La dissolution des Soulèvements de la terre suspendue par le Conseil d’Etat

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Manifestation à Paris le 23 juin 2023 contre la dissolution des Soulèvements de la terre © AFP/Archives Thomas SAMSON

Paris (AFP) – Les Soulèvements de la terre remportent une première victoire dans leur bras de fer avec le gouvernement: leur dissolution a été suspendue vendredi en référé par le Conseil d’Etat, qui a jugé insuffisants les éléments apportés par le ministère de l’Intérieur, avant de rendre une décision définitive « vraisemblablement à l’automne ».

La plus haute juridiction administrative estime qu’il « existe un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution ».

Le Conseil d’Etat avait été saisi fin juillet selon une procédure d’urgence dite de référé-suspension par les Soulèvements de la terre. Plusieurs associations et partis (dont La France insoumise, EELV, Agir pour l’environnement…) ainsi que plusieurs milliers d’individus s’étaient associés à ce recours.

Celui-ci visait le décret de dissolution pris le 21 juin par le gouvernement qui reproche au collectif d' »appeler » à des violences et d’y « participer ».

« Victoire », a rapidement réagi le mouvement sur Twitter (rebaptisé « X »). « C’est un camouflet pour le gouvernement mais la décision parle d’elle-même », a plus tard réagi l’une des « voix du mouvement », Basile Dutertre auprès de l’AFP.

« La décision du Conseil d’Etat est extrêmement claire, elle n’appelle quasiment aucun commentaire (…), si elle est confirmée elle constituera une jurisprudence importante en matière de droit à la désobéissance en France », a estimé M. Dutertre.

Elle « confirme le caractère profondément inadapté, injustifiable et présomptueux de la procédure de dissolution à notre encontre », a ajouté un communiqué du collectif diffusé dans la soirée. Les Soulèvements de la terre annoncent que leur prochaine action aura lieu le 18 août: un convoi de l’eau contre les méga-bassines, composé de 900 vélos et 20 tracteurs, partira de Sainte-Soline, avant la tenue d’un point presse.

Le ministère de l’Intérieur a lui « pris acte » de cette décision, soulignant qu’elle ne « préjuge pas de la décision que le Conseil d’Etat prendra au fond »

 Décision à l’automne

Le Conseil d’Etat a précisé dans son ordonnance que sa décision définitive sur le fond de l’affaire « devrait pouvoir intervenir rapidement, vraisemblablement à l’automne ».

La suspension de la dissolution du mouvement a suscité nombre de réactions aussi bien dans le monde politique qu’associatif.

« La justice a joué son rôle de rempart » face à un gouvernement qui voulait « interdire un collectif qui le dérange politiquement », a estimé la cheffe d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Marine Tondelier. Le parti présidentiel Renaissance a lui déclaré que cette décision « ne légitim(ait) en aucun cas les actions violentes passées ou à venir ».

« Le Conseil d’Etat freine les ardeurs répressives du gouvernement », s’est félicité la Ligue des droits de l’homme (LDH) dans un communiqué. « Victoire pour les libertés associatives ! », s’est aussi réjoui Greenpeace.

Les juges des référés du Conseil d’État ont estimé vendredi que « la dissolution des Soulèvements de la terre porte atteinte à la liberté d’association et crée pour les requérants une situation d’urgence », justifiant une suspension.

Par ailleurs, « ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes », indiquent-ils.

Les juges estiment également que les « actions promues par les Soulèvements de la terre ayant conduit à des atteintes à des biens » n’ont été que « limitées ».

Le gouvernement avait annoncé son intention de dissoudre ce mouvement le 28 mars, quelques jours après de violents affrontements entre gendarmes et opposants à la construction de retenues d’eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Dans son décret, il affirme que « ce groupement incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence ».

Les Soulèvements de la terre jugeaient eux cette dissolution « liberticide car attentatoire à la liberté d’expression » et « à la liberté d’association ». Ils assurent que les faits qui leur sont reprochés sont « inopérants », « matériellement inexacts » ou ne leur sont pas « imputables ».

 « Historique »

Lors de l’audience de mardi, les avocats du collectif, Me Antoine Lyon-Caen et Aïnoha Pascual, ont fustigé les nombreuses « approximations » et « contre-vérités » avancées selon eux par le gouvernement.

Ils estimaient que par sa décision, le Conseil d’Etat avait « l’occasion de dire si le simple fait d’appeler à la désobéissance civile justifie en soi un motif légitime de dissolution ».

La représentante de l’Etat avait elle plaidé que les actes commis par le collectif allaient au-delà de la simple désobéissance civile, argumentant que « la fin ne peut justifier les moyens ».

A l’issue des échanges, les Soulèvements de la terre avaient jugé que cette audience et la décision qui en découlerait étaient « historiques » dans la mesure où c’est « la première fois qu’il y a la dissolution d’un mouvement aussi important, avec presque 150.000 personnes qui s’en revendiquent publiquement » et que c’est aussi « la première fois qu’un mouvement de l’écologie politique fait l’objet d’une telle procédure ».

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