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La hausse des concentrations de gaz à effet de serre éloigne l’humanité de l’objectif de cantonner le réchauffement climatique à 1,5 degré

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Enfouissement de résidus pétroliers issus de l’exploitation des sables bitumineux, Fort McMurray, Alberta, Canada (57°01’ N – 111°38’ O). Oil residue landfill from the exploitation of oil sands, Fort McMurray, Alberta, Canada (57°01' N - 111°38' W). © Yann Arthus-Bertrand

Tandis que la COP29 se tient dans un pays pétrolier et gazier, les émissions mondiales de gaz à effet de serre provoquées par la combustion des énergies fossiles augmentent de nouveau. Elles devraient augmenter de 0,8 % entre 2023 et 2024, selon la dernière étude du Global Carbon Budget dévoilée mercredi 13 novembre. Il s’agit du bilan mondial des émissions de gaz à effet de serre pour 2023 réalisé par le Global Carbon Project. Il donne aussi les tendances pour l’année 2024. Ainsi, pour l’année en cours, 37,4 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) issues de l’utilisation des énergies fossile devraient être émises. Ce qui conduit les 120 scientifiques auteurs de l’étude Global Carbon Budget publiée ce mercredi dans la revue Earth System Science Data à lancer un avertissement sans équivoque : « au rythme actuel des émissions, l’équipe du Global Carbon Budget estime qu’il y a 50 % de chances que le réchauffement dépasse 1,5 °C de manière constante d’ici environ six ans. »

Davantage d’énergies fossiles, moins de puits naturels terrestres de carbone

De plus, le Global Carbon Project, un groupe de scientifiques qui donne en quasi-temps réel, un panorama des émissions de gaz à effet de serre et du dérèglement climatique constate que non seulement les émissions liées à l’énergie ont progressé, mais aussi celles liées au changement d’affectation d’usage des terres, c’est-à-dire toutes les émissions engendrées par la dégradation ou la disparition de la biomasse végétale qui stocke le carbone. En bref, la déforestation et la dégradation des sols ont émis 4,2 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires. Ce qui porte le total des émissions mondiales de CO2 à 41,6 milliards de tonnes pour 2024, contre 40,6 milliards pour 2023.

Les auteurs notent que sur la décennie écoulée, jusqu’à présent seules les émissions énergétiques augmentaient. Or, pour la première fois en 2023, celles liées au changement d’affectation des terres sont en hausse, en raison des activités humaines, ainsi que des sècheresses. « On sait que l’absorption du CO2 par la partie continentale de la végétation est elle-même très dépendante du climat. Les années sèches et chaudes, comme les années El Nino, les continents cessent d’absorber du carbone », affirme Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et auteur du rapport Global Carbon Budget.

Par conséquence, le CO2 s’accumule dans l’atmosphère. Sa concentration, mesurée en PPM ou parties par million, atteindra les 422,5 PPM en 2024. C’est le plus haut niveau de l’histoire de l’humanité. « Il y a une relation quasi-linéaire entre la quantité totale de carbone qu’on émet le réchauffement », rappelle Philippe Ciais qui estime qu’à moins de retirer du CO2 de l’atmosphère, il semble irréaliste de limiter le réchauffement à 1,5 degré. Il précise qu’au rythme actuel, il faudrait un quart de siècle pour atteintedre et dépasser les 2 degrés. Philippe Ciais, du LSCE ajoute : « tant que nous ne parviendrons pas à des émissions nettes de CO2 égales à zéro à l’échelle mondiale, les températures mondiales continueront d’augmenter et de provoquer des conséquences de plus en plus graves. »

Courbe montrant l »évolution des concentrations de CO2 dans l’atmosphère en PPM DR Global Carbon Budget

Un essor des émissions fossiles dans les pays en développement…

Le recul des émissions liées à l’énergie de 6 % enregistré en 2020 pendant la pandémie de Covid-19 avait suscité de l’espoir. « Tout le monde se demandait si on allait assister à une croissance verte, à une décarbonation de l’économie, ou encore à des changements dans les modes de vie », déclare Philippe Ciais du LSCE avant de conclure que « cela ne s’est pas produit. ». Puisque les émissions sont reparties à la hausse : 1 % par an. En 2023, l’Inde a vu ses émissions augmenter de 8 % tandis que celles de la Chine ont augmenté de 4,9 %. Les émissions de l’Union européenne ont baissé de 3,8 %.  L’Inde émet désormais plus de gaz à effet de serre que l’Europe, mais un Indien pollue moins qu’un Européen si on rapporte ce chiffre au nombre d’habitants. Ainsi, la Chine représente 32 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, suivie par les États-Unis (13 %), l’Inde (8 %) et l’Europe (7 %).

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Ensuite, les données du Global Carbone Budget montrent que le charbon représente encore 41 % des émissions de CO2, suivi par le pétrole (32 %) et le gaz naturel (21%). Cependant, il est intéressant de noter que la croissance des émissions du charbon est de 0,2 % entre 2023 et 2024, de 0,9 % pour le pétrole et de 2,4 % pour le gaz naturel. De fait, peu à peu la production d’électricité au charbon se stabilise dans le monde tandis que le pétrole reste encore une énergie très demandée pour les transports, bien qu’il y ait un essor de la mobilité électrique. Le gaz naturel sert pour le chauffage ou bien pour produire de l’électricité en se substituant au charbon, car il émet moins que ce dernier. Le gaz naturel est donc souvent présenté comme « une énergie de transition », même s’il fait « augmenter le niveau de CO2 dans l’atmosphère », rappelle Philippe Ciais.

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Concernant les transports, le Global Carbone Projet écrit d’ailleurs que « l’aviation et le transport maritime internationaux (3 % du total mondial qui sont comptabilisés séparément des totaux nationaux/régionaux) devraient augmenter de 7,8 % en 2024, mais resteront inférieurs de 3,5 % à leur niveau pré pandémique de 2019. »

…mais une transition énergétique en marche

La complexité du climat ajouté aux nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte, dont les politiques ainsi que la situation économique des nations incitent cependant à nuancer ce tableau assez sombre de prime abord. L’action climatique, notamment par le prisme de la décarbonation de l’économie progresse, et montre des résultats qui se traduisent par un ralentissement de l’augmentation des émissions. « Malgré une nouvelle hausse des émissions mondiales cette année, les dernières données montrent des signes d’une action climatique généralisée, avec une pénétration croissante des énergies renouvelables et des voitures électriques qui remplacent les combustibles fossiles, ainsi qu’une diminution des émissions liées à la déforestation au cours des dernières décennies, confirmée pour la première fois », comment la climatologue Corinne Le Quéré, professeure de recherche à la Royal Society à l’école des sciences de l’environnement de l’UEA.

Selon Pierre Friedlingstein, coordinateur du Global Carbon Project, les évolutions montrent que’ « il est possible de décarboner l’économie sans avoir une récession, mais cela ne va pas assez vite pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. » Il constate malgré tout que « globalement, le monde va dans la bonne direction » en raison du ralentissement mondial des émissions de gaz à effet de serre 2 % par an en moyenne il y a 2 décennies à 0,6 % ces dernières années.

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Ce bilan carbone mondial est publié à un moment charnière, entre une COP29 qui peine çà convaincre sur les engagements financiers et la sortie des énergies fossiles, la multiplication des catastrophes naturelles et l’élection de Donald Trump. « L’élection de Trump questionne la gouvernance internationale de l’action climatique. Même si sous son premier mandat les émissions américaines avaient diminué notamment en raison de la compétitivité des énergies renouvelables face au charbon, son élection peut avoir un impact plus large. Car, si les Etats-Unis, qui sont des émetteurs historiques ne font rien, cela servira peut-être d’excuse pour d’autres pays pour ne pas s’engager dans la réduction des énergies fossiles », commente Philippe Ciai interrogé sur l’actualité, soulignant que l’action climatique ne dépend pas que d’une seule personne mais aussi de facteurs socio-économiques.

Carte des émissions mondiales de CO2 par les énergies fossiles, par le changement d’affectation des sols et cartes des puits de carbone océaniques et continentaux  DR Global Carbon Budget

Enfin, le rapport s’arrête sur l’absorption du CO2. Il indique clairement qu’elle ne suffira pas à faire face à la crise. Il faudra passer par une diminution de l’utilisation du pétrole, du gaz et du charbon, trois énergies responsables de 90 % des rejets de CO2 et que le cycle naturel du carbone ne parvient plus à réguler à lui seul. Par exemple, l’élimination du CO2 par le reboisement compense seulement la moitié des émissions liées à la déforestation. Même si des solutions technologiques existent pour capturer ou éliminer le CO2 dans l’atmosphère, elles ne représentent qu’une part très minime de l’action climatique qui, de surcroit, n’enlève rien à la nécessité urgente de réduire les émissions et donc la dépendance aux énergies fossiles.  Selon les auteurs de l’étude, « les niveaux actuels d’élimination du dioxyde de carbone par la technologie (à l’exclusion des moyens naturels tels que le reboisement) ne permettent que de compenser un millionième du CO2 émis par les combustibles fossiles. »

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

La 19e édition de l’étude Global Carbon Budget publiée ce mercredi dans la revue Earth System Science Data (en anglais) ESSD – 404

Le site Internet GLOBAL CARBON ATLAS et le site Internet du GCP : Global Carbon Project

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