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Chronique BD : Démontagner de Maxim Cain, un autre regard sur le métier de berger

démontagner maxim cain

La couverture de la bande-dessinée Démontagner de Maxxim Cain - Actes Sud

GoodPlanet Mag’ propose des chroniques sur les livres, films, documentaires, expositions en rapport avec les thématiques de l’écologie et du vivre-ensemble. Découvrez-les dans notre rubrique nos chroniques culturelles. Cette semaine, notre chroniqueuse, propose de découvrir la bande-dessinée Démontagner de Maxim Cain. Pour son premier album, le dessinateur y raconte le quotidien de la vie de berger dans les alpages.

Dans le débat sur l’élevage et la place du pastoralisme, la bande-dessinée Démontagner, de Maxim Cain, publiée chez Actes Sud en septembre 2025, apporte un éclairage précieux et nuancé. Cet ouvrage autobiographique nous plonge dans le quotidien d’un berger des Pyrénées ariégeoises, révélant l’art d’un métier souvent mal connu.

Maxim Cain
Maxim Caun, auteur de Démontagner © Fabien Ducrot. / Actes Sud

« C’est complètement par hasard que j’ai appris que l’on pouvait exercer ce métier », confie Maxim Cain, artiste originaire des Pyrénées en parlant du métier de berger. Il s’est engagé dans ce qui allait devenir bien plus qu’un « job d’été ». Il pensait d’abord y trouver un simple emploi saisonnier qui lui permettrait de financer son travail de dessinateur. Pendant dix ans, il a gardé des troupeaux de brebis ou de vaches de juin à octobre. Le jeune homme, formé aux beaux-arts, a tiré de son expérience de berger salarié son premier album de BD. Cette dernière témoigne de son vécu à surveiller un troupeau dont il n’est pas le propriétaire, une expérience qui l’a conduit à faire évoluer son regard et ses idéaux.

Berger, un métier loin des clichés

À travers des planches à l’encre de Chine d’une beauté sobre, Maxim Cain défait l’image du berger oisif, somnolant sur la rive d’un cours d’eau. Son récit révèle en effet un métier exigeant, où chaque journée demande vigilance et efforts physiques. Les tâches, nombreuses, parfois imprévues se succèdent : surveiller les bêtes, les protéger des prédateurs, les soigner, parfois en achever, chercher celles qui se sont perdues.

 

Planche extraite de la bande-dessinée Démontagner de Maxim Cain © Maxim Cain / Actes Sud

« Enmontagner », ce qui veut dire monter dans les alpages avec le troupeau, en juin et « démontagner », redescendre dans la vallée, en octobre, inscrivent l’activité dans un système agricole extensif respectueux des rythmes naturels. Maxim Cain reconnait cependant que cette activité d’altitude « est quand même très liée à un système agricole qui a ses défauts et ses contraintes ». L’auteur souligne que, même en montagne, le berger reste connecté aux réalités économiques, sociales et environnementales. La démarche de l’auteur est de « raconter la richesse » du métier sans le romancer. Cette volonté de sincérité renforce la portée de son témoignage.

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Et bien sûr, le métier de berger reste un travail en extérieur, en montagne, souvent seul et face aux éléments et aux prédateurs. Il s’accompagne, selon Maxim Cain, d’idées parfois erronées tant sur la pratique que sur les valeurs. « Les gens ont plein de clichés sur le métier de berger. Dessinateur de BD et berger sont deux métiers très solitaires. Berger est un métier qui nous fait se confronter à la rudesse. J’ai eu peur de l’orage, des ours… J’ai aussi été confronté à la mort des bêtes », confie Maxim. Puis, il ajoute : « les valeurs viriles, le fait d’être capable d’endurer de grosses difficultés, de marcher toujours plus longtemps, plus haut, se confronter à la violence sans problème sont très valorisés. Moi, je voulais casser cette vision et montrer qu’on peut être gardien de troupeau et avoir peur de l’orage ou être fatigué. »

Planche extraite de la bande-dessinée Démontagner de Maxim Cain © Maxim Cain / Actes Sud

Toutefois, au-delà de cette réalité, Démontagner illustre avec justesse le rôle écologique fondamental du pastoralisme. En menant ses 800 brebis, le berger participe de façon essentielle à l’entretien des espaces montagnards. Cette pratique de la transhumance estivale permet de maintenir ouverts les milieux d’altitude, favorisant ainsi la biodiversité et prévenant l’embroussaillement qui augmente les risques d’incendies et appauvrit les écosystèmes.

Une connaissance intime de la montagne

L’auteur raconte aussi comment le métier de berger donne une connaissance intime du territoire : apprendre à nommer chaque montagne et quelques animaux individuellement, à suivre des traces, à utiliser ses cinq sens. Cette relation sensible à l’environnement s’oppose radicalement aux logiques productivistes de l’élevage intensif.

Planche extraite de la bande-dessinée Démontagner de Maxim Cain © Maxim Cain / Actes Sud

La solitude inhérente au métier n’est pas seulement une contrainte personnelle. Elle se montre aussi le révélateur d’un décalage profond entre la vie d’en-bas et la vie d’estive. Dans une société majoritairement urbaine largement déconnectée des réalités agricoles, le témoignage de Maxim Cain devient d’autant plus précieux. « Le noir et blanc correspond bien au sujet et à la nature austère et brumeuse de ces montagnes du Couserans », affirme l’auteur de Démontagner. Son reportage graphique est réalisé entièrement au stylo plume et à l’encre de Chine.

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Démontagner nous rappelle finalement que la préservation des pratiques pastorales d’altitude ne relève pas du folklore, mais constitue un enjeu environnemental majeur. Dans un contexte où les espaces montagnards sont menacés par la déprise agricole d’un côté et la surfréquentation touristique de l’autre, le travail patient et solitaire des bergers comme Maxim Cain apparaît comme une forme de résistance.

Par Anna Petibon Fejoz, notre stagiaire de troisième, avec Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

Démontagner, par Maxim Cain, Actes Sud

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