce qui les rend impropres à la commercialisation et à la consommation. Largement répandu dans le monde, ce champignon a été signalé pour la première fois en Martinique en 2010, et à la Guadeloupe en 2012.

Qu’est-il possible de faire contre ce champignon ?

Pendant longtemps, la lutte s’est focalisée sur les seuls traitements fongicides. Ils peuvent s’envisager soit de manière quasi systématique (1 à 2 fois par semaine dans la bananeraie tout au long de l’année), soit, comme nous le préconisons, de manière plus raisonnée, sur avertissement quand l’évolution de la maladie le nécessite. Aujourd’hui au CIRAD, pour réduire l’usage des pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, nous privilégions la protection intégrée des cultures, qui inclut également, en vue de la maîtrise de la maladie des raies noires, le recours à des techniques culturales d’effeuillage sanitaire. Nous travaillons de plus à la mise au point de nouvelles variétés de bananes résistantes à la Cercosporiose Noire. Nous disposons de variétés candidates (par exemple la variété CIRAD 925) mais pour lesquelles il reste encore des difficultés à résoudre, notamment sur la qualité des fruits et leur aptitude au transport et à la commercialisation. Nous espérons ainsi, en lien avec les producteurs, pouvoir dans les prochaines années, proposer une nouvelle variété résistante à la Maladie des Raies Noires, qui soit apte au transport international.  

Où en est la France de son objectif de réduction des pesticides de 50 % dans les cultures de bananes entre 2008 et 2013 ?

Cet objectif a été atteint dès 2011, dans le cadre d’un plan d’innovation appelé le « Plan Banane Durable » porté par la filière antillaise de production, le CIRAD, les pouvoirs publics. Ce plan a permis de commencer à modifier les pratiques agricoles en privilégiant des stratégies de culture agro-écologique.  Nous sommes parvenus à réduire de 70 % l’usage des pesticides. Ainsi, pour lutter contre les nématodes parasites des racines du bananier (des vers microscopiques) nous avons privilégié le couplage de l’assainissement des sols par des jachères ou des rotations de cultures assainissantes et celui de matériel sain de plantation (vitroplants). Dans le même temps, avec les producteurs et la filière nous avons développé des plantes de service dans les bananeraies afin de faire réintroduire de la biodiversité dans les bananeraies pour contrer les ravageurs et empêcher la prolifération des adventices (mauvaises herbes).

Où en est-on du dossier de la Chlordécone, ce pesticide toxique longtemps employé dans les bananeraies ?

Ce pesticide est interdit en France depuis plus de 20 ans. C’est une molécule fortement rémanente (persistante) qui pollue les sols et les eaux. L’étude de son impact sur l’environnement et la santé des populations humaines ou animales est en cours, plusieurs études toxicologiques et épidémiologiques étant lancées afin d’évaluer ses impacts (ANSES, INSERM, …). La recherche agronomique travaille surtout à des stratégies de gestion des pollutions de l’environnement. Pour lutter contre le charançon du bananier contre lequel il était employé auparavant, on privilégie aujourd’hui une lutte intégrée reposant sur une destruction précoce des résidus de la culture précédente, l’utilisation de phéromones pour le monitoring des populations ou pour le piégeage de masse, et l’utilisation de vitroplants.


La banane dans le monde et en France

La banane est un fruit cultivé dans les régions tropicales, subtropicales et équatoriales. Originaire d’Asie du sud-est, ce fruit est consommé partout dans le monde. Entre 130 et 140 millions de tonnes de bananes sont actuellement produites dans le monde. C’est le fruit le plus mangé au monde devant la pomme, l’orange et le raisin. Près de 67 millions de tonnes de bananes dites dessert sont cultivées dans le monde. Cette banane dessert, c’est celle que tout le monde connait. 17 millions de tonnes font l’objet d’un commerce international (export). En France, les Antilles produisent 250 000 tonnes de bananes et ce secteur emploie 10 000 personnes (emplois directs et indirects). Le saviez-vous ? L’île de  Jersey exporte des bananes.


Propos recueillis par Julien Leprovost

3 commentaires

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  • […] Fruit le plus populaire au monde, la banane est menacée. Jean-Michel RISEDE, du CIRAD, revient sur les moyens de protéger ce fruit tout en limitant l'usage des pesticides  […]

    • Njanga

    Bonjour, s’il vous plait ,j’aimerais savoir:
    -quelles sont les différentes pestes qui attaquent les bananes?
    -les pesticides chimiques conventionnels
    -les différents agents de lutte biologique
    -les biopesticides que nous pouvons utiliser
    -quelques méthodes culturales
    Merci

  • […] Fruit le plus populaire au monde, la banane est cultivée en France et ailleurs dans le monde. Toutefois, les bananeraies font face à de nombreuses menaces.  Jean-Michel Risede, Directeur de l’UPR Systèmes de cultures bananes, plantains et ananas au CIRAD, revient avec nous sur ce qui menace la banane, les moyens d’y faire face et le rôle des pesticides dans cette culture sensible. Une interview sur la banane donc. […]