Washington (AFP) – Une étude présentée comme entièrement rédigée par Grok 3, le chatbot d’intelligence artificielle (IA) d’Elon Musk, est brandie par les climatosceptiques sur les réseaux sociaux mais des chercheurs indépendants mettent en garde contre la crédibilité d’une telle méthode.
Intitulé « Réévaluation critique de l’hypothèse du réchauffement planétaire lié aux émissions de CO2 », l’article rejette notamment les conclusions et projections des rapports des experts de l’ONU sur le climat (Giec), se fondant notamment sur des études largement contestées depuis des années dans le domaine scientifique.
De nombreux comptes climatosceptiques ont partagé l’étude après sa publication fin mars, y compris le biochimiste américain Robert Malone, à l’origine de multiples fausses informations au sujet de la vaccination durant la pandémie de Covid-19.
« L’utilisation de l’IA pour la recherche financée par l’Etat va se normaliser et des normes seront élaborées pour son utilisation dans les revues scientifiques », a estimé M. Malone. L’étude sonne la fin de « l’escroquerie climatique », a-t-il même clamé sur X, recueillant plus d’un million de vues.
Il existe pourtant un consensus scientifique faisant un lien entre la consommation d’énergies fossiles et le réchauffement, ainsi que l’intensité grandissante de phénomènes météorologiques, comme les vagues de chaleur et les inondations.
« Pas la capacité de raisonner »
Des spécialistes mettent ainsi en garde contre un faux sens de neutralité sous couvert d’une intelligence artificielle présentée comme « auteure » d’un article scientifique.
Ces « grands systèmes de langage n’ont pas la capacité de raisonner. Il s’agit de modèles statistiques qui prédisent des mots ou phrases sur la base de ce à quoi ils ont été formés. Ce n’est pas de la recherche », rappelle Mark Neff, professeur en sciences de l’environnement.
L’article soutient que Grok 3 a « rédigé l’intégralité du manuscrit », avec l’aide de coauteurs qui ont « joué un rôle crucial dans l’orientation de son développement ».
Parmi ces coauteurs figure l’astrophysicien Willie Soon, un climatosceptique notoire qui a reçu plus d’un million de dollars de fonds provenant du secteur des énergies fossiles à travers sa carrière.
Certaines études référencées par Grok 3, pourtant remises en questions par des scientifiques lors de leur parution, ont été rajoutées dans l’analyse à la demande des coauteurs, selon l’article.
« Nous ignorons tout de comment les auteurs ont demandé à l’IA d’analyser » les données et sources présentées dans l’article, souligne Elisabeth Bik, microbiologiste néerlandaise installée en Californie et spécialisée dans l’intégrité scientifique.
– « Fausse impression de renouveau » –
Pour Ashwinee Panda, expert en intelligence artificielle, il est impossible de vérifier si l’IA a procédé à une analyse sans interférence extérieure: « N’importe qui peut prétendre qu’une IA a écrit cela, seule, et que donc ce n’est pas biaisé », dit-il.
Ni le journal ni son éditeur ne semblent faire partie d’un comité d’éthique scientifique. L’article a aussi été soumis et approuvé pour publication en seulement 12 jours, un laps de temps très court, notent des experts.
« Qu’une IA puisse plagier des articles bidons » n’est nullement une surprise pour Gavin Schmidt, climatologue de la Nasa. Et cette analyse présentée comme nouvelle « a aussi peu de crédibilité » que les références qu’elle utilise, affirme-t-il.
« L’utilisation de l’IA n’est que le dernier stratagème pour donner une fausse impression de renouveau dans l’argument climatosceptique », abonde Naomi Oreskes, historienne des sciences à l’université de Harvard.
L’AFP a contacté les auteurs de l’article au sujet du processus de recherche et rédaction de l’étude mais n’a pas reçu de réponse immédiate.
© AFP
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8 commentaires
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Balendard
Le bon sens nous appelle à penser qu’il faut se principalement se méfier de ce qui est dit « artificiel » et à faire confiance à ce qui est « naturel*
Francis
Effectivement, on peut faire dire tout ce qu’on veut à un logiciel informatique, tout dépend des informations qu’on a mis à sa disposition. Si Robert Malone est incompétent en climatologie, ce n’est pas une raison pour mettre en doute sa compétence en biologie. Avec le recul depuis 5 ans, les événements montrent qu’il avait raison au sujet du covid 19. Ce virus est une création humaine, et les vaccins ne sont ni sûrs ni efficaces. Good Planet Info s’honorerait à ne pas faire du deux poids deux mesures dans ses dénonciations d’escroqueries scientifiques.
Serge Rochain
Si l’intelligence n’est que l’expression du vivant, une intelligence artificielle, ça nexiste pas et n’existera jamais. Il lui manquera toujours quelques millions d’années d’évolution.
Serge Rochain
Mon cher Francis, les vaccins contre le Covid-19 ne sont ni surs nis efficaces comme disaient les freres Bogdanof. 🙂
Quidamus
Je suis assez d’accord avec les commentaires.
Un jour une étude pondue par une I.A. dira que la Terre est plate, et les platistes diront « ha ben on vous l’avez bien dit ».
Par contre Serge quand on dit que « l’intelligence est l’expression du vivant » cela ne veut absolument pas dire que ce « vivant » doit être fait de chair et de sang. « Vivant » est dans le sens « qui peut mourir » pas dans le sens « organique ». Alors oui on aura bien tôt ou tard l’émergence d’une réelle intelligence artificielle (dans le sens d’autonome et capable d’apprendre par elle-même, contrairement à Sophia). Et là on verra direct la différence, au lieu de clamer les bêtises des climatosceptiques elle va simplement partir de la logique imparable que l’être humain est un cancer pour la planètes et les autres espèces, et que pour sauver la planète il faut éradiquer ce cancer.
Serge Rochain
Mon cher Qidamus, vous ne faites la que me constester la définition du vivant.
Une intelligence doit évidement être capable d’apprendre et ce n’est pas en soit la définition que je donne du vivant….. maintenant, ce n’est effectivement qu’une définition de mots.
Pour moi le vivant est biologique, ce qui fait la différence avec l’inerte.
Par ailleurs, je fais une identité entre vivant et intelligent, tout ce qui vit est intelligent, et il y a une graduation dans l’intelligence, comme dans le vivant. Contrairement à un fameux chat, on n’est pas vivant ou mort à part égale.
Il n’y a qu’un état de mort qui suppose d’avoir été préalablement vivant et du coté du vivant c’est beaucoup plus compliqué, on peut être plus ou moins intelligent, donc plus ou moins vivant. Y voyez vous un paradoxe ?
RK
Il y a aussi https://clintel.org/, une association de climatologues
Climate Intelligence (Clintel) est une fondation indépendante qui informe le public sur le changement climatique et les politiques climatiques. Clintel a été fondée en 2019 par le professeur émérite de géophysique Guus Berkhout et le journaliste scientifique Marcel Crok.).
La réponse est peut être dans un intermédiaire entre le GIEC et Clintel & IA ?? On ne sait plus que penser…
Quidamus
@ Serge : j’y vois surtout une très grosse erreur.
Ce n’est pas parce qu’on est moins intelligent qu’on est moins vivant.
C’est même très dangereux de penser ça. Des peuples entiers ont été massacrés par le passé parce que considérés comme moins intelligents et donc moins vivants. Mais on est censé avoir évolué depuis.
Une enfant de 5 ans n’est pas moins vivant qu’un adulte « normal » de quarante ans, bien que leur niveau d’intelligence diffère grandement.
Le chat fait parti des animaux sentients (dont l’intelligence, la perception du monde et les émotions sont égaux à ceux d’un enfant humain de 5-6 ans). Il n’est donc pas moins vivant qu’un être humain.
Pour clarifier : le vivant n’a absolument rien à voir avec l’intelligence. Même un arbre est tout aussi vivant qu’un être humain. Et si l’on se fît à la philosophie traditionnelle qui explique que le vivant se mesure à sa capacité à respecter le vivant, on pourrait même dire que l’être humain est le moins vivant des espèces qui peuplent la planète.
Toujours selon cette base, une intelligence artificielle qui aura évoluée à un tel niveau qu’elle comprendra l’importance du vivant (comme un arbre ou un chat) pourra être définie comme étant vivante. Ce qui implique que contrairement à une vie organique (où l’intelligence n’entre pas en ligne de compte – il faut être vivant pour devenir intelligent, pas l’inverse), une vie artificielle dépend de son intellect pour pouvoir être considérée comme vivante (parce qu’un grille-pain ou un véhicule industriel n’est pas en mesure de pouvoir respecter le vivant). Si un jour cette intelligence artificielle qui respecte le vivant est détruite, elle sera techniquement morte (elle ne sera plus en mesure de respecter le vivant). C’est précisément ce que veut dire cette expression : « l’intelligence est l’expression du vivant ».