Etape cruciale pour les « nouveaux OGM » au Parlement européen, les Vingt-Sept divisés

nouveaux OGM Bruxelles

Récolte du blé à Saint-Philbert-sur-Risle, dans l'Eure, le 15 août 2021 © AFP/Archives JOEL SAGET

Bruxelles (AFP) – Les eurodéputés votent mercredi sur des règles assouplies pour les biotechnologies génétiques, sujet qui fracture profondément les Vingt-Sept: promesse de semences plus résistantes pour les uns, « nouveaux OGM » pour les autres.

Variétés plus résistantes à la sécheresse, aux insectes ou aux maladies, blé pauvre en gluten… autant d’horizons ouverts par les « nouvelles techniques génomiques » (NGT), kyrielle d’outils « éditant » le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur — contrairement aux organismes génétiquement modifiés (OGM) « transgéniques ».

Les membres de la commission Environnement du Parlement européen vont se prononcer sur une législation destinée à encourager ces technologies émergentes, avant un vote en plénière début février en vue de négociations avec les Etats membres.

Principe du texte proposé l’été dernier par la Commission européenne: les règles drastiques encadrant les OGM (longue procédure d’autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance…) ne s’appliqueraient pas aux semences et produits issus de NGT et présentant des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels (dits de « catégorie 1 »).

Sous réserve d’un nombre limité de mutations, ils seraient considérés comme « équivalents » aux variétés conventionnelles et simplement enregistrés dans une base publique. Toutes les autres variétés NGT (« catégorie 2 »), jugées non-équivalentes au conventionnel, resteraient soumises au régime encadrant les OGM.

« C’est un outil crucial pour relever les défis du futur, du changement climatique à la réduction des pesticides », juge Jessica Polfjärd (PPE, droite), rapporteure du texte.

Alors que Bruxelles proposait d’évaluer ultérieurement les questions de propriété intellectuelle, les groupes parlementaires sont d’accord pour interdire la « brevetabilité » des NGT, afin de « ne pas entraver la recherche » ni restreindre l’accès des semenciers et cultivateurs, indique l’élue suédoise.

Menace pour le bio ?

Mais d’autres questions cruciales divisent. Après avoir suggéré d’autoriser l’usage de NGT dans l’agriculture biologique, la rapporteure propose finalement, comme la Commission, qu’aucun produit NGT ne puisse être labellisé « bio » –avec une tolérance en cas de contamination accidentelle.

Par ailleurs, l’obligation d’étiquetage spécifique ne concernerait que les semences. « On estime que les plantes considérées comme conventionnelles ne devraient pas être traitées différemment », tranche Mme Polfjärd.

Des garde-fous jugés très insuffisants par les élus S&D (socialistes), Verts et gauche radicale, qui souhaitent renforcer les mesures isolant les cultures NGT, durcir les exigences de traçabilité, de méthodes de détection et d’étiquetage systématique.

« Si on suit la législation initiale, le consommateur ne saura pas ce qu’il mange, ni l’agriculteur ce qu’il a dans son champ », déplore le socialiste Christophe Clergeau.

S’il reconnaît qu’il peut s’agir d’un « outil utile pour améliorer leurs performances agronomiques », il dénonce une « fuite en avant techno-solutionniste » et un « calendrier précipité », contestant les critères d’identification des NGT au conventionnel.

L’agence sanitaire française Anses a averti le 21 décembre: « Ces techniques peuvent conduire à des modifications des fonctions biologiques des plantes » non prises en compte par Bruxelles, « dont on ne peut pas écarter qu’elles puissent induire des risques pour la santé et l’environnement ».

« Il faut garantir que les exploitations sans OGM le restent », au risque sinon de « menacer » toute la filière bio en rompant la confiance du public, ajoute l’eurodéputé vert Martin Haüsling.

Alors que le temps presse avant les élections européennes de juin, le projet législatif divise aussi les Etats membres, incapables d’arriver mi-décembre à une position commune.

Si une quinzaine d’Etats, dont la France, soutiennent « un outil important » pour affronter aléas climatiques et transition écologique, d’autres (Allemagne, Autriche…) s’alarment vivement de la co-existence avec l’agriculture bio.

Certains pays (notamment de l’Est) s’inquiètent pour leurs marchés à l’export ou redoutent la multiplication des brevets au détriment des cultivateurs.

« Il faut être très prudent, s’assurer qu’il n’y aura pas d’oligopole restreignant l’accès » aux semences, martelait mi-janvier la secrétaire d’Etat polonaise de l’Environnement Urszula Zielinska.

« On doit encore travailler pour tendre vers une position partagée », a reconnu mardi le ministre belge de l’Agriculture David Clarinval.

Si la simplification des règles est réclamée par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, les ONG environnementales en revanche demandent que les NGT restent soumis à la réglementation OGM conformément à un verdict de 2018 de la Cour de justice de l’UE.

L’UE recense 90 demandes d’autorisation pour des cultures NGT au stade de la recherche, avec seulement quelques tests en plein champ (maïs en Belgique, pommes de terre en Suède…).

© AFP

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