Aux Pays-Bas, un chimiquier hisse les voiles contre la pollution


Les voiles en aluminium du chimiquier MT Chemical Challenger de la compagnie maritime néerlandaise Chemship BV, dans le port de Rotterdam, le 16 février 2024 © AFP Nick Gammon

Rotterdam (Pays-Bas) (AFP) – C’est un pionnier: le chimiquier MT Chemical Challenger est équipé de « voiles » géantes en aluminium pour l’aider à propulser, à la force du vent, ses 16.000 tonnes.

Il vogue actuellement des Pays-Bas vers Istanbul, un voyage-test pour cette nouvelle technologie qui doit permettre au capitaine d’économiser entre 10 à 20 % de carburant.

« En tant que marin passionné, je réfléchis depuis longtemps à la manière dont nous pourrions rendre notre industrie plus respectueuse de l’environnement », explique Niels Grotz, directeur général de Chemship, qui exploite une flotte de chimiquiers, principalement entre les ports américains du golfe du Mexique et la Méditerranée.

« Aujourd’hui, nous lançons notre premier chimiquier propulsé par le vent, qui, nous l’espérons, servira d’exemple au reste du monde », s’est-il félicité vendredi auprès de l’AFP, lors de l’inauguration des voiles à Rotterdam.

Le MT Chemical Challenger, un navire-citerne de 16.000 tonnes transportant des produits chimiques, a ensuite quitté Anvers vendredi, avec ses quatre voiles de 16 mètres de haut ressemblant à des ailes d’avion.

Son propriétaire espère convertir aux vertus de l’éolien une industrie du transport maritime à l’énorme empreinte carbone.

Le transport maritime mondial – qui brûle du diesel et autres fiouls – a contribué à 2 % des émissions mondiales de carbone en 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Décarboner le secteur

De nouvelles directives de l’Organisation maritime internationale stipulent que les émissions du transport maritime doivent être réduites d’au moins 40 % d’ici 2030 et ramenées à zéro d’ici 2050 pour respecter l’Accord de Paris sur le climat.

« Le transport maritime a toujours été extrêmement compétitif et il sera difficile d’atteindre ces objectifs », concède M. Grotz, dubitatif quant à la rentabilité dans l’immédiat de son projet de voiles.

« Mais nous devons réduire les émissions de CO2 et nous avons décidé que nous n’allions pas rester les bras croisés en attendant que quelque chose de magique se produise », raconte-t-il.

« Avec les voiles de ce navire, nous prévoyons une réduction annuelle d’environ 850 tonnes (de COé), équivalent à l’émission d’environ 500 voitures par an », indique Chemship dans un communiqué.

L’idée est née il y a trois ans lorsque M. Grotz et la société néerlandaise Econowind, spécialisée dans la construction de systèmes de propulsion éolienne pour navires, ont uni leurs efforts.

D’autres chimiquiers de Chemship devraient également être équipés de voiles à l’avenir.

L’installation des quatre voiles sur le Chemical Challenger a été achevée la semaine dernière dans le port de Rotterdam.

Il ne s’agit pas du premier navire moderne à être équipé de voiles rigides : l’année dernière, la société britannique Cargill a par exemple mis à la mer un cargo assisté par le vent.

Mais selon Chemship, le Chemical Challenger est le premier navire-citerne destiné au transport de produits chimiques doté de voiles.

Marin moderne

Construites comme une aile d’avion, les voiles rigides en aluminium sont équipées d’un système d’aérations et de trous pour maximiser le flux d’air dans des vents allant jusqu’à 61 km/h.

Ce système multiplie par cinq la puissance du vent et donne la même puissance qu’une voile imaginaire d’environ 30 mètres sur 30, a déclaré Rens Groot, directeur commercial chez Econowind.

Les voiles rigides modernes sur les énormes navires d’aujourd’hui rappellent une époque où la voile était le seul moyen de se déplacer sur les océans, observe-t-il.

Elles rouvrent également des routes oubliées depuis longtemps, tombées en disgrâce à mesure que la vapeur et le carburant ont remplacé l’énergie éolienne.

« Les +marins+ d’aujourd’hui vont devoir de nouveau rechercher le vent, par exemple le long de la route de Brouwer », note M. Groot, en référence à une route de navigation autour du cap de Bonne-Espérance, initiée pour la première fois par l’explorateur néerlandais Hendrik Brouwer vers 1611.

« Nous essayons de trouver un moyen de réintégrer la nature dans la technologie », explique-t-il. « On sent de nouveau le navire voguer sur l’eau, comme autrefois ».

© AFP

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