Avignon (AFP) – Le laboratoire de l’Inrae d’Avignon a des allures de ruche : telles des ouvrières, les scientifiques s’activent dans le jardin pour prélever des dizaines d’abeilles et mesurer l’impact des pesticides, alors que les néonicotinoïdes pourraient revenir dans les cultures françaises.
Cela fait une dizaine d’années que l’unité de recherche « Abeilles et Environnement » développe ce type de test unique au monde, qui a permis de prouver les conséquences néfastes des pesticides, y compris des néonicotinoïdes, sur des colonies de butineuses.
Freddie-Jeanne Richard, directrice de recherche en biologie et comportement de l’abeille dans cet institut, travaille avec des abeilles mellifères naissantes, qu’elle met par dizaine dans des « cagettes » en plexiglas équipées de tubes remplis d’une solution sucrée. Tout juste sorties de leur alvéole, elles sont exposées à un pesticide par l’alimentation. « On a pu démontrer que les pesticides (…) aux doses qu’on utilise actuellement, ont des impacts non létaux (qui n’entraînent pas la mort) sur les pollinisateurs », explique-t-elle.
Cependant, l’utilisation de néonicotinoïdes, même en faibles quantités, peut « altérer le comportement des abeilles », ce qui peut avoir « des répercussions à l’échelle de l’individu ou de la colonie », affirme la chercheuse.
Concrètement, les néonicotinoïdes, tout comme d’autres pesticides ou fongicides, peuvent avoir des effets sur « les capacités de communication et d’orientation des abeilles », notamment des ouvrières qui sortent régulièrement de la ruche pour nourrir la colonie et s’assurer de la survie du couvain.
Les œufs, les larves et les nymphes peuvent aussi être contaminés par les abeilles rentrées en contact avec le pesticide « lorsqu’elles vont butiner, récolter du nectar ou du pollen sur les fleurs », explique Freddie-Jeanne Richard. La reine, qui détient le monopole de la reproduction au sein de la ruche, peut également voir ses capacités altérées et ainsi mettre à mal tout le développement de la colonie.
Des ruches vides
Après avoir été exposées à un pesticide, les abeilles sont marquées individuellement d’une puce. Julie Fourrier, chargée de mission en écotoxicologie expérimentale, les manipule avec précaution à l’aide d’une pince d’entomologie.
Avec seulement un petit point de colle, elle dispose sur leur dos une puce RFID (identification par radiofréquence) d’un millimètre à peine. Elles peuvent également être équipées d’un minuscule QR-code, un dispositif plus récent. « L’arrivée de cette technologie nous a permis des avancées majeures au niveau du suivi de l’activité des abeilles », souligne-t-elle.
Vêtus de leur combinaison, les scientifiques les relâchent ensuite à environ un kilomètre de leur colonie, pour suivre leur capacité à retourner à la ruche. Cette dernière est équipée d’un compteur rattaché aux puces, qui enregistre le moment précis d’entrée et de sortie des butineuses. Les abeilles ne revenant pas « seront des abeilles perdues qui finiront par mourir sur le terrain, puisqu’une abeille domestique ne peut pas vivre en dehors de sa colonie », explique Julie Fourrier.
Cette technologie a révolutionné la recherche sur l’impact des néonicotinoïdes sur les abeilles. « Cela nous a permis de répondre aux inquiétudes des apiculteurs » qui constataient des ruches complètement vides, du fait d’abeilles désorientées par l’effet des pesticides sur leur système nerveux.
C’est pourquoi, pour Cédric Alaux, directeur de recherche en biologie et protection des abeilles à l’Inrae, si l’Assemblée nationale adopte le texte proposé par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, qui doit être examiné dans l’hémicycle fin mai, nous pourrions assister à « un retour en arrière, alors qu’il y a plein de preuves de (la) toxicité » des néonicotinoïdes.
Cette proposition de loi qui entend « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » vise à autoriser par dérogation et pour certaines filières (noisette, betterave) le recours à un type de néonicotinoïde: l’acétamipride. Ce produit est interdit en France depuis 2018, après une longue mobilisation des apiculteurs et de la communauté scientifique.
« La toxicité des néonicotinoïdes a été prouvée vingt fois, à la fois en condition de laboratoire mais aussi sur le terrain », souligne Cédric Alaux, déterminé à continuer d’améliorer ces technologies pour de nouvelles avancées destinées à protéger ces précieux insectes.
© AFP
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Quidamus
AUCUN pesticide chimique ou désherbant n’est réellement biodégradable, en se désagrégeant il se transforme juste en poison (PFAS). Seuls les bioherbicides d’origine végétale sont réellement dégradables.
Il n’y a plus de compromis possible au niveau chimique, dès l’instant où les abeilles sont en perdition, les sols deviennent stériles et l’eau polluée, il n’y a plus à tortiller : ON ARRETE TOUS LES PESTICIDES ET LES HERBICIDES CHIMIQUE ! C’est une question de vie ou de mort.
Tous les pesticides et herbicides chimiques tuent les organisme vivants qui enrichissent la terre (comme les vers-de-terre). Ils provoquent des maladies graves et des cancers chez les agriculteurs qui les utilisent. Ils rendent la terre infertile.
Il y a des solutions viables qui permettent de se passer de tout ça. Des milliers d’agriculteurs qui le font déjà dans le monde, avec l’aide d’organismes comme Greenpeace ou GoodPlanet.
Il faut juste arrêter d’être les vaches-à-laits des industries agrochimiques, avec la complicité du FNSEA. Qui aurait dû s’appeler la FNSIAC s’ils étaient honnêtes. Ce n’est pas en remplaçant dans son sigle « Industriels et Agro-Chimistes » par « Exploitants Agricoles » que l’on devient comme par magie un défenseur des agriculteurs.
Cette organisme écocidaire qui se targue de défendre les agriculteurs alors qu’en réalité il ne défend les industriels et les industries chimiques au mépris des véritables agriculteurs.
« Agro-industrie » : ce mot valise me fait bien rire, car dès l’instant où l’on devient industriel on n’est plus agriculteur.
Les écologistes (les vrais pas ceux en carton) sont les meilleurs alliés des véritables agriculteurs pour le futur du métier, contrairement à ce que le FNSEA ou l’agrochimie essaient de faire croire. L’agro-écologie est la seule voie possible pour les agriculteurs. Il n’y en a pas d’autre.
Guy J.J.P. Lafond
Merci GoodPlanet pour cet état des lieux en France.
Merci Quidamus pour votre commentaire.
Les abeilles à l’ère industrielle, c’est un peu comme le canari dans la mine.
Mise en garde donc faite ici à des chimistes, ingénieurs et à des politiciens aussi.
Rappel d’une évidence: Écologie propre d’abord, économie saine ensuite!
S.v.p. et pour la santé de notre si fragile planète bleue, action!
Guy J.J.P. Lafond (VELO) – in
Montréal (Québec) Canada