Le démographe Hervé Le Bras, co-auteur de France, un album de famille avec Yann Arthus-Bertrand : « la France, c’est des liens »

exposition france un album de famille yann arthus bertrand hervé le bras livre film expo paris mairie toussaint 2025

Concrétisation de nombreuses années de travail, le livre et l’exposition France, un album de famille est d’abord né de l’envie du photographe Yann Arthus-Bertrand (par ailleurs fondateur et président de la Fondation GoodPlanet) de proposer une image de la France et de ses habitants. Pour aller au-delà de ce que les images montrent et expliquer la réalité de notre pays, il a fait appel au démographe Hervé Le Bras. Il signe les textes du livre ainsi que de l’exposition organisée par la Fondation GoodPlanet à la Mairie de Paris du lundi 20 octobre au dimanche 2 novembre. Car, si chacune des personnes montrées dans France, un album de famille est singulière, elle représente aussi une réalité sociale faite de chiffres et de statistiques. Hervé Le Bras tente d’éclairer par le texte, ce que les images ne disent pas. Dans cet entretien avec GoodPlanet Mag’, le démographe Hervé Le Bras revient sur la démarche et les évolutions de la société française.

Tout d’abord, comme démographe et homme de science, vous travaillez souvent sur des données de population, qu’est-ce que cela a changé à votre regard de voir tous ces portraits ?

Avec le travail photographique de Yann Arthus-Bertrand, je passe à l’échelle individuelle. Auparavant dans mes précédents travaux, notamment avec Emmanuel Todd pour « Le mystère français » qui s’intéresse aux différences de comportements et mœurs d’une commune à l’autre, j’employais déjà les cartes. La démarche de s’intéresser aux personnes, s’inscrit pour Yann comme pour moi, dans un parcours.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné dans le fait de voir autrement que par les chiffres les Français et Françaises ?

Je n’ai pas tellement été étonné. Notre idée partagée avec Yann était de passer du cas particulier et spontané d’une photographie à un élément de compréhension plus général. Il est impossible de photographier les 67 millions de personnes qui vivent en France ainsi que toutes leurs activités. C’est pourquoi chacune des photographies de « France, un album de famille » montre une dimension particulière, le texte qui accompagne l’image permet de contextualiser et de généraliser afin de dire ce que ce cas particulier représente.

« Chacune des photographies de « France, un album de famille » montre une dimension particulière »

L’approche me semble essentielle car je trouve que notre époque souffre d’une généralisation abusive des cas particuliers. Or, les photos sont évocatrices et mes textes se chargent d’expliquer le nombre ou la proportion de personnes étant dans le cas représenté. Par exemple, ils indiquent combien de personnes sont boulangers, combien d’associations prennent en charge les personnes handicapées ou encore combien il y a d’enseignants dans le primaire. Ce dispositif facilite le passage de la sensation et de l’esthétisme vers une meilleure connaissance de la composition de la France.

[Inscrivez-vous gratuitement pour venir voir l’exposition « France, un album de famille » à la Mairie de Paris durant les vacances de la Toussaint]

Est-ce que le travail photographique de Yann Arthus-Bertrand reflète bien la diversité et la complexité des habitants du pays ?

C’était notre but initial. Nous avons démarré par les métiers. J’ai alors été voir quels sont les 5000 métiers déclarés lors du recensement et les 800 de la nomenclature de l’INSEE. Cela nous a permis d’avoir une vision complète des métiers. Nous en avons aussi rajouté qui sont connus des Français bien qu’exercés par un petit nombre de personnes comme vannier ou encore encadreur. Ils sont le reflet d’une tradition, ils racontent également l’histoire des professions et les évolutions de la société. Paradoxalement, les photos nous ont permis de réaliser l’importance des changements que la France connaît.

« Réaliser l’importance des changements que la France connaît »

france un album de famille yann arthus bertrand hervé le bras graffeurs tag marseille
« Daze2mars, Braga last one, Nyota, Noyps, et Acet 1, graffeurs, à Marseille » L’évolution des graffeurs, apparus aux Etats-Unis dans les années 1960, résume celle des autres cultures urbaines comme le hip-hop et le rap, auxquelles ils sont associés. Participant d’abord d’un mouvement de contestation de la culture dominante, les graffeurs ont progressivement intègré le marché de l’art contemporain. Au départ, ils étalaient leurs tags en lettres géantes sur de grandes surfaces publiques, palissades, pignons aveugles et nus, wagons de métro. Ils ont ensuite évolué vers des formes différentes et plus sophistiquées, certaines qualifiées de “street art” : Banksy avec ses trompe-l’œil, Basquiat avec ses graffitis nerveux, Keith Haring inspiré par la bd. De la rue, ils ont alors gagné les galeries d’art, les collections de mécènes et, récemment, les musées. Les plus anciens, armes de leurs bombes à peinture, ont souvent mal accepté cet embourgeoisement. Ils continuent de peindre leurs messages politiques et sociaux sur toute large surface qu’ils rencontrent. Mais d’autres sont maintenant formes dans les écoles des beaux-arts et des cours privés. Ils vendent ensuite leur production à des amateurs, à des sociétés, voire à des administrations qui souhaitent animer de grandes surfaces murales. © Photo : Yann Arthus-Bertrand / Texte de la légende : Hervé Le Bras

Ainsi, Yann a assez rapidement proposé de passer des métiers aux modes de vie. Derrière, on y trouve le sport, les associations, la famille… Yann et moi avons été saisis de la rapidité avec laquelle la France change, d’autant plus que notre image du pays est façonnée en grande partie par les milieux dans lesquels nous évoluons et travaillons. Nous avons vu apparaître les influenceurs, les rappeurs, les adeptes du parapente ou encore les tagueurs. Ces figures nouvelles de la composition de la France nous ont sortis de notre univers habituel, de nouvelles activités sont de plus en plus pratiquées et concernent de nombreuses personnes. Ce qui a conduit à faire évoluer le projet de photo-portrait à photo de groupe que nous avons adjoints, comme des équipes de sport, des membres d’organisation, de club ou de confrérie.

« Définir les Français, non pas par des caractéristiques, mais par les liens qu’ils entretiennent. »

Au final, Yann et moi en sommes venus à définir les Français, non pas par des caractéristiques, mais par les liens qu’ils entretiennent. Je crois que la leçon majeure du projet est de dire ; « la France, c’est des liens ». Les Français, même s’ils ont des côtés individualistes, ne sont pas du tout individualistes, il y a aussi entre eux énormément de liens dont on parle très peu souvent.

Est-ce qu’il y a dans ce portrait de famille des trous dans la raquette ?

Il y en a inévitablement. Par exemple, on s’est aperçu assez paradoxalement qu’il n’y a pratiquement rien sur le cinéma. Il y a bien quelque chose sur les critiques de cinéma, mais rien sur les cinéastes alors qu’on a bien intégré les architectes ou les photographes.

« Les Français, même s’ils ont des côtés individualistes, ne sont pas du tout individualistes »

Nous avons eu aussi des retours sur une autre forme de trou concernant le choix opéré concernant la représentation des sujets. Par exemple, nous avons une photo consacrée aux syndicats avec dessus la CGT, on nous demande pourquoi il n’y a pas la CFDT, Sud ou FO… Justement, si la CGT est sur la photo, le texte lui parle des syndicats dans leur ensemble, pas de la CGT à proprement parler. Pour aborder une thématique, aussi fine ou large soit elle, l’image nécessite un cas spécifique.

Enfin, parmi les autres trous, nous ne sommes pas parvenus à faire des images dans les usines automobiles. Aucun constructeur n’a accepté de nous ouvrir ses portes. C’est la même chose pour l’intérieur des prisons où il est interdit de prendre des images. Nous avons toutefois des images du personnel pénitentiaire prises à l’extérieur.

Est-ce qu’il y a une image qui vous a plus particulièrement marqué ? Laquelle ? Pourquoi ?

Beaucoup m’ont intéressé, mais comme auteur, je retiens celles qui impliquent un texte compliqué à écrire. Je pense à la photo des membres de la Confrérie de la Bête Noire. On y voit, comme sur une photo de classe, des hommes assez âgés vêtus d’une sorte de tenue médiévale. Il s’agit d’une confrérie De Chaumont en Haute-Marne qui se regroupe autour de la chasse au sanglier et la cuisine du gibier. On y trouve un connétable, un chambellan… mais, il m’est apparu que cette société avait été fondée du début années 1990 dans un hôtel de Chaumont. Elle ne constitue donc en rien un reste historique venu du Moyen Âge. Et, c’est en ça que la Confrérie de la Bête Noire se montre intéressante. Car elle montre qu’il y a une demande nouvelle pour ce genre d’activité. Cette demande nouvelle ne vient pas du fond des âges. Mon interprétation est que cette activité permet de réunir deux groupes distincts : celui des notables enracinés localement dont une partie vient du Rotary Club et celui formé par des retraités aisés nouvellement arrivés en Haute-Marne. La confrérie permet aux retraités de s’insérer et de nouer des liens avec la bourgeoisie locale. Quant à cette dernière, cela lui permet de s’ouvrir sur d’autres horizons.

France un album de famille yann arthus bertand hervé le bras confrerie de la bete noire
« La confrérie de la Bête noire, à Montier-en-Der ». Photo de France, un album de famille. La « bête noire » est le sanglier, dont la hure trône au milieu de l’assemblée conduite par son grand maitre, son grand chancelier, son grand camerlingue et son grand sénéchal. Sous ses allures médiévales, la confrérie est récente, fondée en 1992 à l’hôtel Terminus Reine de Chaumont où elle banquette. Elle a pour vocation « la diffusion de la chasse et du bien-être en Haute-Marne ». De telles associations se sont multipliées à la fin du siècle dernier. Fédérées dans les confréries du Grand Est, on en compte 8 en Haute-Marne, 10 dans les Vosges, 7 en Meurthe-et-Moselle, etc. Elles portent des noms pittoresques, comme confrérie des Taste-cuisses de grenouilles de Vittel, des Rognons blancs, des Gaubregueux gousteurs de testes de veau. Leur apparition correspond à la rencontre de deux mondes : celui des notables traditionnels soucieux de valoriser leur patrimoine, souvent en liaison avec les Rotary Clubs, et celui des nouveaux arrivants, jeunes retraites ayant quelques revenus qui souhaitent s’intégrer à la société́ locale par ce biais. © Photo : Yann Arthus-Bertrand / Texte de la légende : Hervé Le Bras

Voilà ce que montre et dit cette simple image, qui peut sembler comique, on peut tenir tout un discours. Il existe d’autres confréries dans la Haute-Marne. C’est donc un phénomène de société.

Pensez-vous qu’on connaisse bien les Français au final ?

Je pense au final que non car trop souvent on se sert de cas particuliers qui ne reflètent pas la diversité des Françaises et des Français. En insistant trop souvent dessus, cela aboutit à ce que, d’une certaine manière, les Français eux-mêmes se connaissent très mal. J’espère que le livre et l’exposition aideront à faire connaître la très grande variété des métiers, des comportements, des habitudes et des modes de vie.

Quelle est la donnée démographique ou socioéconomique sur laquelle vous voudriez attirer l’attention ?

Il y a une donnée que le projet montre très bien, c’est la transformation de la situation des femmes. On se rend compte qu’elle a énormément changé en quelques décennies. Elles occupent davantage de postes et exercent plus de métiers.

Mais, la situation reste sur le plan professionnel très contrastée. Ainsi, 99 % des serruriers sont des hommes. En revanche, si vous prenez les médecins, les médecins de 70 ans et plus sont à 70 % des hommes tandis que 60 % des jeunes médecins sont des femmes. Ces transformations ne se résument pas en une seule donnée, mais il y a un extraordinaire changement du rapport des sexes. Elles se traduit aussi dans les évolutions des modes de vie familiaux avec le PACS, le mariage homosexuel, les familles recomposées… De nombreuses photos leur sont consacrées et les faire il y a de cela 50 ou 30 ans n’aurait pas été possible dans de telles proportions.

Vous indiquez aussi qu’on manque de certaines données, parfois trop anciennes ou inexistantes ? Sur quels sujets par exemple ?

Dès qu’on quitte les sujets classiques comme les métiers et les professions sur lesquels on dispose de très bonnes données à l’INSEE et au Ministère du Travail, on manque de données. Le recensement se fait au niveau de l’individu et des ménages, c’est pourquoi on dispose de quelques données précises à ce sujet. Sinon, j’ai dû me contenter de données parfois parcellaires ou anciennes, ce qui fait que les chiffres sont avant tout des ordres de grandeur. Le projet « France, un album de famille » fournit ainsi davantage d’informations sur la population dans le sens où il revient sur les liens entre les personnes. Ce qui n’est pas le but d’un recensement.

[Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire pour recevoir chaque dimanche matin la sélection de nos meilleurs articles de la semaine]

Les statistiques sur la population ont deux buts dans tous les pays : renseigner le pays sur la manière dont il est constitué et aider l’État à la prise de décision. C’est pourquoi souvent en dehors des données démographiques et purement socio-économiques, l’information se montre souvent lacunaire.

Avec ce projet, en allant de la personne handicapée précaire aux grands patrons, nous couvrons l’ensemble du spectre social. Ce projet aide aussi à comprendre que les catégories sociales n’ont pas disparu, tout comme les inégalités. Ainsi, les ouvriers existent encore, mais être ouvrier de nos jours n’a presque plus rien à voir avec ce que cela représentait durant les « Trente Glorieuses ». En 1968, 40 % de la population active était constituée d’ouvriers, maintenant, ils ne représentent plus que 20 %. Et surtout, seulement 8 % sont désormais ouvriers dans l’industrie et les travaux publics. Les 12 % restants sont des ouvriers d’entretien. De fait, aujourd’hui, les ouvriers ne se retrouvent plus à l’atelier, ce qui explique en grande partie la baisse du syndicalisme. Il y a aussi la dureté des nouvelles formes de travail, comme dans les entrepôts d’Amazon ou chez McDo où les employés sont suivis minute par minute. Sans même parler des caissières. L’éclatement des postes d’ouvriers fait que la solidarité d’usine a disparu.

La société française, du fait de la modernisation, de la diversification non seulement des lieux de vie mais aussi des métiers que des manières de les exercer, ne s’est-elle pas trop complexifiée, ce qui expliquerait en partie ses divisions et incompréhensions ?

La société se montre plus opaque à elle-même. Je pense que la diversification aboutit sans doute à plus d’incompréhensions, en revanche, je ne suis pas certain que la société soit confrontée à plus de divisions. Au fond, je crois que le projet « France, un album de famille » mené avec Yann est un anti-société d’archipels, car nous avons observé l’existence de nombreux liens. Il y a une tendance à se focaliser sur les divisions, la ségrégation, ce qui empêche de voir qu’il existe de nombreux liens entre les individus et les groupes. Ces liens se traduisent par une très grande intégration des Français, malgré des cas regrettables particuliers. Prononçons un mot : il y a quand même une très grande entraide dans la société française. Cette entraide se manifeste par les mécanismes institutionnels, mais aussi par les associations et les initiatives individuelles. En réponse aux discours dominants sur l’archipélisation de la société et la ségrégation, nous voulions montrer les liens, l’entraide et la solidarité dont on parle trop peu. On ne nie pas les divisions, mais nous cherchons à insister au contraire sur l’opposé : ce qui réunit les habitants de la France.

« Il y a quand même une très grande entraide dans la société française. »

[À lire aussi Julien Vidal, auteur de Mon métier aura du sens : « aller sur des métiers de sens signifie aller dans des filières prometteuses »]

Est-ce que les Français vont aussi mal qu’on le dit ou qu’ils le pensent ?

Les Français vont aussi mal qu’ils le pensent. Ils vont mal dans leurs perceptions. Il est certain que, dans leurs perceptions, ils sont mal. Pourtant, ils vont assez bien dans leur situation. « Se sentir mal dans une France qui va bien » est le titre de mon livre de 2021, il résume bien ce décalage. Car, si on regarde et si on compare avec nos voisins européens, notamment à partir des eurobaromètres, le paradoxe français se fait jours. Dans les enquêtes de satisfactions ou de confiance dans l’avenir, les Français sont quasi-systématiquement aux dernières places. Pourtant, quand on compare les situations réelles, sur les revenus, les prestations sociales, l’éducation etc…. La France se classe plutôt bien. Les Français ont une vision plus pessimiste que la réalité et la moyenne de la situation en Europe. Comparé aux autres pays, on peut s’estimer assez heureux.

[À lire aussi Disparition de Pierre Rabhi, (re)lisez la dernière interview qu’il avait donné à GoodPlanet Mag’ : « J’aimerais tant me tromper… », rencontre avec Pierre Rabhi]

Ne fait-on donc finalement pas plutôt face à une crise des modèles de désirabilité de la société, en raison notamment de l’essor de l’individualisme, de la publicité et des réseaux sociaux qui montrent en permanence des modes de vie opulents pas forcément accessibles au plus grand nombre.

L’opulence de quelques ultra-riches est devenue, d’une part plus visible, d’autre part, plus difficilement supportable. C’est ce que semble dire tout le débat qui monte autour de la taxe Zucman. L’écart avec le tout petit haut de l’échelle, les 1 % les plus riches, est devenu gigantesque. La vraie ségrégation est là car une partie des plus riches cherche à se couper du reste de la société, privilégiant l’entre-soi, les écoles privées pour ne pas se mélanger et ainsi de suite. De fait, la séparation par le haut de l’échelle sociale se produit beaucoup plus que celle par le bas sur laquelle on insiste à longueur de journées sur certaines chaînes d’informations en continu.

[À lire aussi Chronique livre : Et si les vieux aussi sauvaient la planète ? de Serge Guérin]

« La vraie ségrégation est là car une partie des plus riches cherche à se couper du reste de la société »

Le vieillissement de la population et le ralentissement de la natalité, dont de la démographie, qui sont devenus ces dernières années un sujet de préoccupations, sont-ils forcément une mauvaise chose ?

Je ne le pense pas et il faut réagir pour s’adapter à ces nouvelles réalités. Par exemple, lorsqu’on suit l’évolution des taux d’activité dans les tranches d’âge 54-59 ans et 60-64 ans, on observe que ceux-ci augmentent rapidement en France. On est donc en train de contrer une grande partie du vieillissement. Il reste bien sûr des problèmes sur les retraites, leur financement, la qualité des emplois, la prise en compte de l’âge, de la dépendance….

« Les sciences humaines et sociales sont inévitablement politiques au sens aristotélicien du terme, c’est-à-dire de la vie de la cité, de la société. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient nécessairement partisanes »

Sur la question de la natalité, il faut remettre le sujet en perspective. Car, si réellement le nombre de naissances avait beaucoup augmenté, tout le monde serait en train de se lamenter en raison de tous les problèmes que cela poserait dans les écoles ou les crèches. Au fond, la baisse de la natalité, dans un premier temps qui va durer une vingtaine d’années, soulage un certain nombre d’institutions comme les familles qui mettront ainsi moins d’argent dans l’éducation des enfants. En revanche, effectivement, au bout de 20 ans, la question se posera et il faudra payer l’addition. C’est important de comprendre ceci afin de sortir des vieilles lubies d’une France puissante car nataliste.

[À lire aussi La population mondiale pourrait diminuer plus vite que prévu]

Ces dernières années, les sciences sociales et humaines ont fait l’objet de vives critiques, voire d’attaques, principalement car jugées partiales ou porteuses d’un projet politique. Que répondre ? Comment et pourquoi redorer leur blason ? Pourquoi sont-elles importantes ?

Je pense que les sciences humaines et sociales sont inévitablement politiques au sens aristotélicien du terme, c’est-à-dire de la vie de la cité, de la société. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient nécessairement partisanes. Elles sont en crise. Le philosophe Jacques Rancière fait à ce propos une remarque de prime abord tautologique mais pertinente pour comprendre leur crise actuelle. Jusqu’aux années 1980, les sciences sociales se préoccupaient de l’égalité, maintenant elles s’occupent de l’inégalité. Ces deux dimensions semblent être les deux faces de la même pièce me direz-vous. Ce n’est pas la même chose, car les projets portés diffèrent. En traitant de l’égalité, les sciences sociales portaient un projet progressiste alors qu’en se focalisant sur les inégalités et les discriminations, elles s’orientent vers une lamentation permanente. Un des grands échecs des sciences sociales est de s’être tournées vers les inégalités plutôt que vers l’égalité.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Cet article vous a plu ? Il a été rédigé par un de nos rédacteurs, soutenez-nous en faisant un don ou en le relayant.
L’écologie vous intéresse ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire.

Pour aller plus loin

France, un album de famille, l’exposition organisée à la Mairie de Paris par la Fondation GoodPlanet du mardi 22 octobre au dimanche 2 novembre. Gratuit, dans la limite des places disponibles, sur inscription à ce lien.

Inscrivez-vous gratuitement pour venir voir l’exposition « France, un album de famille » à la Mairie de Paris durant les vacances de la Toussaint

C’est aussi un livre France, un album de famille | Actes Sud

Et aussi un film France, une histoire d’amour en salle le 5 novembre 2025

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

Avion, mode, viande, vidéo en ligne ou voiture, à quoi les Français, les Européens, les Américains et les Chinois sont-ils prêts à renoncer pour lutter contre le changement climatique ?

La perception du changement climatique par les Français en 2023 : le climat dans le top 3 des préoccupations des Françaises et Français

Les 10 % les plus riches contribuent au deux-tiers du réchauffement climatique

L’Odyssée bas carbone : le militantisme écologique au travail

Anaïs Rocci, sociologue à l’ADEME : « l’objectif de la sobriété est de trouver un modèle de société qui permette à la fois de respecter les limites des ressources planétaires et à chaque personne de vivre décemment »

Ecrire un commentaire