La lutte pour la restauration de la plus vaste forêt tropicale d’Amérique centrale

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Vue aérienne d'une zone de jungle restaurée après avoir servi de pâturage illégal à du bétail, dans la réserve de biosphère Maya, dans le département de Petén, au Guatemala, le 4 octobre 2023 © AFP Johan ORDONEZ, Johan ORDONEZ

Reserva de la biosfera maya (Guatemala) (AFP) – En arrachant des touffes d’herbe, Leonel Acosta mène une lutte inégale mais pleine d’espoir pour tenter de redonner vie aux terres déboisées par l’élevage illégal de bétail au coeur de la réserve de biosphère Maya du Guatemala, plus vaste forêt tropicale d’Amérique centrale.

Le soleil lui brûle le dos, mais l’homme de 35 ans reste convaincu du succès du modèle communautaire mis en place depuis une quinzaine d’années pour freiner la déforestation illégale, conserver la forêt et sa biodiversité et nourrir la population locale.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement et les communautés travaillent de concert avec la Wildlife conservation society (WCS). Depuis 2009, l’organisation sensibilise les communautés à l’environnement et leur propose des formations en agriculture, sylviculture ou encore apiculture.

La communauté de Leonel Acosta a reçu l’une des concessions que l’Etat attribue depuis trente ans aux populations locales pour qu’elles y installent des productions durables. Certains les reboisent, tandis que d’autres les cultivent ou y produisent du miel.

Sur cette zone appelée La Colorada, les étendues d’herbe occupent quelque 600 hectares de ce qui était autrefois la jungle, indique Leonel Acosta, qui préfère arracher l’herbe plutôt que la brûler. Si elle brûle, elle repousse plus fort, dit-il, fier de montrer comment des zones de prairie ont déjà été reboisées avec des cèdres et des acajous.

Dans d’autres zones, les populations cultivent du maïs, des haricots, des patates douces et du yucca, au milieu d’espèces « ligneuses » qui seront productives d’ici quelques années, explique Antonio Juarez, un habitant de 38 ans. « Peut-être pas nous (…) mais nos enfants seront la génération qui pourra profiter de ces arbres », dit-il.

 Expulsions

Nichée au nord du pays, à la frontière avec le Mexique et le Belize, cette immense réserve de plus de 2,1 millions d’hectares où vivent 200.000 personnes, est passée de 20% à 33% de déforestation entre 2000 et 2022, à cause du trafic de bois, des incendies et, surtout, de la mise en place de pâturages pour le bétail.

Le parc abrite une faune variée, des lacs et des cours d’eau et une importante végétation, essentielle pour absorber le CO2, principale cause du changement climatique. C’est dans cette épaisse jungle que les Mayas ont construit la cité de Tikal, principal site archéologique du Guatemala, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Mais de nombreuses zones de la réserve ont été détériorées par l’élevage de bétail illégal, utilisé parfois selon des habitants, pour blanchir l’argent de la drogue.

« C’était la jungle et maintenant c’est dégradé », peste Leonel Acosta, membre de l’association Selva Maya del Norte.

Les exploitations illégales sont localisées par satellite et font l’objet d’un rapport. Mais les expulsions sont très longues à obtenir du fait de la bureaucratie judiciaire, regrette le directeur régional du Conseil national des zones protégées (CONAP), Apolinario Cordova.

Il manque une « présence interinstitutionnelle renforcée », dit-il. Il y a bien une présence militaire et policière aux points d’accès à la réserve, mais les empiètements se poursuivent selon lui.

Malgré ces difficultés, plus de 157.000 hectares de forêt ont été récupérés au cours des dix dernières années, selon l’organisation WCS. Au moins 45.000 hectares ont été reboisés et 3.500 hectares sont en cours de restauration, selon la même source.

Dans les prairies, les cigales et les grillons ont remplacé les oiseaux. Mais avec la reforestation, les jaguars, les aras et les oiseaux migrateurs reviennent.

Grâce à une caméra placée sur le tronc d’un arbre, Leonel Acosta et les experts de la WCS confirment ce retour, qui contribue à la dispersion des graines, une restauration passive de la forêt.

« Avec chaque arbre que nous plantons (…) nous sentons que nous donnons la vie au monde entier. C’est un espoir », dit à l’AFP César Paz, coordinateur de la restauration forestière de la WCS.

© AFP

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