Comme au temps d’Escobar, les narcos équatoriens veulent leur zoo à domicile

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Un margay, petit chat tacheté, après avoir été saisi par les autorités, dans une cage de transport à l'hôpital pour animaux sauvages Tueri de l'université San Francisco, le 2 octobre 2023 à Quito, en Equateur © AFP Galo PAGUAY

Quito (AFP) – La découverte d’un couple de jaguars dans un ranch a mis en lumière une nouvelle mode cruelle chez les narcotrafiquants équatoriens. A l’instar du défunt baron colombien de la cocaïne Pablo Escobar, ils installent des zoos privés illégaux à domicile comme symbole de leur statut social.

En mai, la police a découvert le spectacle désolant de deux félins en voie de disparition perchés sur un tronc d’arbre entouré d’une cage.

Ils étaient détenus sur une propriété appartenant à Wilder Sanchez Farfan, alias « Gato » (le chat), un narco présumé lié au cartel mexicain Jalisco New Generation et recherché aux Etats-Unis. Il a été arrêté en Colombie en février.

Outre les jaguars, la police a également trouvé dans son ranch des perroquets, des perruches et d’autres oiseaux exotiques qui auraient été importés de Chine et de Corée du Sud.

Selon Darwin Robles, chef de l’unité de protection de l’environnement de la police (UPMA) équatorienne, le phénomène est relativement nouveau et coïncide avec l’essor du narcotrafic dans le pays au cours des dernières années.

« Là où il y a du trafic de drogue, vous pouvez être sûr qu’il y aura… du trafic d’animaux sauvages », explique-t-il à l’AFP. Le but? « Démontrer leur puissance, leur pouvoir d’achat, leur capacité économique », souligne M. Robles.

La police a saisi plus de 6.800 animaux sauvages en 2022 et près de 6.000 en 2021 dans le pays, l’un des plus riches en biodiversité au monde.

Coincé entre la Colombie et le Pérou, grands producteurs de cocaïne, l’Equateur est récemment passé du statut de simple étape de transit à celui de plaque tournante du trafic de drogue, avec une explosion de la criminalité.

Les jaguars et les oiseaux trouvés sur la propriété de « el Gato » ont été emmenés dans des centres de réhabilitation. Dans la plupart des cas, le retour à leur habitat naturel s’est avéré impossible.

La police a également trouvé des tortues, des serpents, des fourrures et des têtes d’animaux sur les propriétés d’autres trafiquants.

« Posséder un animal est un symbole de statut (social)… Il démontre le rang d’un individu au sein d’un réseau » de crime organisé, décrypte pour l’AFP un représentant de la Wildlife Conservation Society (WCS), une organisation établie aux États-Unis.

Ce responsable a demandé à ne pas être nommé par crainte de représailles de la part des groupes de trafiquants.

Posséder un chat tacheté, par exemple, est généralement une première étape, mais avoir un jaguar est beaucoup plus prestigieux – tout comme détenir de grandes propriétés, des voitures de luxe, des œuvres d’art, des bijoux ou encore s’entourer de femmes à forte poitrine, explique ce responsable.

En Equateur, le trafic d’espèces sauvages est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, beaucoup moins que dans les pays voisins.

– Singes, perroquets, porcs-épics… –

Après qu’Escobar a été abattu par la police colombienne en 1993, sa collection privée de flamants roses, girafes, zèbres et kangourous a été placée dans des zoos.

Mais un troupeau d’hippopotames, resté livré à lui-même, s’est reproduit de façon incontrôlée, devenant une espèce invasive et un véritable casse-tête pour les autorités chargées de la protection de l’environnement.

A l’hôpital pour animaux sauvages de Tueri, à Quito, des chats sauvages, des singes, des porcs-épics, des perroquets et des hiboux sont soignés après avoir été victimes de trafic. Nombre d’entre eux arrivent sous-alimentés ou blessés.

Selon le personnel de la clinique, seul un sur cinq se rétablit suffisamment pour retourner dans son habitat naturel.

Beaucoup ne survivent pas à l’épreuve. Les autres, incapables de vivre dans la nature finiront leurs jours dans des refuges.

Les trafiquants ne se rendent pas compte du mal qu’ils font, souligne le responsable de la WCS. « Avoir un singe chez soi signifie que l’on a poussé un chasseur à tuer sa famille. »

Le Jardin Alado Ilalo de Quito est l’un des refuges qui accueillent les animaux qui ne peuvent pas être réintroduits dans la nature.

« Nous avons des animaux qui arrivent amputés de leurs ailes et de leurs griffes et qui ont subi des dommages psychologiques profonds », explique Cecilia Guana, qui s’occupe des perroquets et d’autres oiseaux du centre, qui n’ont d’autre avenir « que de rester en cage dans des endroits comme celui-ci ».

© AFP

La prolifération hors de contrôle des hippopotames de Pablo Escobar

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