Comment savoir si la pratique du télétravail bénéficie à l’environnement ?

télétravail impact écologique

Une personne en télétravail © OleksandrPidvalny / Pixabay

Entré dans les habitudes de nombreux actifs mais faisant l’objet de remises en cause, le télétravail continue de susciter des interrogations sur ses bienfaits en termes d’efficacité, de qualité de vie et d’écologie. Concernant la portée écologique de la pratique, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) propose des pistes de réponse par le biais d’un calculateur et d’une note titrée « Comment faire du télétravail un vrai atout pour le climat ? » publiée en novembre 2025. Déterminer si le télétravail profite à l’environnement reste une question ouverte. Y répondre se montre complexe, car cela dépend des situations individuelles. Pourtant, le travail à distance profite clairement au climat dans certaines conditions.

L’intérêt principal du télétravail réside dans la réduction des trajets domicile-travail. En France, les émissions liées aux transports (personnes et marchandises) représentent un tiers (32 %) des émissions de gaz à effet de serre. Or, les trois quarts des déplacements domicile-travail s’effectuent en voiture. Leur distance varie selon les régions et les milieux urbains ou ruraux.

Un calculateur pour mesurer les avantages écologiques du télétravail sur l’empreinte carbone

Tout le monde peut dorénavant employer le calculateur Télétravail Mesurer les économies de carbone réalisées grâce au télétravail proposé par l’ADEME et intégré ci-dessous. Très simple d’utilisation, il suffit d’y saisir son adresse, celle de son lieu de travail, son moyen de transport et le nombre de jours hebdomadaires de présentiel/distanciel. Le calculateur donne alors les émissions des déplacements, les émissions de gaz à effet de serre évitées grâce au télétravail. De plus, les résultats fournis par le calculateur mettent en perspective le bénéfice du télétravail par rapport à l’empreinte carbone moyenne d’un Français ou d’une Française. Ce qui permet à tout le monde d’évaluer la portée de ce geste pour le climat.

Le calculateur Télétravail Mesurer les économies de carbone réalisées grâce au télétravail extrait du site sur le site Impact CO2 de l’ADEME

Par exemple, pour un trajet d’une vingtaine de kilomètres (la distance moyenne parcourue en Ile-de-France pour aller travailler), le télétravail peut se révéler un facteur considérable de baisse de l’empreinte carbone individuel d’une personne sous certaines conditions. Une personne conduisant une voiture thermique, qui reste chez elle travailler deux jours par semaine, économise 680 kg/CO2 par an grâce au travail à domicile. Elle émet environ 1350 kg/CO2 pour se rendre sur son lieu de travail 3 jours par semaine. Selon le calculateur de l’ADEME, dans ce cas de figure, la réduction des déplacements permise par le télétravail représente tout de même 7,5 % de l’empreinte carbone moyenne d’une personne résidant en France. Bien sûr, en transport en commun, en véhicule électrique ou à vélo, l’empreinte carbone de la mobilité diminue à la source et les bénéfices climatiques du télétravail s’estompent. Le même trajet en train revient à émettre 60 kg/CO2 par an et permet d’éviter 31 kg/CO2 par an. « Les bénéfices environnementaux du télétravail sont appelés à diminuer avec le temps, à mesure que le parc automobile s’électrifiera et que la performance énergétique des logements s’améliorera », affirme Erwann Fangeat, coordinateur technique au service sobriété numérique de l’ADEME.

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Un bienfait climatique avéré du télétravail sur les déplacements, un bilan plus contrasté sur d’autres dimensions

L’ADEME a établi dix scénarios sur l’évolution des pratiques du télétravail dans le projet « IT4Green » (le numérique pour verdir) qui « vise à identifier les solutions numériques qui pourraient avoir des impacts environnementaux nets positifs dans le contexte français ». Il en ressort qu’en cas de généralisation de la pratique du travail à distance, il y aurait un réel bénéfice dans la diminution des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports d’ici 2035. En effet, la mobilité en France dépend encore fortement du pétrole, 9 voitures sur 10 roulent encore à l’essence ou au diesel dans le pays. L’ADEME souligne de plus que la généralisation du télétravail permettrait des économies sur la consommation d’énergie des bâtiments et des locaux à usage professionnel. L’agence déplore néanmoins que travailler de chez soi ne rime pas encore avec sobriété, notamment sur le numérique, car « le télétravail s’accompagne souvent de l’achat d’équipements supplémentaires (ordinateurs, écrans, mobilier), dont la fabrication est gourmande en matières premières et en eau ».

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Le télétravail est actuellement pratiqué par une personne sur 4. Cependant tous les métiers ne le permettent pas, ni tous les employeurs. C’est pourquoi le télétravail devient aussi un révélateur des inégalités puisqu’il reste bien souvent l’apanage des plus favorisés. Plus de la moitié des télétravailleurs (61%) sont des cadres alors que ces derniers, qui représentent seulement 17 % des actifs, habitent souvent en centre-ville. Ils parcourent alors des distances moindres pour se rendre à leur bureau. « Le télétravail est une piste d’action souvent envisagée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des déplacements domicile-travail d’une structure », explique Maud Doublet qui s’occupe de l’accompagnement des organisations au sein de MyPlanet. Toutefois, dans le bilan carbone, les émissions liées aux déplacements des salariés pour venir au travail sont considérées comme des émissions indirectes, dites de scope 3.

Capture d’écran d’une infographie issue du sire Internetde la DARES sur qui sont les télétravailleurs en France en 2024. Page Télétravail : évolution des pratiques et conditions de travail. DR DARES

« Les effets indirects peuvent neutraliser une partie des bénéfices », prévient Erwann Fangeat. Le télétravail porte en lui des possibles effets négatifs sur l’environnement, comme le fait d’inciter à vivre plus loin de son lieu de travail. Ce qui aboutit par conséquence à allonger les distances, à en profiter pour habiter plus loin, voire à se doter d’une résidence secondaire, dans des logements plus spacieux et parfois plus énergivores. Au niveau local, il peut également remodeler l’organisation des lieux de vie, modifier la physionomie des commerces et des services présents sur un territoire. L’ADEME liste ainsi les potentiels désavantages du travail à la maison : « travailler chez soi induit souvent une hausse du chauffage, surtout en hiver, des achats de mobilier ou d’équipements informatiques, mais aussi des déplacements annexes (courses, école) ou même des déménagements vers des zones plus éloignées. Ces changements peuvent atténuer, voire annuler une partie des gains. »

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Ne pas oublier l’humain et organiser le télétravail

« Les bénéfices sur la qualité de vie et l’environnement sont confirmés, mais on a parfois tendance à oublier les effets rebonds qu’ils représentent. Ceux du télétravail sont liés à l’achat supplémentaire de matériel ou encore l’ajustement du chauffage en hiver par exemple. Aussi, pour garantir les bénéfices du télétravail dans le temps, il est essentiel de le coupler avec une intensification des usages des bâtiments de bureaux, une rénovation thermique du parc immobilier et un usage raisonné des outils numériques d’une part », réagit aux travaux de l’ADEME Julie Mathews, directrice de l’accompagnement des organisations au sein du programme MyPlanet de la Fondation GoodPlanet. Elle note également la nécessité d’éviter que le télétravail n’aboutisse à une distanciation des relations humaines au sein des organisations : « d’autre part, il faut veiller à la mise en place de rituels ou de moments forts au sein de l’organisation pour maintenir la culture d’entreprise ainsi que le lien social. »

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Enfin, l’ADEME évalue le télétravail comme une opportunité de réduction de l’empreinte climatique, à condition d’être organisé tant collectivement qu’individuellement. L’agence rappelle quelques conseils « pour alléger les infrastructures et consommer moins d’énergie : mettre les adresses web fréquemment consultées en favoris, fermer les onglets non utilisés, alléger les échanges sur messagerie, faire le ménage dans sa boîte mail, limiter le poids des réunions en ligne, faire le ménage dans le Cloud, modérer le streaming vidéo, éviter les connexions en 4G/5G sur les téléphones portables, modérer les transferts automatiques de données des téléphones portables et ne pas oublier d’éteindre son ordinateur en fin de journée ». Une fois de plus, face à une révolution rendue possible par la technique, une partie de son impact sur l’environnement et la société dépendra de la manière dont chacune et chacun s’emparera des outils. Pour amorcer une transition, la technologie seule ne suffit généralement pasbien qu’elle permettre d’être plus efficace, il faut par ailleurs arriver à repenser les comportements et les usages.

 Julien Leprovost

Article édité le mercredi 26 novembre à 17h05 afin d’apporter une précision sur la prise en compte des trajets domicile-travail dans le bilan carbone.

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Pour aller plus loin

Le calculateur Télétravail Mesurer les économies de carbone réalisées grâce au télétravail extrait du site sur le site Impact CO2 de l’ADEME

Le Calculateurs carbone de la Fondation GoodPlanet

Comment faire du télétravail un vrai atout pour le climat ? – ADEME Infos

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Télétravail : évolution des pratiques et conditions de travail | DARES

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