Manger tue

Dimanche 2 février a eu lieu le Super Bowl, la finale de la ligue de football américain. Durant cette seule journée, les téléspectateurs américains ont mangé 1,3 milliards d’ailerons de poulet.

C’est un nombre dément, difficile à se représenter concrètement, mais qui illustre combien notre société et notre vie quotidienne reposent sur le massacre à grande échelle des animaux. Combien est-ce que cela fait au niveau de la planète ? La FAO ne compte pas en nombre d’animaux mais en tonnes de viande. 301 millions en 2012. Dont environ 100 millions de tonnes de volaille, soit … 86 milliards de poulets, 4 milliards de canards et 1 milliard de dindes tués en une année.

Chacun est plus ou moins au courant, et chacun peut se faire une idée de la réalité d’un abattoir, même si les images sont rares. Mais en général, on change vite de sujet. On détourne mentalement les yeux de ce sujet inconfortable.

D’une certaine manière, c’est comme avec le tabac. Chacun sait que c’est un poison, c’est marqué sur chaque paquet de cigarettes : « Fumer tue ». Il y a des images atroces de poumons nécrosés, de bouches déformées, … mais cela n’empêche personne de prendre une cigarette et de l’allumer. Eh bien, Manger tue. Et manger tue même dans des conditions terribles, dans la quasi totalité des cas – il existe des éleveurs qui, à contre-courant des pratiques usuelles, font très attention aux conditions de vie de leurs animaux, et à la manière dont ils les tuent. Manger de la viande, c’est donc, dans la plupart des cas, participer un peu à ce système infernal. Chacun le sait mais cela n’empêche pas grand monde de croquer dans un steak.

Pour autant, condamner celles et ceux qui mangent de la viande est à la fois déplacé et contre-productif. D’abord parce que juger les autres est une posture faussement confortable. Mais aussi, et surtout, parce qu’il ne s’agit pas d’être ou de ne pas être végétarien. Ce n’est pas une question en tout ou rien. Manger un peu moins de viande, ce serait déjà bien. Et encore une fois, il existe des éleveurs exemplaires.

Comme avec les cigarettes, les habitudes de pensée font long feu. Comme pour la cigarette, aussi, les forces démesurées des lobbys freinent les changements. Et chacun sait aujourd’hui à quel point l’industrie du tabac a faussé le débat public. Mais les mentalités changent : allumer une clope au milieu d’une salle de classe n’est plus possible aujourd’hui ; c’est même choquant. Alors que c’était normal il y a 20 ans.

Reste que dans un pays de gastronomie comme la France, où le repas n’est pas seulement une activité biologique nécessaire, mais un fondement de notre vie collective, il faudrait pouvoir réfléchir et discuter de notre nourriture et de la manière dont elle est produite. Or, c’est étonnamment difficile. On passe vite pour un hurluberlu quand on discute en société du végétarisme.

La question de notre alimentation et du statut de l’animal commence doucement à sortir des limbes de notre esprit ou du débat public. C’était, entre autres, l’un des enjeux et l’un des intérêts du colloque « Nous et l’Animal », organisé par Ecolo-Ethik au Sénat (dans lequel Yann Arthus-Bertrand est intervenu, parmi de nombreuses personnalités).

A cette occasion, Yann a annoncé avoir écrit une lettre au Président de la République François Hollande, pour lui proposer, pendant la grande conférence internationale sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015, de symboliquement changer l’alimentation des délégués : de faire des buffets végétariens, bio et local.

Car pour reprendre les mots de Rajendra Pachauri, co-président du GIEC et à ce titre prix Nobel, le geste le plus efficace et le plus simple que peut faire chaque citoyen pour lutter contre le réchauffement climatique est de manger un peu moins de viande chaque semaine.

Ce prochain sommet international de 2015 serait non seulement l’occasion de l’affirmer haut et fort, mais aussi de le mettre en pratique.

 

Olivier Blond

9 commentaires

Ecrire un commentaire

    • xenia

    Entièrement d’accord. Encore faut-il expliquer comment se nourrir autrement. Le secret est : 20% de legumineuses pour 80% de céréales.

      • mad

      C’est plûtot le contraire

    • Dowdell

    Ecoeurant….je reviens d une croisière et de voir ces gens, déjà obeses, s ’empiffrer des le petit déjeuner sans parler de tout ce qui est laisse sur les assiettes est une honte mais plus encore dénonce un monde en fin de vie, en totale décomposition qui ne respecte rien….même pas eux mêmes alors la nature et les animaux !!!

    • Christine Bisson

    Félicitation pour votre site et le beau travail que vous accomplissez!. En ce moment ce que je peux faire c’est de partager tous les articles sur FB. Je crois qu’a la longue les gens vont commencer a  »réfléchir ». Ca prend toujours un certain temps pour changer les habitudes et croyances des gens. Mais c’est avec des gens comme vous et moi qui vont faire qu’un jour ils s’en ajouteront. De toute facon, les gens qui ne respectent pas les loi de la vie….disparaissent d’eux même : cancer etc.

      • GoodPlanet

      Merci Christine.
      Diffuser nos idées, c’est les faire avancer un petit peu !
      Cordialement.
      Olivier – GoodPlanet

  • […] Manger tue | Magazine GoodPlanet InfoMagazine GoodPlanet Info […]

  • […] Lire la suite de l’article sur GoodPlanet Info […]

    • René OUEDRAOGO

    Merci à l’équipe de GP qui joue la veille mondiale contre les abus de tous genres et nous en alerte régulièrement. Que pense la FAO , le PAM, l’UNICEF, le HCR et tous ces organismes onusiens qui crient chaque jour à la paupérisation et à l’exclusion de centaines de millions de citoyens de ce même monde alors que sous leur nez et à leur barbe se pratiquent le gaspillage et la mal bouffe? Que font-ils pour discipliner ces GARGANTUA qui engloutissent des milliards de tonnes de viande et d’animaux en douze mois alors qu’ils sont prédisposés à vivre plusieurs années, donc à aggraver leur consommation en rapport avec les besoins élémentaires du reste de la planète?
    Courage à YANN ARTHUS et à ses braves collaborateurs pour leur clairvoyance et leur abnégation à toujours défendre l’équilibre du monde contre les prédateurs de tout acabit!

  • […] Pendant la finale du Super Bowl, les Américains ont mangé 1,3 milliards d’ailerons de poulet. Notre société repose sur le massacre à grande échelle des animaux.  […]