Il serait possible de diminuer drastiquement l’utilisation de la voiture individuelle partout en France en 10 à 20 ans en misant sur le renforcement d’une offre de transport collectif de qualité et l’intermodalité, soit la complémentarité entre la marche, le vélo et les transports en commun. C’est ce qu’affirme une étude prospective titrée Système alternatif de mobilité Être libre de se déplacer sans voiture sur tous les territoires ! conduite par le groupe de réflexion Forum Vies Mobiles créé par la SNCF. Le rapport a été rendu public courant septembre. Le sujet de la place de l’automobile dans la société française reste inflammable, pourtant les auteurs de l’étude proposent des pistes pour sortir du système tout voiture. Ils reconnaissent néanmoins que l’objectif de se passer de la voiture sur l’ensemble du territoire est ambitieux, car jusqu’à maintenant : « en dehors de quelques centres villes, il est aujourd’hui presque impossible de se passer de voiture. Or, loin de garantir la liberté de tous, ce système exclut : seuls 12 % des Français se disent libres de conduire où et quand ils veulent. »
Un modèle de mobilité alternatif : moins de voitures sur les routes pour limiter l’impact sur les ressources naturelles
Les membres du Forum vies mobiles estiment qu’il faut revoir le sujet de la mobilité en partant des besoins et des pratiques réels. Deux erreurs seraient dès lors récurrente dans la manière d’appréhender les politiques de mobilité. La première serait qu’elles ne sont pas envisagées de façon systémique sur l’ensemble du territoire, comme c’est le cas pour les politiques en faveur du vélo qui dépendent de chaque collectivité. La seconde serait de croire que, en matière de mobilité, « les pratiques reflètent les besoins, or, ce n’est pas le cas, les pratiques ne reflètent pas les besoins », selon Sylvie Landriève, directrice du Forum Vies Mobiles. Elle précise que dans les faits « la voiture ne répond pas à tous les besoins de déplacement » en donnant l’exemple de la conduite de nuit que de nombreux conducteurs évitent de pratiquer. Enfin, un tiers environ de la population française ne se déplace pas en voiture.
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Sylvie Landriève met également en avant un angle mort des réflexions sur la décarbonation de la mobilité : l’impossibilité en termes de ressources naturelles de généraliser la mobilité électrique. C’est d’ailleurs pour cette raison que le scénario envisagé dans le rapport Système alternatif de mobilité choisit de ne pas miser sur l’électrification du parc automobile à un niveau équivalent ou supérieur à aujourd’hui, ni de creuser la piste des véhicules intermédiaires. Leur filière de production s’avère aujourd’hui assez peu développée.
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Sylvie Landriève souligne aussi que « les émissions du secteur du transport ne diminuent pas en France », malgré des politiques en faveur des alternatives à la voiture, pointant leur manque d’efficacité et de cohérence globale. Elles représentent toujours 16 % des émissions de gaz à effet de serre du pays.
Libérer les routes de l’omniprésence de la voiture
Pour fonder ses projections, le think-tank Vies Mobiles s’est inspiré des Pays-Bas et de la Suisse où l’usage de la voiture est déjà moindre qu’en France. En effet, dans ces deux pays, la voiture ne représente que 70 % des déplacements contre plus de 80 % en France. Tom Dubois, qui a supervisé le travail de recherche pour le Forum Vies Mobiles, explique que le modèle suisse repose sur le train et le car tandis que le modèle néerlandais combine vélo et train. La Suisse et les Pays-Bas ont adopté ces transports afin de chercher, selon l’expert, un objectif « qu’on pourrait partager » de « plus grande souveraineté et autonomie du pays ». Tom Dubois pointe cependant les limites de leurs approches, les deux nations ont « gagné 10 % de part modal sur la voiture. D’un côté, c’est énorme. De l’autre, on pourrait se dire que ce n’est seulement que 10 %. » Selon lui, des chiffres encore élevés d’utilisation de la voiture témoignent de fait du maintien d’une place importante accordée à la voiture, Ce qui signifie que « ces pays n’ont pas pris de place à la voiture ». Donc, « si on ne limite pas la voiture, elle continue d’occuper une place importante et tout se cumule » au lieu de se substituer. Les projections de Vies Mobiles cherchent à aller plus loin que nos voisins en réduisant la place de l’auto sans nuire à la liberté de se déplacer en ville, en périphérie et à la campagne.
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Une France sans voiture
Pour proposer un système complet alternatif à la voiture partout en France, le think-tank préconise de se baser sur ce qui existe déjà en termes d’infrastructures, notamment le million de kilomètres du réseau routier et le réseau ferré. Le rénover et faire rouler davantage de trains est un des axes forts de ce projet. De plus, il faudrait établir un service de qualité et de proximité, avec non plus des réseaux en étoile autour d’un point névralgique central, mais en toile d’araignée. D’après Tom Dubois, l’aspect « révolutionnaire » de cette vision serait de mettre l’accent sur le cadencement de tous les modes de transport collectif et de céder une part de la route aux cars, aux bus, aux trams-trains, aux piétons et aux vélos. Tom Dubois met en avant « un maillage cyclable et piéton en dehors des zones urbaines et dans celles-ci aussi. L’idée est de libérer une partie du réseau routier de la voiture pour le donner directement à la marche et aux vélo ». Il convient ici de rappeler qu’une grande partie des trajets effectués en voiture en France concernent de petites distances (40 % des trajets font moins de 3 km). Ils sont souvent réalisés par une personne seule. Le sentiment d’insécurité suscité par la présence des voitures est identifié depuis longtemps comme un frein au recours aux mobilités douces telles que la marche et le vélo.
L’étude recommande par conséquent de « libérer près de la moitié des routes locales de l’emprise de la voiture. : 20% pour un réseau cyclable et piéton continu et sécurisé, en ville comme à la campagne ; 23% où la priorité sera systématiquement donnée aux transports collectifs. »
Densifier et cadencer l’offre de transports grâce aux cars et aux bus
Le plan envisagé ne fonctionnerait qu’à condition, d’une part, de renforcer l’offre, notamment de cars et bus afin de mailler tout le territoire ; et surtout, d’autre part, de veiller à sa continuité et sa régularité. Les auteurs plaident pour la mise en place d’un cadencement des transports, c’est-à-dire de leur passage régulier toute la journée et tout au long de l’année. Tom Dubois insiste sur l’impératif de fournir au plus grand nombre « une vraie assurance mobilité qui permette de se déplacer de jour comme de nuit, que les personnes soient des ”éconduits” de la mobilité ou dépendantes de leurs voitures. Pour limiter l’usage de la voiture, il faut proposer une offre tous les jours, de jour comme de nuit. Le cadencement peut varier selon les moments, mais l’idée est qu’il est non seulement possible d’aller quelque part mais aussi qu’il est possible d’en repartir tout en ayant la certitude de pouvoir revenir chez soi. »

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Pour parvenir à cette transformation, le rapport rappelle la nécessité d’harmoniser et de faciliter l’offre de transport partout en France. En effet, aujourd’hui, elle change d’un endroit à l’autre. « Il faut que ce système soit facile et simple à utiliser, pour passer d’un mode à l’autre, sur la tarification et les horaires », estime Tom Dubois.
Réduire la place de la voiture, mais pour quels impacts ?
Le déploiement de ce modèle alternatif à la voiture permettrait de réduire de 70 % les émissions de gaz à effet de serre liées à la voiture individuelle tout en améliorant la qualité de l’environnement au niveau local. « Réduire la voiture implique moins de pollution de l’air, de bruits, moins d’embouteillages, de risques d’accidents, moins de consommations de ressources », résume Sylvie Landriève. Surtout, cela serait bénéfique sur le plan économique puisque le coût de la bascule ne serait que de 60 milliards d’euros par an, alors que le coût actuel du système voiture est évalué à 300 milliards par an. Le groupe de réflexion Forum Vies Mobiles note que les collectivités y gagneraient sur le coût d’entretien du réseau routier, bien moins sollicité. Cette transition assurerait aussi la création de 120 000 emplois. Tom Dubois plaide pour une bascule totale, mais se dit « convaincu que la meilleure étape pour avancer est l’expérimentation en tenant à ce qu’on prenne de la place à la voiture. C’est même presque le plus simple car cela ne coûte rien ou presque : on a beaucoup de routes, il en restera assez pour la voiture. » Il estime par ailleurs que ce système alternatif, en plus de répondre aux enjeux écologiques devrait répondre à l’enjeu démographique du vieillissement de la population car « c’est dans les territoires ruraux qu’on trouve le plus de personnes âgées qui petit à petit ne peuvent plus conduire, alors qu’elles ont le moins d’accès aux transports ».
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Pour aller plus loin
L’étude Système alternatif de mobilité Être libre de se déplacer sans voiture sur tous les territoires ! sur le site Internet du Forum Vies Mobiles
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2 commentaires
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Serge Rochain
Est-ce que se passer d’un objet qui a été synonime de progres durant des siècles et qui a connu des progres continus depuis la calèche à cheval jusqu’aux VE est un but par lui même ou bien ce galeux d’où nous vient tout le mal ? Simple matérialisation de notre haine contre ce lampiste dont on n’oublie déjà les immenses avantages qu’il nous procure toujours ?
Gagnaire
Plus de médecins des hôpitaux loinet
Les taxis, véhicules de transport sanitaires… infirmières libérales en campagne qui font 150 a200 kms /jour pour des tarifs de plus en plus restraints, derniers lien avec la vie pour les habitants de villages, (d autant que les gens âgés sont menacés de ne plus avoir le droit de conduire) . La vie de beaucoup de gens classe moyenne ou basse S est organisée loin des villes. Il faut revoir tout le fonctionnement de la société on va survivre et bientot 3/4 de la société n aura qu à disparaître vers 62 ans on n est pas loin de soleil vert