Programmation énergétique : débats scrutés au Sénat, sur fond de discorde gouvernementale

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Une éolienne à Andilly-les-Marais, près de La Rochelle, le 10 mars 2025 © AFP/Archives Christophe ARCHAMBAULT

Paris (AFP) – Les désaccords gouvernementaux autour des énergies renouvelables s’invitent mardi au Sénat avec l’examen très scruté d’une loi sur l’avenir énergétique de la France actant une relance massive du nucléaire, censée aider l’exécutif à finaliser sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

La proposition de loi du sénateur Les Républicains Daniel Gremillet (Vosges) connaît décidément un parcours chaotique au Parlement : adoptée au Sénat en première lecture en octobre, rejetée ensuite à l’Assemblée nationale fin juin, elle est désormais malmenée par les passes d’armes des derniers jours au sommet de l’Etat.

La coalition gouvernementale est en effet fragilisée par l’opposition frontale entre camp macroniste et droite, depuis que le patron des Républicains – et ministre de l’Intérieur – Bruno Retailleau s’est fendu d’une tribune au Figaro dans laquelle il plaide pour la fin des « subventions publiques » pour l’éolien et le photovoltaïque.

Cela a suffi pour attiser la réprobation de certains de ses collègues du gouvernement, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher en tête.

Inspiration sénatoriale

« Il serait curieux que nous soyons le seul pays à penser que les énergies renouvelables ne sont pas un élément (…) qui nous permet de baisser le coût de l’électricité », s’est-elle encore agacée lundi lors d’un déplacement dans le Loiret, non sans « regrette(r) qu’un certain nombre de responsables politiques utilisent cet argument pour raconter des mensonges aux Français ».

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Le Premier ministre François Bayrou et le président de la République Emmanuel Macron étaient eux aussi montés au créneau pour appeler à la discipline.

Les débats au Palais du Luxembourg permettront aux uns et aux autres de rappeler leur position.

Les Républicains y sont en force, et les observateurs les plus avisés du Parlement n’ont pas oublié que le nom de Bruno Retailleau figure parmi les principaux signataires du texte de loi, déposé lorsqu’il siégeait encore au Sénat.

Les sénateurs ont les cartes en main, car ils sont saisis de leur propre version de cette proposition de loi qui dessine le futur énergétique de la France à l’horizon 2035, conséquence du rejet de l’ensemble du texte par l’Assemblée nationale.

Le texte y avait été dénaturé durant les débats à l’initiative notamment des élus du Rassemblement national.

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Ainsi, un moratoire sur les énergies éolienne et solaire avait été adopté tout comme la réouverture de la centrale de Fessenheim, ce qui a convaincu les groupes de l’ancienne majorité macroniste de voter contre l’ensemble du texte.

En seconde lecture, ces dispositions très irritantes ne peuvent plus être mises au débat en raison des règles de procédure parlementaire.

En attendant la PPE

Le Sénat n’y était de toute façon pas favorable, même s’il a voté en commission un amendement précisant, sur l’éolien terrestre, la nécessité de « privilégier le renouvellement des installations existantes » plutôt que l’implantation de nouveaux projets.

Pour cette deuxième lecture, les sénateurs ont par ailleurs choisi de condenser la proposition de loi en supprimant une douzaine d’articles, soit environ un tiers du texte, privilégiant le volet programmatique par rapport aux mesures de simplification. L’objectif: accélérer la navette parlementaire.

Un consensus semble commencer à émerger entre Sénat, Assemblée nationale et gouvernement sur les deux articles phares du texte.

D’une part sur la relance massive du nucléaire, avec notamment la construction de 14 nouveaux réacteurs; d’autre part sur l’essor des énergies renouvelables, avec l’objectif de porter, d’ici 2030, à 58% au moins la part d’énergie décarbonée de la consommation d’énergie en France, contre environ 40% actuellement.

Mais « il n’y a absolument pas de contradiction entre la tribune de Bruno Retailleau et la proposition de loi, car le financement des énergies renouvelables relève du projet de loi de finances. C’est là que des choix seront à faire », insiste le corapporteur LR Alain Cadec.

Cette loi doit inspirer le gouvernement dans la finalisation de sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la trajectoire énergétique qu’il entend publier prochainement par décret.

Les sénateurs, leur président Gérard Larcher en tête, espèrent que le gouvernement attendra le retour du texte à l’Assemblée, en septembre, avant de publier son décret, qui doit consacrer la rupture avec la précédente PPE adoptée en 2020, marquée à l’époque par la fermeture de 14 réacteurs.

© AFP

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2 commentaires

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    • Serge Rochain

    Monsieur Retailleau devrait certainement consulter le rapport annuel de RTE avant de sortir de telles sottises. Il pourrait y découvrir que pour l’année 2024 nous avons consommé pour les seuls besoins intérieurs 449,2 TWh mais que le nucléaire n’a produit que 361,7 TWh ! Ajouté que nous nous vantons d’avoir exporté 89 TWh ce qui avec notre consommation intérieur suppose une production de 538,2 TWh ! Alors d’où viennent les 176,5 TWh non produite par le nucléaire Monsieur Retailleau ?
    Pas des fossiles réduits aux stricte minimum à 19,9 TWh, il reste donc 156;6 TWh a trouver Monsieur Retailleau ! Certainement pas de l’importation puisque nous sommes exportateur net à hauteur de 89 Th comme dit plus haut ! Et bien Monsieur Retailleau il s’agit des renouvelables dont seulement 74, 7 TWh pour l’hydraulique et il reste donc encore 81,9 TWh pour les autres renouvelables (éolien, solaire, déchets….). Et vous devrez noter que si nous sommes si fiers d’être les premiers exportateurs d’électricité d’Europe, nous le devons aux renouvelables essentiellement éoliens et solaires qui ont produit 70 TWh soit 85% de ces renouvelables hors hydraulique. Et c’est à deux titres que nous le devons à ces intermittents (terme inapproprié car il s’agit de puissances variables et non intermittentes), d’une part pour le volume d’électricité qu’elles produisent et aussi, et peut-être même surtout, pour leur souplesse à assurer le suivi de charge à ces hauteurs en puissance (il s’agit de GW) avec une réactivité dont le nucléaire est bien incapable. En effet, la source la plus importante de la variabilité sur le réseau géré par RTE est l’activité d’import/export dont le solde peut imposer (et impose) des variations de plus sieurs GW (couramment 4 ou 5 GW) que RTE dont aussitôt compenser pour que la production accompagne en des temps des quelques dizaines de secondes la puissance consommée. Seul la connexion et la déconnexion de parcs éoliens et/ou solaire à distance permet de maintenir le réseau en équilibre face à ce coups de boutoir provoqués par l’import/export.. J’invite Monsieur Retailleau a consulter le site eco2mix de RTE à la page Productions par filières qui inclut également la courbe du solde de l’import/export où il pourra constater à la date d’hier une chute de l’exportation de 4 GW en moins d’une demie heure, aussitôt compensée par une baisse de la production équivalente activer par la déconnexion de parcs PPV à distance par RTE. Mais à 16 heures, en moins de 15 minutes nos voisins soutirent 6 GW (la puissance de 7 réacteurs de la classe des 900 MW) au réseau, aussitôt compensés par la connexion de parcs éoliens pour 2GW, solaires pour 3 GW, et seulement 1 GW supplémentaire venant du nucléaire qui a du mobiliser plusieurs réacteurs car il est impossible de faire passer un réacteur de son état d’arrêt à sa puissance nominal d’un GW en ¼ d’heure ! Il est donc clair que les renouvelable se montrent plus pilotables que le nucléaire, et même que tout dispositif thermique, sur le plan pratique !

    • Serge Rochain

    Monsieur Retailleau devrait certainement consulter le rapport annuel de RTE avant de sortir de telles sottises. Il pourrait y découvrir que pour l’année 2024 nous avons consommé pour les seuls besoins intérieurs 449,2 TWh mais que le nucléaire n’a produit que 361,7 TWh ! Ajouté que nous nous vantons d’avoir exporté 89 TWh ce qui avec notre consommation intérieur suppose une production de 538,2 TWh ! Alors d’où viennent les 176,5 TWh non produite par le nucléaire Monsieur Retailleau ?
    Pas des fossiles réduits aux stricte minimum à 19,9 TWh, il reste donc 156;6 TWh a trouver Monsieur Retailleau ! Certainement pas de l’importation puisque nous sommes exportateur net à hauteur de 89 Th comme dit plus haut ! Et bien Monsieur Retailleau il s’agit des renouvelables dont seulement 74, 7 TWh pour l’hydraulique et il reste donc encore 81,9 TWh pour les autres renouvelables (éolien, solaire, déchets….). Et vous devrez noter que si nous sommes si fiers d’être les premiers exportateurs d’électricité d’Europe, nous le devons aux renouvelables essentiellement éoliens et solaires qui ont produit 70 TWh soit 85% de ces renouvelables hors hydraulique. Et c’est à deux titres que nous le devons à ces intermittents (terme inapproprié car il s’agit de puissances variables et non intermittentes), d’une part pour le volume d’électricité qu’elles produisent et aussi, et peut-être même surtout, pour leur souplesse à assurer le suivi de charge à ces hauteurs en puissance (il s’agit de GW) avec une réactivité dont le nucléaire est bien incapable. En effet, la source la plus importante de la variabilité sur le réseau géré par RTE est l’activité d’import/export dont le solde peut imposer (et impose) des variations de plus sieurs GW (couramment 4 ou 5 GW) que RTE dont aussitôt compenser pour que la production accompagne en des temps des quelques dizaines de secondes la puissance consommée. Seul la connexion et la déconnexion de parcs éoliens et/ou solaire à distance permet de maintenir le réseau en équilibre face à ce coups de boutoir provoqués par l’import/export.. J’invite Monsieur Retailleau a consulter le site eco2mix de RTE à la page Productions par filières qui inclut également la courbe du solde de l’import/export où il pourra constater à la date d’hier (samedi 5 juillet 2025) une chute de l’exportation de 4 GW en moins d’une demie heure, aussitôt compensée par une baisse de la production équivalente activer par la déconnexion de parcs PPV à distance par RTE. Mais à 16 heures, en moins de 15 minutes nos voisins soutirent 6 GW (la puissance de 7 réacteurs de la classe des 900 MW) au réseau, aussitôt compensés par la connexion de parcs éoliens pour 2GW, solaires pour 3 GW, et seulement 1 GW supplémentaire venant du nucléaire qui a du mobiliser plusieurs réacteurs car il est impossible de faire passer un réacteur de son état d’arrêt à sa puissance nominal d’un GW en ¼ d’heure ! Il est donc clair que les renouvelable se montrent plus pilotables que le nucléaire, et même que tout dispositif thermique, sur le plan pratique !