À Mayotte, les coupures d’eau et la sécheresse comme quotidien

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Une borne d'eau potable près du bidonville du bidonville Talus 2 à Koungou dans le nord-est de Mayotte, le 23 mai 2023 © AFP/Archives PHILIPPE LOPEZ

Mamoudzou (AFP) – Il est 17 heures passées, seules quelques gouttes s’écoulent du robinet. « Ca veut dire qu’ils ont déjà coupé l’eau », soupire Rachdah Charifoudine. Comme pour elle, le quotidien des habitants de Mayotte est rythmé par les coupures nocturnes.

Elles tournent selon les quartiers, entre 17H00 et 07H00. « Jusqu’ici on avait deux tours d’eau par semaine, c’était déjà compliqué, avec une famille de cinq qui doit se laver, aller aux toilettes, faire la cuisine… », explique la mère de famille d’une trentaine d’années. « Et là depuis lundi (22 mai, ndlr) on est passé à trois coupures à Mamoudzou, les mardis, vendredis et dimanches ».

A Mayotte, le problème de la gestion de l’eau est structurel, avec une offre inférieure à la demande.

« La capacité à produire de l’eau à Mayotte aujourd’hui est d’environ 39.000 m3 d’eau par jour alors que la demande se situe autour de 42.000 m3 par jour », explique Ibrahim Aboubacar, directeur général des services de la Mahoraise des Eaux, la société gestionnaire.

L’entreprise compte 43.000 abonnés, couvrant environ 200.000 personnes sur une île où vivaient 300.000 personnes au 1er janvier 2022. On estime cette population à environ 350.000 aujourd’hui.

« Les investissements n’ont pas suivi le rythme de croissance de la population (de l’ordre de 4% par an, selon l’Insee, NDLR). La demande s’accroît environ de 2000 m3 par an », précise M. Aboubacar.

S’ajoute à cela une sécheresse extrême à Mayotte: le ciel n’a jamais déversé aussi peu d’eau depuis 1997, alors que la saison des pluies s’est terminée le mois dernier.

– « Pour le bébé, on ne gaspille pas » –

Le niveau de remplissage des retenues collinaires – qui assurent 80% de l’approvisionnement de l’île avec les cours d’eau – est toujours exceptionnellement bas. La retenue de Dzoumogné, au nord, et celle de Combani, au centre, sont respectivement remplies à 29,7% et 47,1%, contre 98% en moyenne en 2022 à la même période. Le déficit pluviométrique touche également les nappes phréatiques, qui représentent 15% de la ressource.

Le réseau, dont la dégradation s’est accélérée depuis trois ans en raison des coupures, est responsable de 30% des pertes d’eau.

Face à cette combinaison de facteurs, les habitants pourraient subir une quatrième coupure nocturne hebdomadaire à partir de la mi-juin.

Dans sa salle de bain, Rachdah Charifoudine a deux seaux remplis d’eau qui trônent dans la douche. Et près du lavabo, des packs d’eau.

« Si on arrive à la maison après la coupure, on se lave avec les bouteilles qu’on a stockées. Ce n’est pas pratique mais pas on n’a pas le choix », commente résignée Mme Charifoudine.

A Mayotte, près de 30% de la population n’a pas accès à l’eau courante, généralement dans les bidonvilles. Certains habitants se rendent à des bornes-fontaines à carte, mises en place par l’Etat, pour remplir des jerricanes.

D’autres ont réussi à raccorder l’eau chez eux, comme à Majicavo-Koropa, en face de l’ancien bidonville de Talus 2, démoli dans l’opération « Wuambushu » qui vise à réduire l’habitat insalubre et à expulser les personnes en situation irrégulière.

« On gère comme on peut. On met de l’eau dans le jerricane pour économiser. Ce qu’on stocke, on le prend pour cuisiner, pour laver les assiettes », souligne Anna (prénom modifié), avec son bébé dans les bras.

Ils vivent à sept dans son habitation, alors elle se contente d’une seule douche quotidienne, le matin. « Pour le bébé on ne gaspille pas, pour lui c’est matin et soir », assure la mère de famille.

Bibi (prénom modifié) vit un peu plus bas. « Il y a des coupures tout le temps. Des fois on ne prévient pas, ça coupe direct, on n’arrive pas à stocker. Quand tu te lèves le matin, t’as besoin de prendre la douche, l’eau ne revient qu’à 07H00 et nous on se lève à 05H00 pour éviter les embouteillages », soupire-t-elle.

© AFP

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