Après des prolongations, la COP29 qui avait commencé le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan, s’est achevée dimanche 24 novembre. Axée sur la question du financement de la lutte contre le changement climatique, elle a abouti sur un accord de 300 milliards versés annuellement par les pays du Nord aux pays du Sud. Cette somme est 4 fois inférieure à celle que demandaient ces derniers. Comment expliquer l’ « échec » de la COP 29 ? GoodPlanet Mag’ fait le bilan avec Xavier Arnauld de Sartre, chercheur du CNRS au laboratoire Transitions énergétiques et environnementales.
Quel regard portez-vous sur la COP qui vient de se terminer ? Pensez-vous qu’elle ait tenu ses objectifs ?
Clairement non. Les COP nous déçoivent toujours, parce qu’on pense qu’elles ne font jamais assez. Il ne faut donc pas qualifier leur échec en fonction d’un absolu, mais en fonction des objectifs qui leur étaient assignés avant la COP. Mais même en adoptant ce point de vue, la COP29 s’avère être un échec.
« Cette COP s’inscrit dans un double cycle »
Cette COP s’inscrit dans un double cycle. Tout d’abord, dans la continuation, du cycle de la recherche d’innovations pour essayer de lutter contre le changement climatique. La COP21, à Paris en 2015, a fait prendre à l’atténuation du changement climatique un tour particulier : au lieu d’agir, comme on le faisait jusque-là, sur le prix du carbone, on a décidé d’agir par l’innovation. Ce sont les innovations technologiques qui doivent nous permettre d’inventer des technologies pour lutter contre le changement climatique. De ce point de vue, rien de neuf, on est toujours dans ce cycle-là. Ce n’est pas là que les avancées étaient attendues à Bakou.
L’enjeu de cette COP29 était de travailler sur le financement de l’adaptation et du fonds sur les pertes et dommages. Ce point fait l’objet d’un cycle de négociation entamé en 2009.
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Et sur ces deux objectifs, finalement, la COP n’a pas été très efficace…
Non, mais on ne l’attendait pas tellement sur le premier, car l’essentiel des décisions sur l’atténuation a été pris à Paris, puis à Glasgow. Cette COP n’était donc pas centrée sur ce sujet.
« Un chiffre représentatif d’une époque où la réalité du changement climatique n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui »
Le principal but de la COP était donc d’avancer sur le financement des pertes et dommages et de l’adaptation. Les parties se sont entendues sur un montant plancher du fonds d’adaptation qui est trois fois supérieur au chiffre qui avait cours jusque-là, ce qui est donc positif. En effet, ce chiffre initial avait été obtenu en 2009 à Copenhague, dans la pire COP qu’on n’ait jamais eue. C’était un chiffre représentatif d’une époque où la réalité du changement climatique n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.
De ce fait, même le triplement de ce montant-là apparait insuffisant. Les pays du Sud demandaient 1 300 milliards, 4 fois plus que les 300 milliards décidés.
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Malgré ces échecs, la COP a-t-elle tenu ses promesses de réconciliation entre pays du nord et du sud ? Assurera-t-elle leur coopération dans la transition écologique ?
Au contraire, la COP a encore plus tendu les choses. Le problème n’est pas tellement entre pays du Nord et du Sud, mais plutôt entre pays développés, pays émergés (les anciens pays en voie de développement que se sont largement développés ces dernières décennies) et les autres, les pays en voie de développement – surtout ceux qui sont particulièrement victimes du changement climatique.
« La manière dont elle a été menée est problématique »
La manière dont elle a été menée est problématique. Les pays développés ont estimé qu’ils n’étaient pas les seuls à devoir financer le fonds d’adaptation. Un peu d’histoire à ce niveau-là permet de comprendre les enjeux. Les négociations internationales en matière environnementale, et donc en matière climatique, sont fondées sur le principe de la responsabilité commune mais différenciée.
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Cela signifie que tout le monde est responsable du changement climatique, mais certains sont plus responsables que d’autres. Au début des négociations internationales en matière climatique, dans les années 1990, la détermination des responsabilités différenciées a été fondée sur l’histoire : ceux qui ont émis depuis le début de l’ère industrielle sont considérés comme les principaux responsables du changement climatique. C’était, peu ou prou, vrai à l’aube des années 2000. À la conférence de Kyoto, en 1997, on a estimé que seuls certains pays devaient agir pour limiter l’ampleur du changement climatique, ceux qui sont listés dans l’annexe B du protocole de Kyoto.
Mais cette notion de responsabilité a évolué depuis Kyoto…
Depuis, un certain nombre de pays se sont développés, et certains, à l’instar de la Chine bien sûr, ont largement rattrapé leur retard historique en matière d’émission de CO2. Aujourd’hui, la Chine, l’Inde, le Brésil sont d’importants contributeurs au changement climatique. En matière d’atténuation du changement climatique, cette donne nouvelle a été prise en compte, et tous les pays doivent contribuer à l’atténuation du changement climatique – c’est un des grands acquis de la COP 21, celle de Paris.
« En matière de négociation internationale, surtout environnementale, il est très dur de changer un consensus »
Par contre, en matière de financement de l’adaptation, on est toujours sur la définition historique des responsabilités. Il y a des raisons à cela, bien entendu. L’enjeu de cette COP, pour les pays développés, était de mettre d’autres pays à contribution du Fonds vert. Lesquels autres pays n’ont pas été d’accord. Il faut bien comprendre qu’en matière de négociation internationale, surtout environnementale, il est très dur de changer un consensus. Une fois qu’on s’est mis d’accord sur quelque chose, il est beaucoup plus difficile de modifier cet accord que de le conserver. Là, le changement n’a pas eu lieu.
De ce fait, les pays développés ont limité leur contribution au Fonds vert. Et les pays qui souffrent le plus des effets du changement climatique, notamment les îles et les pays africains, sont amers – et ils ont raison. Pour eux, le problème n’est pas de savoir qui paye, mais de s’assurer que quelqu’un paye pour les effets qui se font très durement ressentir.
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Que devons-nous attendre de la prochaine COP à Bélem ?
Elle sera probablement davantage axée sur des enjeux que les Brésiliens ne laisseront pas passer : l’aide aux pays du Sud (c’est en ces termes que ça va être reformulé, pas en termes de développés, émergés, en voie de développement), la biodiversité, comme le financement de la protection des forêts, ainsi que la lutte contre les catastrophes. La prochaine COP aura lieu dans un pays qui est soumis à des catastrophes assez nettes en matière climatique, ce qui va jouer aussi.
Le retour de Trump à la Maison Blanche va-t-il impacter les engagements climatiques des COPs ?
Évidemment. Mais il faut appréhender la position des Etats-Unis dans les négociations internationales à la lumière des cycles de négociation dont j’ai parlé plus haut. Ces cycles vont vivre leur vie, avec leurs succès et leurs échecs. Les Etats-Unis vont avoir un rôle là-dedans, mais les négociateurs savent se prémunir des alternances politiques. Les engagements pris le sont de manière ferme, avec des effets cliquets. Les Etats-Unis ne devraient avoir le pouvoir de dynamiter ces engagements passés. Le pouvoir fédéral étatsunien ne s’estimera pas tenu par ses propres engagements, mais il n’est pas tout aux Etats-Unis. L’innovation va continuer, les Etats vont appliquer leurs politiques, etc.
« Je ne pense pas que l’élection de Trump remette fortement en cause les dynamiques qui sont déjà là, mais elle risque d’empêcher d’en engager de nouvelles »
En revanche, il sera plus compliqué de s’engager dans de nouveaux cycles. Je ne pense pas que l’élection de Trump remette fortement en cause les dynamiques qui sont déjà là, mais elle risque d’empêcher d’en engager de nouvelles. Or, on en a besoin.
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Le trop-plein d’attention accordé aux COPs ne porte-t-il pas préjudice aux COPs intermédiaires et aux réunions comme celle de Busan actuellement contre la pollution plastique ?
Je ne pense pas qu’il y ait du mal à trop parler du changement climatique… je pense que le vrai problème est que cette attention nous conduit à être trop déçus, à ne pas voir les cycles dans lesquels les COPs sont engagées, ce qu’elles ont permis de réaliser.
« Il n’y a pas grand-chose de positif à tirer de la COP 29 »
Il faut savoir relativiser les déceptions, même si on peut être déçus quand ça arrive. Ce que pourrait provoquer la surmédiatisation, c’est de nous mettre constamment dans une dynamique de ça n’avance pas, alors que parfois ça avance. Mais en l’occurrence, il n’y a pas grand-chose de positif à tirer de la COP 29.
Avez-vous un dernier mot ?
C’est sur la question d’engager un nouveau cycle que je voudrais conclure. Il parait de plus en plus évident que l’innovation ne suffira pas à limiter le changement climatique à moins de deux degrés. Dès lors, il va falloir agir sur d’autres leviers… et là, il ne reste pas beaucoup de choix. Si on estime qu’on a fait ce qu’on pouvait sur les prix et sur l’innovation, il va falloir limiter la consommation d’énergie, dans les pays qui le peuvent en tout cas. Le GIEC l’a admis, mais ce n’est pas encore passé dans les politiques, et ça n’est pas explicite dans les accords internationaux.
« L’innovation ne suffira pas à limiter le changement climatique à moins de deux degrés »
Quand la sobriété va-t- elle arriver dans la négociation internationale et sous quelles formes ? La question que je pose porte l’enjeu d’ouvrir un autre cycle de négociations dès maintenant. Il ne doit pas sur l’innovation, mais sur la consommation et sur les modes de vie et leur représentation. Pour le moment, on ne voit pas du tout poindre cette remise en cause. Ce qui ne viendra certainement pas de Trump.
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