La glace et le ciel, un hommage à Claude Lorius et à l’Antarctique

la glace et le ciel
Claude Lorius à gauche en compagnie de Luc Jacquet à droite © Marc Perrey/Wild Touch

La Glace et le ciel est le nouveau film documentaire de Luc Jacquet, le réalisateur de la Marche de l’empereur. Avec ce documentaire, il rend enfin hommage au découvreur du réchauffement climatique, Claude Lorius. Il est l’un des plus grands glaciologues du XXème siècle, il a prouvé, en 1987, que les rejets de CO2 dans l’atmosphère par l’activité humaine étaient responsables du réchauffement climatique. A l’occasion de la sortie du film, nous revenons avec lui sur son parcours. Le film est dans les salles depuis le 28 octobre et sera diffusé à la télévision courant 2016.

Le film retrace son histoire. La caméra nous fait retourner avec lui sur les terres les plus hostiles de la planète, le Pôle Sud. Le film montre des images époustouflantes de cet horizon de blanc immaculé où le froid peut attendre -90° et le vent dépasser les 300 km/h. Le message du film est limpide, il est temps d’agir et de répondre au plus grand défi de l’homme : enrayer le réchauffement climatique.

L’Antarctique contient les archives climatiques du monde

« Je n’étais pas retourné en Antarctique depuis longtemps, car physiquement je n’étais pas en état, et puis, à 70 ans, j’avais un peu perdu la mémoire. Alors, le fait d’y retourner, de regarder les photos de cette époque, les textes que j’avais écris, cela m’a redonné vie ! », s’exclame Claude. Lorius. Le film combine les images d’archive avec des prises de vue récentes, lesquelles montrent un scientifique au pas hésitant qui marche une nouvelle fois sur ces terres du bout du monde, ces terres qu’il aime passionnément.

L’épopée scientifique a commencé il y a 60 ans en Antarctique. Claude Lorius a 23 ans, il est étudiant en sciences physiques à Besançon. Il embarque alors avec des pontes de la science polaire, et il va vivre pendant un an, sur la base Charcot, à 300 km des cotes, avec 2 hommes. Tous trois s’installent dans un terrier de 24m2 où un poêle peine à maintenir un petit 8° à l’intérieur. Ils doivent lutter contre les éléments : la neige qui recouvre et enterre leur matériel, le vent qui détruit leur station météo, la nuit polaire qui les isole totalement et le froid glacial qui rend tout effort surhumain. Chaque homme a alors une mission, Roland Schlich s’intéresse aux champs magnétiques, Jacques Dubois étudie la pression atmosphérique, les vents et l’humidité de l’air, Claude Lorius, doit répondre à une question, pourquoi fait-il si froid ici ?

« J’ai passé une bonne année là-bas. Ensuite il fallu revenir et analyser les échantillons de glace prélevées et j’ai compris qu’on tenait quelque chose d’incroyable dans l’histoire scientifique. De l’aventure je me suis passionné pour la recherche, l’Antarctique contient les archives du climat et de l’atmosphère terrestre, un trésor qui n’existe nul par ailleurs.  »

Claude Lorius a eu une intuition formidable, dans les couches de glace accumulées au fil des années et des siècles sur le continent Antarctique s’inscrit l’histoire du climat. La composition chimique de la neige change en fonction de la température à laquelle elle s’est formée. En Antarctique la neige atteint entre 2km et 5km d’épaisseur. Claude Lorius précise : : « La terre n’a qu’une atmosphère, quand on fait quelque chose dans le monde cela peut atteindre l’ensemble de la planète » Si on prélève de la glace située 2 mètres sous nos pieds on trouve dans les cristaux de neige l’impact des essais thermonucléaires des années 50, si on descend à 13 mètres on observe des traces d’éruptions volcaniques qui ont eu lieu en 1810 et 1815 en Indonésie…

Il part ensuite pour la Terre Adélie dans le cadre d’un programme international. 8 hommes entreprennent un raid de 2500 km à travers le continent Antarctique, ils déjouent les crevasses et découvrent une gigantesque montagne, dont un des sommets se nomme désormais le Mont Lorius. Un soir, l’équipe trinque à l’arrivée d’un scientifique Australien, et décident de prendre la glace forée pour faire office de glaçons. Claude Lorius observe alors de fines bulles d’air contenues dans les glaçons qui remontent à la surface. Ces bulles ont capturé l’air du passé ! C’est une révélation et le début d’une vie dédiée à la traque de ses petites bulles. Des bulles qui révèlent le volume de CO2 ou la température de la terre à une date T.

La preuve que le réchauffement climatique est le fait de l’homme

Pendant 20 ans, Claude Lorius va forer la glace de l’Antarctique pour comprendre. En 1987, il publie avec Jean Jouzel et leur équipe du Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de Grenoble trois articles retentissants dans la revue scientifique Nature. Ils ont remonté 160 000 ans d’histoire du climat, ont prouvé que la conteneur en CO2 de l’atmosphère avait augmenté rapidement depuis le milieu du XIXe siècle, soit le début de l’ère industrielle. La température, en corrélation, avait augmenté aussi, ils ont ainsi démontré que les deux sont irrémédiablement liés. Les activités humaines rejettent plus de CO2 que la terre ne peut en absorber. Le climat de la terre change à un rythme jamais vu.

Depuis, les causes du réchauffement climatique ne font plus aucun doute et des scientifiques continuent d’étudier l’Antarctique pour anticiper l’évolution du climat. Ils ont réussi à remonter 800 000 ans d’histoire climatique. Il commente : « « Il y a encore plein de choses à faire. Les ressources des glaces de l’Antarctique sont loin d’avoir tout dit.»

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Claude Lorius © Wild Touch

Claude Lorius est un optimiste, il est persuadé que l’homme a les ressources pour inverser le cours de choses et endiguer le réchauffement climatique. Par ses travaux, et ce projet, il entend poser sa pierre à l’édifice. Il réalise l’ampleur de la tâche : « Les présidents veulent s’occuper du climat, c’est une satisfaction, on y est pas encore mais il y a enfin une prise de conscience globale. Il faut faire des choses maintenant mais on ne bouleverse pas le monde avec un clic sur Internet, cela ne va pas se faire sans douleur, sans changement de vie pour certain, en particulier pour les riches. »

Après l’ère de l’anthropocène, celle où l’homme est devenu le maître, où l’homme modifie à outrance son environnement, viendra peut-être un temps où l’homme deviendra plus respectueux de la terre. « Il faudra trouver un nom à cette ère, peut être le monde de la concorde, de la paix, des citoyens… il faut trouver mais surtout agir ! »

Caroline Amiard

2 commentaires

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    • Ferreyra

    quel drame qu’un tel film ne puisse pas être diffusé davantage….
    la dure loi du business…

    • claude denier

     » La température, en corrélation, avait augmenté aussi, ils ont ainsi démontré que les deux sont irrémédiablement liés »
    Pour ceux qui ne la savent pas l’augmentation de CO2 suit l’augmentation de température .
    * Indermühle et al. (Geophysical Research Letters, vol. 27, p. 735, 2000)
    * Fischer et al. (Science, vol 283, p. 1712, 1999)
    * Siegenthaler et al. (Science, vol. 310, p. 1313, 2005)
    * Monnin et al. (Science vol 291, 112, 2001)
    * Lowell Stott et al (Science, Published online 27 September 2007 [DOI: 10.1126/science.1143791] )
    * Caillon et al. ( Science 14 Mars 2003 299: 1728-1731 [DOI: 10.1126/science.1078758] (in Reports)
    * Tierney et al, (Science 10 octobre 2008, vol 322, 252-255) Sédiments du Lac Tanganyika : retard CO2/ réchauffement de 3000 ans
    Quant aux scientifiques , toujours les même ayatollahs , Jouzel , Schmitt et autres .